Plus de 1 200 meurtres en trois mois en Haïti : l’insouciance des autorités face au carnage des gangs
Alors que le bilan des violences en Haïti s’alourdit dramatiquement, avec plus de 1 223 morts enregistrés au cours des trois derniers mois selon le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (Binuh), les deux branches de l’Exécutif jouent l’indifférence, s’enfermant dans des jeux de correspondances institutionnelles qui frisent le ridicule.
Dans une lettre datée du 29 octobre 2024, Marie E. Régine Joseph Haddad, Secrétaire Générale par intérim de la Présidence, invite le Premier Ministre Garry Conille à une réunion urgente sur la présence éventuelle d’une compagnie privée impliquée dans la sécurité publique. Mais dès le lendemain, la Primature a répondu en demandant un report, invoquant les « obligations » du chef du gouvernement. Ce ballet administratif témoigne d’une méconnaissance alarmante de la gravité de la situation.
Selon le rapport de la mission de l’ONU, malgré une baisse de 32% par rapport au premier trimestre, les meurtres sont en hausse de 27% par rapport au trimestre précédent. Les gangs, responsables de 47% des meurtres, continuent de semer la terreur dans le pays, tandis que les forces de l’ordre, censées rétablir l’ordre, contribuent à la violence, avec 106 cas d’exécutions extrajudiciaires recensés, dont six concernant des enfants d’une dizaine d’années. De plus, 8% des homicides sont attribués à des groupes d’autodéfense, un phénomène en croissance de 40%, comme l’illustre le mouvement « Bwa Kalé ».
Face à ce chaos, le manque de coordination entre le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et la Primature est accablant. En échangeant des lettres plutôt qu’en prenant des mesures concrètes, les deux branches de l’exécutif ont laissé aux gangs une marge de manœuvre quasi illimitée, puisqu’ils sont désormais « libres » de commettre leurs crimes. Alors que des citoyens désespérés forment des groupes d’autodéfense pour combler le vide sécuritaire, le silence de l’État soulève des questions quant à sa capacité réelle à endiguer la violence et à rétablir une sécurité durable.
Le peuple haïtien est-il condamné à subir la tyrannie de dirigeants désengagés de la réalité ? Peut-on encore espérer un sursaut d’empathie ou d’efficacité de la part de ceux qui détiennent les rênes de la sécurité nationale ? À l’heure où l’Exécutif se perd dans une bureaucratie stérile, la rue, elle, saigne. Il est temps pour les dirigeants d’abandonner ces pratiques de dérobade et de prendre la mesure de leur responsabilité.