16 octobre 2025
L’illusion de la souveraineté : quand Dominique Dupuy cherche l’indépendance haïtienne dans une bibliothèque
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L’illusion de la souveraineté : quand Dominique Dupuy cherche l’indépendance haïtienne dans une bibliothèque

Et si Mme Dupuy espère que l’acte original d’indépendance restaurera la liberté d’Haïti, ak tout dwa gran mounn li, elle oublie que la véritable souveraineté n’est pas inscrite sur un parchemin, mais dans la capacité d’un État à exercer son pouvoir de manière autonome. Par ailleurs, la ministre Dupuis pourrait s’inspirer de l’exemple britannique, où la Constitution n’existe pas sous la forme d’un document écrit unique. La Constitution britannique repose sur plusieurs sources, à la fois écrites et non écrites. Parmi ces dernières figurent les conventions constitutionnelles, des pratiques non codifiées mais respectées par les institutions et les responsables politiques. Par exemple, il est conventionnellement admis que le Premier ministre doit être membre de la Chambre des communes. Ce système flexible et évolutif démontre qu’une constitution, même lorsqu’elle n’est pas formellement codifiée, peut encore fournir un cadre solide pour une gouvernance stable et efficace, à condition que les principes fondamentaux soient respectés et appliqués.

Vingt-quatre heures seulement après l’arrivée d’un petit contingent militaire jamaïcain sur le sol haïtien, un territoire autrefois symbole de liberté pour le peuple Noir, Dominique Dupuy, ministre de facto des Affaires Etrangères, s’est retrouvée à Londres, dans une tentative de récupération de l’acte original de l’indépendance d’Haïti. Ce document, symbole incontournable de la lutte contre le colonialisme, ‘esclavage inhumain en particulier, avait quitté Haïti pour la Jamaïque, avant de se retrouver dans les archives britanniques au XIXe siècle. Aux yeux de Mme Dupuy, ce parchemin historique représente bien plus qu’un artefact : il serait perçu comme la réincarnation d’une souveraineté nationale perdue, une quête romantique qui, pourtant, contraste fortement avec la réalité actuelle sur le sol haïtien humilié et avili.

Dupuy, bon élève de l’école Martelly-Lamothe de la corruption et de la diplomatie de façade, est convaincue que le retour de l’originale de l’acte d’indépendance d’Haïti marquerait une forme de renaissance de l’indépendance nationale. Or Haïti, symboliquement indépendant depuis 1804, est aujourd’hui le seul État de la Caraïbe à accueillir des forces militaires étrangères sous prétexte de rétablir l’ordre, alors que des bandes armées ont pris le contrôle de plusieurs régions du pays. Il est particulièrement ironique de constater que ces gangs sont en partie un héritage direct de la politique du régime « Tèt Kale », auquel Mme Dupuy est étroitement liée. Ce régime, loin d’avoir renforcé l’Etat haïtien, a au contraire contribué à l’affaiblissement de ses institutions, tout en exacerbant la violence et l’insécurité.

L’histoire diplomatique d’Haïti démontre également que l’indépendance du pays a toujours été fragile. Les relations avec les puissances coloniales européennes, puis avec les États-Unis, ont souvent pris la forme d’une domination économique et politique, plaçant Haïti dans une situation de dépendance structurelle. Dominique Dupuy, qui se targue d’avoir récupéré un symbole de la rupture avec le colonialisme, ne songe pas que la souveraineté d’Haïti n’a jamais été qu’une fragile façade depuis la fameuse journée du 29 juillet 1915. Aujourd’hui, cette fragilité est mise en évidence par l’occupation militaire étrangère du territoire haïtien. Et si Mme Dupuy espère que l’acte original d’indépendance restaurera la liberté d’Haïti, elle oublie que la véritable souveraineté n’est pas inscrite sur un parchemin, mais dans la capacité d’un État à exercer son pouvoir de manière autonome.

Les paradoxes de la diplomatie haïtienne

L’action de Mme Dupuis, qui en apparence est un geste diplomatique symbolique, rappelle étrangement la politique menée par Laurent Lamothe, ancien Premier ministre de l’administration de Michel Martelly. Ce dernier avait mis en place une « diplomatie des affaires » dont l’objectif principal était d’attirer les investisseurs étrangers et de restaurer l’image internationale d’Haïti. Mais cette diplomatie, souvent superficielle, ne s’est pas attaquée aux crises profondes qui rongent le pays, à savoir la corruption endémique, l’injustice sociale et l’insécurité généralisée. Mme Dupuy a suivi les traces de ses prédécesseurs, préférant les gestes symboliques aux réformes structurelles qui permettraient réellement à Haïti de retrouver son indépendance politique et économique.

D’un point de vue plus diplomatique, un constat s’impose : la présence de forces militaires étrangères sur le sol haïtien, y compris le contingent jamaïcain, n’est pas une nouveauté. De l’occupation américaine de 1915-1934 aux différentes interventions des Nations Unies au 21ème siècle, Haïti ne cesse d’être le théâtre de présences étrangères justifiées par la lutte contre l’instabilité interne. Pourtant, ces interventions n’ont jamais réussi à apporter une stabilité durable au pays, tout en remettant en cause sa souveraineté. Cette nouvelle phase d’occupation, bien que moins officiellement qualifiée comme telle, est le reflet direct de l’échec des politiques haïtiennes, dont des personnalités comme Dominique Dupuy font l’impasse sur les véritables enjeux.

Indépendance réelle ou illusion diplomatique ?

L’acte d’indépendance de la République d’Haïti, tel que revendiqué par Mme Dupuy à Londres, renvoie à un épisode de l’histoire où Haïti a effectivement été le premier pays noir à briser les chaînes du colonialisme. Néanmoins, cette indépendance politique, aussi glorieuse soit-elle, a toujours été limitée par des réalités économiques, géopolitiques et diplomatiques. Depuis le XIXe siècle, Haïti a dû négocier son existence avec les grandes puissances, notamment la France, qui lui a imposé une dette colossale en échange de la reconnaissance de son indépendance. Cette dette a non seulement appauvri le pays, mais elle a également placé Haïti dans une situation de dépendance économique qui pèse encore aujourd’hui sur son développement.

En souhaitant obtenir cet acte symbolique, Dominique Dupuy fait preuve d’une déconnexion totale par rapport aux priorités du moment. La souveraineté réelle d’un Etat ne se mesure pas à la restitution d’un document historique, mais à sa capacité à affirmer son autorité, à garantir la sécurité de ses citoyens et à offrir un cadre de vie digne à sa population. En ce sens, le geste de Mme Dupuis s’apparente davantage à du « faire semblant », pour reprendre une expression qui décrit bien la diplomatie haïtienne actuelle : faire semblant de gouverner, faire semblant d’agir, tout en ignorant les vrais défis. Il est par ailleurs révélateur que l’ancienne collaboratrice de Lamothe, n’ait pas choisi de se concentrer sur la réforme du système de sécurité ou d’une sérieuse lutte contre la corruption endémique, préférant poursuivre une illusion symbolique.

L’initiative de Dominique Dupuy, bien que symbolique, s’inscrit dans une longue tradition haïtienne d’affichage diplomatique sans effet tangible sur la souveraineté réelle du pays. En recherchant l’acte d’indépendance à Londres, elle feint d’oublier que cette souveraineté ne se trouve ni dans les bibliothèques européennes, ni dans les documents historiques, mais dans la capacité de l’Etat haïtien à faire face à ses propres défis. Entre les forces militaires étrangères qui patrouillent sur son sol, preuve d’un Etat défaillant, les bandes armées contrôlant des « territoires perdus » et la population affamée, la vraie question est de savoir quand Haïti pourra enfin retrouver une indépendance concrète, et non plus symbolique. Pour l’heure, l’acte d’indépendance reste prisonnier d’une illusion diplomatique qui se perpétue.

cba

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