Ayant d’autres chats à fouetter, Garry Conille ne peut pas résoudre les problèmes d’Haïti
Se substituant subtilement à l’État haïtien, la communauté internationale, version occidentale, s’est donné pour responsabilité la résolution des multiples crises dans lesquelles se débat Haïti. Après le naufrage de l’expérience de l’Exécutif monocéphale, en la personne d’Ariel Henry, qu’elle avait installée, elle se fait encore expérimentatrice avec un système gouvernemental normal, à double exécutif, mais, pour la première fois, multicéphale, à neuf têtes, en sus de puiser dans ses réserves Garry Conille, fonctionnaire de longue date de l’Organisation des Nations Unies (ONU), comme Premier ministre.
En prenant ses fonctions, ce dernier avait exposé la feuille de route de son administration, en cinq points exprimée comme suit :
Rétablissement de la sécurité, en collaboration avec des forces policières et militaires étrangères soutenues par l’ONU ayant à leur tête le Kenya.
Assurer la stabilité économique, en mettant en œuvre des réformes économiques, notamment la lutte contre l’inflation et la promotion de la croissance économique.
Développement des infrastructures, telles que les routes nationales, les établissements scolaires et hospitaliers, pour favoriser la croissance durable.
Renforcement des institutions démocratiques, par l’organisation des élections démocratiques et le renforcement des institutions gouvernementales ayant pour objectif la gouvernance transparente et efficace.
Renforcement des partenariats internationaux, en vue d’obtenir un soutien financier et technique pour des projets de développement au bénéfice d’Haïti.
Voilà déjà plus de cinq mois depuis que Garry Conille a été voté Premier ministre intérimaire, par le Conseil présidentiel de transition (CPT), de nombreuses voix, tant de la société civile que de la presse ou encore des réseaux sociaux, s’élèvent pour dénoncer l’inaction, voire l’incompétence du Premier ministre à donner même un résultat minime. À l’exception des organes de presse stipendiés et de personnes intervenant sur What’sApp volant à sa défense. Si le chef du gouvernement laisse beaucoup à redire, en ce qui concerne sa gestion de la chose publique, de mai à aujourd’hui, la disparition de l’empire des gangs armés sur plus de 80 % de la capitale et sur de larges espaces, dans les autres départements, mais plus particulièrement dans l’Artibonite, devrait être sa priorité.
Mais, comme cela est constaté et bien documenté, les exactions des criminels sur la population ne s’arrêtent pas. Au contraire, les assassinats de policiers, les kidnappings et les envahissements, ainsi que les attaques sur les quartiers et communautés se sont renforcées, en sus de nouveaux espaces tombés sous le contrôle des gangs. En dépit de la propagande ayant bénéficié de financements exogènes, faisant croire que la vie commence à reprendre son cours, dans certains quartiers de la capitale, les postes de péage installés sur les routes nationales par les bandits, taxe illégale et criminelle imposée aux populations, demeurent. Même après le déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS). Mais le massacre perpétré, tôt le matin du 3 octobre, sur les communautés de Pont-Sondé, dans le département de l’Artibonite, par le gang de Savien, sous la direction de Luckson Élan, est le comble de l’insécurité en Haïti.
Ce crime, annoncé par le chef de cette organisation criminelle, au moins deux semaines avant que le gang « Grands Griffes » ne passe à l’action, mérite une réponse musclée, immédiate et décisive, de la part des autorités, dont toutes les ressources, en matière de sécurité, doivent être dirigées sur ce département pris pour cible par les voyous.
À la suite de ce carnage, dans lequel plus d’une centaine de personnes, sans défense, ont été massacrées, le gouvernement de Garry Conille devrait être en mode « toutes autres affaires cessantes », jusqu’à nouvel ordre. Pourtant, le chef du gouvernement, qui assume aussi la fonction de président du Conseil supérieur de la Police nationale (CSPN), n’a pas jugé nécessaire d’ajourner sa visite à l’étranger, aux Émirats arabes et au Kenya. Car, pour Garry Conille, l’extrême urgence occasionnée par le massacre de plus de cent citoyens haïtiens doit être reléguée au second plan, par rapport à son dernier voyage à l’étranger.
Aussi Garry Conille, accompagné de sa ministre des Affaires étrangères et des Cultes, avec son équipe, ainsi que de membres des forces de sécurité, se sont-ils envolés à destination d’Abu Dhabi et de Naïrobi, laissant à d’autres la responsabilité de gérer cette dernière crise et les autres, qui avaient surgi au prime abord. Une décision au relent de politique, car M. Conille et Dominique Dupuy sont en conflit avec la présidence multicéphale, depuis le scandale diplomatique ayant éclaté, lors de la 79e réunion de l’Assemblée générale de l’ONU, à New York. Le chef du gouvernement et la chancelière semblent vouloir esquiver l’affrontement avec le nouveau président du CPT, Leslie Voltaire, pour mener d’autres initiatives, dont la promotion est assurée par des organes de presse sur What’sApp liés à la primature et au ministère des Affaires étrangères.
Le contentieux ayant surgi autour de ce dossier n’ayant pas encore été vidé, M. Conille a décidé de s’éloigner du pays en se donnant des initiatives spécieuses, pour épargner à Dominique Dupuy d’être interrogée par le CPT.
En Haïti, après avoir évoqué brièvement le conflit de la présidence tournante et du chef de gouvernement, les observateurs dirigent leur attention sur d’autres sujets. Mais Garry Conille et Mme Dupuy se sont donnés des occupations à l’étranger leur permettant de rester loin d’Haïti.
En effet, les réseaux sociaux sont riches en textes illustrant, avec force photos, le Premier ministre intérimaire et la chancelière montrés avec des membres du gouvernement des Émirats arabes et du président William Ruto, du Kenya, discutant sur Haïti. Le premier, de sécurité et de technologies liées à cette discipline, en sus du développement; et le second presqu’exclusivement de la question de l’expulsion massive de ressortissants haïtiens de la République dominicaine. Aussi bien avec des représentants américains, de la Maison-Blanche et du Département d’État.
De toute évidence, les informations diffusées sur les activités de M. Conille et de Mme Dupuy, à l’étranger, qui prennent l’allure d’un vrai battage, visent à éloigner l’attention du conflit du chef du gouvernement avec les conseillers présidentiels, et de mettre en relief leurs initiatives auprès des autorités américaines et avec le numéro un de l’Organisation des États américains (OEA).
Mais, ces dirigeants, qui dépensent à qui mieux mieux les maigres ressources du pays, y compris dans des voyages à l’extérieur, n’affichent aucune volonté de ménager ce pays pratiquement en faillite.
Il faut signaler que le Premier ministre intérimaire et la chancelière n’avaient pas besoin d’effectuer ces voyages pour remplir les missions qu’ils prétendent avoir accomplies. D’abord, la ministre des Affaires étrangères aurait pu épargner au pays le coût d’un voyage, dont elle et son entourage font peser sur le pays les dépenses liées, non seulement aux billets d’avion et aux chambres d’hôtel, mais aussi à la somme payée sous forme de per diem versé aux fonctionnaires de l’État en déplacement à l’étranger.
Ensuite, les rencontres que Mme Dupuy a eues avec des représentants de la Maison-Blanche et du Département d’État américain, ainsi que celle avec le secrétaire général de l’OEA, auraient pu se réaliser autrement, par souci d’économiser les dépenses effectuées au profit de la sécurité du pays.
Cela vaudrait aussi pour un Premier ministre en voyage avec une délégation pléthorique exigeant des dépenses encore plus importantes que celles concédées à la ministre des Affaires étrangères et son entourage.
À la lumière de tous ces faits, l’incapacité de Garry Conille de remettre le pays sur les rails, en sus de piloter avec succès la campagne en vue de la destruction des gangs — conditions sine qua non — pour exécuter la feuille de route qu’il a annoncée et exigée par ses patrons de l’internationale, le présent chef du gouvernement est incapable de résoudre les crises qui sévissent en Haïti.
Bien que les arguments disqualifiant Garry Conille, en tant que Premier ministre à succès, soient multiples, se donnant d’autres missions à l’étranger, alors que les gangs, qu’il n’arrive toujours pas à démanteler, ont perpétré le plus grand carnage de l’histoire de l’insécurité d’Haïti, il importe de poser la question à ses créateurs : les Américains et leurs partenaires évoluant au sein de l’ONU. Oui, quel pays, parmi eux, aurait affiché le super mépris de son peuple, au point de se donner d’autres chats à fouetter, au moment où son pays a le plus grand besoin de son leadership dans une crise extrême ? En clair, la réponse objective donnée à cette décision de M. Conille permettra de porter le vrai jugement sur ceux qui ont imposé au pays ce Premier ministre intérimaire de transition.