20 décembre 2025
222ᵉ anniversaire de l’INDEPENDANCE — Gonaïves, 1er janvier 2026 : célébration nationale sans le CPT
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222ᵉ anniversaire de l’INDEPENDANCE — Gonaïves, 1er janvier 2026 : célébration nationale sans le CPT

A Gonaïves, Jean-Jacques Dessalines confie à Boisrond-Tonnerre la rédaction de l’Acte de l’Indépendance, acte fondateur par lequel Haïti se constitue en État souverain (avant 1915), rompant définitivement avec l’ordre colonial. Ce texte, proclamé dans la cité devenue berceau de la Nation, inscrit l’INDÉPENDANCE dans un lieu, une date et une mémoire politique précise. Plus de deux siècles plus tard, l’absence répétée des autorités à Gonaïves interroge la continuité symbolique et institutionnelle de cet héritage.

Gonaïves — Envoyé spécial
Le 1er janvier 2026 marquera la quatrième commémoration consécutive de l’INDÉPENDANCE d’Haïti sans qu’aucune autorité nationale ne se rende à la cathédrale de Gonaïves. Depuis l’épisode avorté de janvier 2022, réduit à une mise en scène dépourvue de toute substance institutionnelle, la cité fondatrice demeure écartée du rituel républicain. Cette absence répétée ne procède ni d’un empêchement circonstanciel ni d’un aléa sécuritaire ponctuel ; elle traduit un dysfonctionnement structurel du pouvoir et une incapacité manifeste à assumer la charge symbolique de l’État.

L’impossibilité annoncée, pour les membres du Conseil présidentiel de transition, de se rendre à Gonaïves procède de deux réalités convergentes. La première réside dans l’illégitimité juridique et politique d’autorités issues d’arrangements anti-constitutionnels conclus entre acteurs cooptés, sans mandat populaire, au terme de transactions politiques entre « amis-copains-coquins » politiquement apatrides, étrangers à toute reddition de comptes démocratique. Leur exercice du pouvoir demeure circonscrit à des espaces administrativement protégés de Port-au-Prince, sans projection territoriale effective.

La seconde tient à l’effondrement de la continuité territoriale de l’État. Lorsqu’un citoyen ordinaire ne peut rejoindre la cité de l’INDÉPENDANCE par voie terrestre, envisager une présence officielle par voie aérienne ne saurait être assimilé à une manifestation de souveraineté. Une telle démarche s’apparenterait à un contournement du corps social, révélateur d’un pouvoir dissocié du peuple qu’il prétend administrer.

À Gonaïves, les organisations sociales locales établissent un lien direct entre cette mise à l’écart institutionnelle et la nature même du pouvoir transitoire. Elles soulignent la responsabilité politique de partenaires internationaux, notamment du Canada, dans la fabrication et la consolidation du Conseil présidentiel de transition, ainsi que dans l’accession à l’exécutif de personnalités dépourvues de légitimité électorale. Fritz Alphonse Jean, Louis Gérald Gilles, Lécy Voltaire, parmi d’autres, incarnent une gouvernance de remplacement, rendue possible par la vacance prolongée des mécanismes constitutionnels. Les trajectoires individuelles confirment cette fragilité : échec électoral d’Alix Didier Fils-Aimé en 2015, absence de réalisation institutionnelle probante de Laurent Saint-Cyr au sein du HCT. Leur capital politique s’est constitué hors du suffrage universel, dans les circuits diplomatiques et les dispositifs transitoires négociés.

L’éviction de Gonaïves s’inscrit, par ailleurs, dans un processus plus large de neutralisation des lieux fondateurs de la mémoire nationale. Vertières a été réduite à une commémoration sans portée politique, le drapeau confiné à l’Arcahaie, tandis que l’INDÉPENDANCE se trouve dissociée de son espace originel. Or, la géographie symbolique d’Haïti participe de l’architecture constitutionnelle de l’État. Gonaïves occupe, pour le 1er janvier, une centralité comparable à celle de New York pour le Labor Day ou de la Louisiane pour le carnaval américain. L’exclure de ce rituel revient à banaliser l’acte fondateur de 1804 et à affaiblir le sens même de la souveraineté nationale.

L’absence persistante de l’État failli et d’un gouvernement de doublure à Gonaïves ne procède donc pas d’un manquement protocolaire isolé. Elle consacre une rupture profonde entre pouvoir et territoire, entre autorité autoproclamée et légitimité vécue.

Une indépendance célébrée hors de sa cité natale interroge moins les conditions de sécurité que la nature même du régime en place.

Là où l’Histoire exige présence, le pouvoir choisit l’absence.
Et Gonaïves, une fois encore, rappelle que l’indépendance ne se survole pas.

cba

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