Le Drapeau au Vent, la Nation dans le Brouillard : Patriotisme ou Parade Politique ?
Ce lundi 14 octobre 2024, sous un soleil lourd et un ciel indifférent, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) a orchestré la montée du bicolore comme si le salut de la nation dépendait de cet instant solennel. À la tête de cette cérémonie, l’architecte devenu président par accident de l’histoire, Leslie Voltaire, a voulu faire vibrer les cœurs. Pourtant, derrière les gestes théâtraux et les saluts figés, une seule question planait : qui croyait encore à cette scène burlesque ?
Nous voilà donc, Haïti, à jouer les mêmes partitions qu’en 1934, lorsque Sténio Vincent, lui aussi président par les circonstances de l’occupation américaine, avait hissé le bicolore sur les mâts du Palais National. L’histoire se répète, mais cette fois-ci, sans l’ombre de l’authenticité. Tout n’est que façade.
À l’époque, Vincent, qu’on savait pro-américain, nous avait offert un discours vibrant, une ode au patriotisme. Mais aujourd’hui, lM. Voltaire, que brandissez-vous ? Des mots creux, des symboles vidés de leur substance, et, au passage, trois conseillers présidentiels « braqueurs de banque » qui auraient mieux fait de s’abstenir de leur soudaine ardeur patriotique. C’est qu’être un patriote tout en étant accusé de corruption, cela frise l’ironie.
Et puis, comme si cela ne suffisait pas, le CPT à 7 Tèt fait tout cela alors que les Haïtiens, chez eux et à l’étranger, continuent de subir le pire. Refoulés par la République dominicaine, menacés de renvoi massif si une administration différente accède au pouvoir à Washington en janvier 2025, Haïti est encore une fois sur la sellette. Et que font nos dirigeants ? Ils réitèrent des gestes vides de sens sous prétexte de réveiller un patriotisme que même eux, dont certains des collabos, peinent à comprendre.
Et pendant ce temps, dans un ballet parfaitement synchronisé, M. Conille se rend au Kenya pour demander l’occupation djanm de son pays avec 600 soldats supplémentaires. Ah oui, comme le chef du gouvernement défaitiste Ariel Henry avant lui, il réclame l’aide étrangère pour remettre de l’ordre dans un pays où, ironie du sort, aucun dirigeant n’a jamais cherché à instaurer un semblant d’ordre par lui-même. L’histoire d’Haïti est ainsi, peuplée de figures politiques qui, en bons comédiens, savent parler de souveraineté tout en signant des traités d’occupation. Est-ce que la postérité s’en souviendra ? Certainement. Est-ce qu’elle leur pardonnera ? Rien n’est moins sûr.
Mais revenons au drapeau qui flotte fièrement aujourd’hui sur les ruines du PalaisNational, alors que les routes nationales sont aux mains des gangs, que le port principal est fermé et que l’hôpital général n’a plus accueilli de patients depuis des moiset des mois.
Vous parlez de patriotisme, M. Voltaire, mais est-ce ainsi qu’on réveille la fierté nationale ? Peut-on encore parler de patriotisme lorsque tout un pays est paralysé, alors que la Constitution est bafouée au quotidien et que ceux qui prétendent la défendre ne la connaissent même pas ?
Le patriotisme, c’est bien plus qu’un spectacle organisé devant les caméras pour la consommationde la gallerie. Ce n’est pas seulement la montée d’un drapeau ; c’est l’éducation civique, la justice, le respect des lois, et la construction d’un avenir pour ceux qui viendront après nous. Nos ancêtres, qu’ils ne savaient peut-être ni lire ni écrire, avaient au moins compris cela. En 1803 et 1804, ils se sont battus pour une idée, pour la liberté, et pour l’indépendance. Que nous ont laissé nos dirigeants depuis ? Des discours creux, des conseillers présidentiels corrompus, des neo-duvalieristes en poste et des demandes d’intervention étrangère qui ternissent chaque jour un peu plus notre souveraineté.
M. Voltaire, arrêtez le spectacle. Levez le drapeau si vous le voulez, mais sachez que le vrai patriotisme ne se joue pas sur une scène publique. Il se vit dans les actions, dans la lutte pour la justice et l’égalité, dans l’effort pour redonner à cette nation la dignité qu’elle mérite. Tant que vous ne comprendrez pas cela, vos discours et gestes seront aussi ridicules que votre patriotisme de pacotille.