La République dominicaine, tout en affichant publiquement une ouverture à la coopération avec Haïti, poursuit de manière systématique ses expulsions massives des ressortissants haïtiens, exacerbant une situation déjà tendue et fragile. Les déclarations du président Luis Abinader, affirmant être disposé à « normaliser » les relations avec Haïti, résonnent comme une façade diplomatique, alors que sur le terrain, les actions entreprises révèlent une approche beaucoup plus stricte, voire discriminatoire. La communauté haïtienne, y compris les étudiants qui participent à l’économie dominicaine, fait face à des incertitudes grandissantes. L’obtention et le renouvellement des visas d’études se transforment en un véritable parcours d’obstacles administratifs, laissant ces jeunes vulnérables à des expulsions soudaines et injustifiées.
Cette politique rigide et coercitive, menée sous couvert de « sécurité nationale », révèle les contradictions internes d’un État qui se présente à la communauté internationale comme un partenaire coopératif, tout en renforçant des pratiques qui frôlent la xénophobie. En effet, les étudiants haïtiens, bien que légalement présents et contribuant à la vitalité économique et intellectuelle du pays, sont souvent perçus comme une menace, pris dans le piège d’une bureaucratie complexe qui les traite comme des étrangers indésirables. Leur statut précaire les expose à une incertitude permanente, où une simple négligence administrative peut aboutir à leur expulsion, les faisant basculer dans l’ombre de l’apatridie.
Cette réalité contraste fortement avec les récents propos de Luis Abinader lors de sa rencontre avec le Secrétaire d’État américain Antony Blinken. Alors que le président dominicain salue les efforts internationaux visant à stabiliser Haïti, notamment à travers la mission de sécurité dirigée par le Kenya, son discours masque les dynamiques internes d’exclusion et de marginalisation qui touchent directement les Haïtiens vivant en République dominicaine. Le mur de béton de 164 kilomètres, construit à la frontière, incarne cette politique de séparation physique et symbolique, érigée dans une rhétorique sécuritaire qui alimente une méfiance collective envers tout ce qui est associé à Haïti.
Pour les étudiants haïtiens, cette situation est d’autant plus paradoxale qu’ils participent activement à l’économie dominicaine en payant des frais de scolarité élevés, en louant des logements, et en consommant des biens et services locaux. Ils sont souvent perçus comme des vecteurs de développement pour la République dominicaine, mais cette contribution est largement éclipsée par la stigmatisation dont ils font l’objet. En étant contraints de renouveler constamment leurs visas, ces jeunes se trouvent dans une situation où leur avenir dépend de décisions administratives arbitraires, mettant leur vie sur pause à chaque échéance. L’angoisse d’une expulsion imminente plane toujours, renforçant un sentiment d’insécurité et d’instabilité.
L’attitude ambivalente de la République dominicaine soulève des interrogations profondes : jusqu’où cette politique de division et d’exclusion peut-elle aller, alors même que le pays tire des bénéfices économiques de la présence haïtienne sur son sol? Peut-on réellement envisager une normalisation des relations tant que les pratiques d’expulsion et de discrimination se poursuivent sans relâche? En vérité, la « normalisation » évoquée par le président Abinader semble plus correspondre à une rhétorique destinée à apaiser la communauté internationale qu’à un véritable engagement envers une coopération durable et respectueuse des droits de la personne.
En dépit de la situation chaotique en Haïti, aggravée par l’insécurité et la mainmise des gangs sur la capitale, les Haïtiens vivant en République dominicaine, notamment les étudiants, demeurent les victimes silencieuses d’une politique qui, sous couvert de protection nationale, les prive de leur dignité et de leurs droits. Tant que la République dominicaine continuera à faire coexister des paroles conciliantes sur la scène internationale et des actions discriminatoires sur son propre territoire, la question de la coexistence pacifique entre les deux nations restera irrésolue, marquée par des incompréhensions et des injustices persistantes.