CE QUE JE PENSE
QUESTIONS À BLINKEN
Par Pierre Robert Auguste
En choisissant d’insérer Haïti dans ses pérégrinations internationales, entre des étapes envenimées de guerres meurtrières, opposant notamment, en Europe, la Russie et l’Ukraine, et au Proche-Orient, le Hamas et Israël, le Secrétaire d’État américain, Antony Blinken, qui atterrira à Port-au-Prince dans la matinée du 5 septembre, doit se rendre à l’évidence que le dossier haïtien est aggravé par les mêmes dangers de pourrissement et de conséquences désastreuses, bien que plus latentes. Cela le place face à de poignantes questions existentielles que tout interlocuteur national digne pourrait soulever.
- Comment dissiper la confusion entre un État national, membre de l’ONU, avec ses pleins droits de prérogatives sécuritaires, et une succursale politique déconcentrée de Washington, à laquelle le pouvoir public de Port-au-Prince semble être réduit ?
- Comment oser déclarer son arrière-cour un territoire tout en le laissant se transformer en dépotoir écologique, en repaire de brigands meurtriers, un lieu où la vie humaine est devenue impossible ?
- Comment prétendre combattre la criminalité internationale dans un pays dont les frontières maritimes ne sont pas protégées, où, de la pointe sud à la pointe nord-ouest, les trafiquants ne s’aventurent pas toujours, moins par peur des forces de l’ordre que par la colère insoupçonnée d’Agwé, le loa que l’on croit gardien des côtes haïtiennes ?
- Comment résoudre cet amalgame triptyque : élections, réforme constitutionnelle, conférence nationale ?
- Comment se positionner face à un Premier ministre qui s’est lancé en campagne plus rapidement que les candidats présidentiels eux-mêmes ?
- Comment parvenir à la stabilité dans un pays détruit sans concevoir ni vouloir un plan national de reconstruction et de revitalisation de l’économie ?
- Comment transformer cette formule transitionnelle contre-nature institutionnelle en celle qui conviendrait aux traditions et principes historiques du pays ?
On dira que la préoccupation première des Haïtiens est leur sécurité, la protection de leur vie et de leurs biens, et on aura raison. Mais la question pertinente s’enchaîne automatiquement : tout près des États-Unis, dans un pays dominé par Washington, comment des bandits peuvent-ils s’approvisionner aussi facilement en armes et munitions, alors que les forces de l’ordre haïtiennes en sont interdites sous un embargo stupide, attentatoire et malveillant ?
C’est pour cela que, moins par dégoût de leur pays qu’en quête d’un cadre de vie meilleur, les Haïtiens s’engouffrent dans le programme humanitaire de Biden, qui est devenu un motif de gloire pour ce président démocrate américain.
Comme le Secrétaire d’État américain, Antony Blinken, n’aura pas trouvé un interlocuteur national haïtien digne, son devoir, en tant qu’être humain, lui commandera de trouver des réponses sincères à ces questions. Car le manque de sincérité des hommes politiques cause souvent de grands torts à l’histoire et se révèle fréquemment être la forme la plus dangereuse d’instabilité et d’insécurité pour les peuples, le ferment des révoltes d’hommes et de femmes lassés de leur sort inhumain.
Gonaïves, le 4 septembre 2024
Pierre Robert Auguste


