Moïse Garçon, co-fondateur du parti Plan d’Action Citoyenne (PAC), est intervenu lundi sur les ondes de Radio Caraïbes FM, au journal Premye Okazyon, pour livrer une analyse approfondie de la crise politique actuelle en Haïti. Sa prise de parole se veut une critique structurelle des choix récents en matière de gouvernance, notamment la formation d’un Conseil Présidentiel de Transition (CPT), qu’il qualifie d’échec annoncé en raison des conflits inhérents à la société haïtienne.
Moïse Garçon a souligné que le cadre constitutionnel haïtien, tel qu’il est énoncé dans la Constitution de 1987, prévoit un schéma de gouvernance basé sur un président et un Premier ministre à la tête de l’exécutif. Ignorer cette structure pour instaurer un organe collégial de neuf membres, selon lui, reflète une incompréhension des dynamiques politiques nationales, marquées par des rivalités historiques et des divergences socio-politiques profondes. Dans un pays caractérisé par une fragmentation des élites et des groupes d’intérêts, imposer une direction collective sans un véritable consensus revient à aggraver les tensions existantes plutôt qu’à les résoudre.
Garçon met en exergue l’absence de respect pour les institutions traditionnelles, telles que la Cour de cassation, qui, à ses yeux, aurait représenté une solution plus conforme aux principes constitutionnels pour assurer une gouvernance de transition.
Son argument repose sur la nécessité de renforcer les institutions judiciaires dans un contexte où la légitimité des organes de l’État est constamment remise en question. Laisser de côté cette option au profit d’une structure hybride, soutenue par des acteurs internationaux comme la Caricom, révèle une tendance à contourner les mécanismes institutionnels haïtiens en faveur de solutions temporaires et inadéquates, a-t-il martelé.
Sur le plan économique et social, Moïse Garçon a également soulevé l’alarme quant à la gestion inefficace des ressources publiques, en particulier les retards de paiement des fonctionnaires de l’État. Il établit un lien direct entre cette situation et l’incapacité de l’État à lutter efficacement contre la corruption.
En effet, dans un contexte où les employés publics ne reçoivent pas leurs salaires de manière régulière, il devient presque impossible de promouvoir une éthique de service public ou de restaurer la confiance des citoyens envers les institutions. Cet aspect, a-t-il avancé, renvoie à une problématique plus large de la gestion des finances publiques et de la gouvernance administrative en Haïti, un domaine dans lequel des réformes structurelles profondes sont nécessaires.
Le cœur de son message s’articule autour de la question sécuritaire, qu’il considère comme une condition sine qua non à toute transition politique réussie. Selon Garçon, l’absence de contrôle sur les forces de l’ordre et l’incapacité à contrer la montée en puissance des gangs armés ne permet pas d’envisager sereinement l’organisation d’élections générales, pourtant indispensables pour un retour à la normalité institutionnelle. Ici, il évoque le manque de coordination entre la Primature et le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), un dysfonctionnement qu’il perçoit comme un obstacle majeur à la mise en œuvre d’une politique de sécurité cohérente et efficace.
Moïse Garçon appelle à une refonte complète de la gouvernance politique, en insistant sur la nécessité de restaurer les institutions en accord avec les dispositions constitutionnelles. Il préconise une approche inclusive et collaborative, dans laquelle les divers acteurs politiques et sociaux doivent placer les intérêts nationaux au-dessus des ambitions personnelles ou des querelles de pouvoir. Pour lui, la crise actuelle est le reflet d’une gouvernance qui n’a pas su adapter les institutions à la réalité contemporaine, ce qui appelle une réflexion de fond sur la manière de réformer l’État haïtien.
Enfin, Moïse Garçon a réitéré sa position initiale, défendue dans le cadre de l’initiative « Proposition Citoyenne » du PAC, qui prônait la nomination d’un juge de la Cour de cassation comme président intérimaire. Cette solution, écartée par les décideurs politiques au profit d’un organe collégial à 7 Tèt dont 3 ne seraient plus en odeur de sainteté, aurait pu permettre une sortie de crise plus ordonnée, en s’appuyant sur les principes de légitimité institutionnelle et de respect de la Constitution.
Il conclut son intervention en appelant à un « sursaut national », nécessaire pour inverser la tendance à la désintégration de l’État haïtien et pour ouvrir la voie à une refondation politique capable de répondre aux défis du pays.