Le président de la République Dominicaine, Luis Abinader, a exprimé mercredi, lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, son inquiétude face à la situation en Haïti et a mis en garde contre les mesures « drastiques » que son administration pourrait prendre pour protéger son pays, si la mission soutenue par l’ONU en Haïti échoue à contenir la violence des gangs.
Sans entrer dans les détails des actions envisagées, Abinader a insisté sur la gravité de la situation en Haïti, où les gangs contrôlent désormais 80 % de la capitale, Port-au-Prince. Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, la violence n’a cessé de croître. Plus de 3 600 personnes ont été tuées au cours du premier semestre de cette année, soit une augmentation de plus de 70 % par rapport à la même période l’an dernier. Cette violence a également poussé près de 700 000 Haïtiens à fuir leur domicile, exacerbant une crise humanitaire qui touche tout le pays et incitant des milliers de personnes à quitter Haïti pour chercher refuge ailleurs, notamment en République Dominicaine.
Abinader a remercié le Kenya pour son leadership dans cette mission avec le déploiement de près de 400 policiers kenyans en Haïti, rejoints récemment par une vingtaine de policiers et soldats jamaïcains, ainsi que deux hauts gradés militaires béliziens. Toutefois, le nombre de forces déployées reste loin des 2 500 hommes promis par divers pays pour soutenir cette mission. De plus, le gouvernement américain a averti que les ressources manquent pour garantir le succès de l’opération et envisage la possibilité d’une mission de maintien de la paix sous l’égide des Nations Unies.
Pour Abinader, la mission doit impérativement être pleinement opérationnelle afin de permettre la tenue d’élections libres et transparentes en Haïti, des élections qui n’ont pas eu lieu depuis 2016. Il a souligné que malgré les efforts de la mission, les conditions ne sont toujours pas réunies pour des élections, prévues pourtant dans un an.
« Nous ne pouvons pas permettre que les efforts accomplis jusqu’à présent échouent, » a-t-il déclaré. « Si cela arrivait, l’effondrement d’Haïti serait imminent. »
En effet, depuis le début de cette année, les gangs haïtiens ont orchestré des attaques coordonnées contre des infrastructures gouvernementales clés, prenant pour cible plus de vingt postes de police, tirant sur l’aéroport international principal – provoquant sa fermeture pendant près de trois mois – et envahissant les deux plus grandes prisons du pays, libérant environ 4 000 détenus. Ces attaques ont conduit à la démission de l’ancien Premier ministre Ariel Henry et à la formation d’un conseil présidentiel de transition.
Abinader a également rappelé que la crise haïtienne exerce une pression importante sur la sécurité de la République Dominicaine, soulignant que son pays a assumé une grande part de responsabilité dans la gestion de cette crise, bien au-delà de ce qui pourrait être raisonnablement attendu. Il a précisé que l’année dernière, 10 % des consultations médicales en République Dominicaine concernaient des Haïtiens et que 147 000 des 200 000 enfants étrangers scolarisés dans le système éducatif dominicain étaient d’origine haïtienne.
« La crise en Haïti nécessite une attention particulière, » a-t-il déclaré. « Nous ne pouvons pas y faire face seuls. »
Le président dominicain a également évoqué les efforts de son gouvernement pour contrôler les flux migratoires, en rappelant qu’ils ont expulsé plus de 170 000 personnes présumées haïtiennes l’année dernière. Cependant, selon l’Organisation internationale pour les migrations des Nations Unies, ce chiffre s’élèverait en réalité à plus de 224 000 personnes.
Ainsi, la République Dominicaine se retrouve dans une position délicate, tentant de concilier la protection de ses frontières et la gestion des conséquences de la crise humanitaire qui ravage son voisin haïtien, tout en appelant à une coopération internationale renforcée pour éviter un effondrement total d’Haïti, qui aurait des répercussions directes sur toute la région.