4 octobre 2024
Carlos Hercules éclate comme un feu d’artifice dans le ciel de Conille
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Carlos Hercules éclate comme un feu d’artifice dans le ciel de Conille

image d’illustration

Alors que l’État est en proie à des crises aux dimensions variables, que la lutte pour le rétablissement de la sécurité publique est un mirage et que les citoyens luttent pour leur survie, le ministre de la Justice, Me Carlos Hercules, sur qui l’on comptait pour restaurer la justice dans le pays, brille désormais comme un feu d’artifice en interdisant ces mêmes feux d’artifice, qu’il prend pour le Saint Graal de la gouvernance.

Dans une note publiée vendredi soir, le ministre de la sécurité publique a pris la décision courageuse – bien qu’inapplicable aux territoires perdus encore sous le contrôle des gangs – et pour le moins incompréhensible, d’interdire les feux d’artifice dans le pays. Certes, cela aurait pu être une mesure de bon sens dans un pays où règne la paix, mais on est en droit de se demander si, dans l’Haïti de 2024, qu’il a hérité de Emmelie Prophète Milcé, la population a encore des raisons de tirer des feux d’artifice. Mais qui sont ceux qui festoient jour et nuit , le cœur toujours à la fête ?

Le peuple haïtien, avec une violence omniprésente, un système de santé moribond, des infrastructures délabrées, un système judiciaire vendu au plus offrant et un chômage endémique, connaît-il vraiment des moments de bonheur qui nécessitent l’utilisation de ces artifices festifs ? Il est à parier que M. Hercule a une conception bien singulière de la réalité de son propre pays. Peut-être, dans un élan d’optimisme surréaliste, imagine-t-il les citoyens fêter la fin d’une journée marquée par les coupures d’électricité, les pénuries d’eau et les affrontements entre gangs rivaux et pro-Tèt Kale, avec des feux d’artifice dignes d’un 14 juillet français.

Mais au-delà de la simple mesure, il y a cette incompréhension manifeste des vraies priorités de l’État. Il est tout à fait étonnant que dans un pays où l’exécution de prisonniers dans leur cellule reste impunie, où l’enquête sur l’assassinat de personnalités importantes est en panne, le ministre de la Justice consacre son temps et ses ressources à réglementer l’utilisation des feux d’artifice. Une telle mesure est-elle vraiment la solution aux grands maux de la République ?

Et que penser de l’appel de M. Hercule à M. Rameau Normil, Directeur de la Police Nationale (PNH), comme s’il était un général de brigade, chargé de faire respecter cet édit pyrotechnique. A ce stade, on peut se demander si M. Normil tel un nouveau César, a déployé des troupes dans les rues de Port-au-Prince et dans les « territoires perdus » pour veiller à l’application stricte de l’interdiction. Le DG de la PNH contrôlerait-il désormais des patrouilles policières dans la commune de Pétion-Ville, veillant dans l’ombre, prêtes à intervenir au moindre crépitement illégal dans le ciel haïtien ? L’image est aussi risible qu’absurde.

Par un trait d’humour noir, on pourrait imaginer que les gangs armés qui contrôlent certaines parties du pays se joignent à cet effort herculéen. Peut-être que ces terroristes criminels, dans un nouvel acte de « patriotisme », suspendront leurs activités habituelles pour traquer les contrevenants à cette nouvelle loi sur les feux d’artifice. Ce serait un bel exemple de réconciliation nationale… ou une nouvelle page tragicomique de l’histoire contemporaine d’Haïti.

Le vrai problème, cependant, ne varie pas : les citoyens ne font plus la fête. Ils survivent. Et c’est là que réside l’absurdité de la situation. Comment justifier l’interdiction des feux d’artifice dans un pays où, de toute façon, la population est bien trop accablée pour songer à faire la fête ? Cette mesure, comme beaucoup d’autres prises ces derniers temps, reflète une déconnexion totale entre la classe dirigeante et la réalité quotidienne de la majorité des Haïtiens. C’est un peu comme si l’on demandait aux passagers d’un navire en perdition de ne pas éclabousser le pont avec leurs chaussures, alors que les vagues engloutissent tout le bateau.

Ainsi, loin de répondre aux véritables préoccupations de la nation, la note ministérielle de Carlos Hercule constitue une diversion, une manœuvre politique ou, tout simplement, une tentative désespérée de masquer l’incapacité de l’Etat à prendre en charge les problèmes fondamentaux du pays. Entre sécurité défaillante, scandales judiciaires non résolus et services publics défaillants, il est clair que l’interdiction des feux d’artifice est tout sauf une priorité.

Que reste-t-il à célébrer, Monsieur le Ministre, alors que le pays sombre dans le chaos ? Peut-être qu’après tout, la seule chose à bannir aujourd’hui, ce sont les illusions politiques, ces « feux d’artifice » de façade, ces « faire-semblant » de diriger, qui continuent à faire croire que l’État a encore une emprise sur le destin des citoyens. M. le Ministre, vous savez bien que l’Haïtien moyen pense d’abord à nourrir son corps avec un plat, et que l’adresse de ceux qui festoient à tout bout de champ ne peut échapper au contrôle d’un ministère de la Sécurité publique, à moins que celui-ci ne dise pas son nom.

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