Paradoxe Démocratique : Le Kenya, qui a vu sa Cour suprême régler les différends électoraux en 2022, promet d’accompagner Haïti vers des élections libres et démocratiques alors que les Kényans se voient refuser le droit de manifester pacifiquement.
Les situations politiques du Kenya et d’Haïti sont révélatrices de paradoxes saisissants dans la gestion des événements électoraux et de la stabilité démocratique, alors même que ces deux pays sont à des stades différents de leur trajectoire politique.
Élections présidentielles au Kenya, août 2022
En août 2022, le Kenya a traversé une période électorale mouvementée marquée par la victoire de William Ruto. La Cour suprême kényane entérine cette victoire par une décision unanime, rejetant les accusations de fraude électorale portées par son principal rival, Raila Odinga.
Cette décision a non seulement renforcé la légitimité de l’élection, mais a également illustré l’indépendance du système judiciaire kenyan. L’analyste politique Javas Bigambo a souligné que cette procédure judiciaire a renforcé la démocratie au Kenya, prouvant qu' »en fin de compte, c’est le peuple qui décide qui sont ses dirigeants ».
Cependant, la défaite de Raila Odinga a marqué une véritable tragédie politique pour lui et ses partisans. Figure emblématique de la lutte pour la démocratie au Kenya, Raila Odinga n’a jamais accédé à la présidence malgré cinq tentatives. Son échec en 2022 fait écho à l’histoire de son père, Jaramogi Oginga Odinga, premier vice-président du Kenya, qui lui non plus n’a jamais accédé à la présidence.
Déploiement de troupes kenyanes en Haïti
En revanche, en Haïti, le chef de la mission kenyane promet le 8 juillet 2024 de « bonnes élections démocratiques » dans un contexte d’extrême violence et d’instabilité. Depuis l’arrivée des forces kenyanes en Haïti, un effort multinational mené par le Kenya vise à restaurer la stabilité et à préparer le terrain pour des élections « démocratiques ». Le chef de la mission, l’officier Godfrey Otunge, a exprimé sa détermination à travailler en étroite collaboration avec les autorités haïtiennes et les partenaires internationaux pour « un nouvel Haïti ».
Cependant, la mission, soutenue par les Nations Unies et les Etats-Unis, fait face à de graves critiques concernant des accusations de violations des droits de l’homme par les forces de police kenyanes lors de récentes manifestations anti-budget. En outre, la mission doit jongler avec les questions de souveraineté haïtienne et de respect de la culture, tout en essayant de stabiliser le pays avant les élections prévues pour février 2026.
Le paradoxe réside dans le contraste entre la stabilité judiciaire et démocratique du Kenya, illustrée par la résolution des élections de 2022, et le rôle de ce même pays dans la tentative de stabilisation et de démocratisation d’un autre pays, Haïti. Alors que le Kenya a démontré la force de ses institutions démocratiques, il se retrouve aujourd’hui à la tête d’une mission internationale visant à établir des conditions similaires en Haïti, pays en proie à de graves troubles « planifiés ».
Les deux pays partagent des caractéristiques communes telles que la violence politique et l’instabilité sociale. Au Kenya, les rivalités politiques et les conflits électoraux ont souvent conduit à des tensions, mais les institutions ont été en mesure de gérer ces crises. En Haïti, la violence des gangs et l’absence d’un appareil d’État fort ont nécessité une intervention internationale, soulignant l’incapacité des institutions nationales à gérer la crise par elles-mêmes, compromettant ainsi toute réalisation réussie d’élections libres et démocratiques, car qui finance commande. Sispann bay tèt w manti !