29 juin 2024
Garry Conille, en Maître et Seigneur
Actualités Société

Garry Conille, en Maître et Seigneur

Conille il est gentil. Conille il est sympa. Conille il est empathique. Conille il est généreux. N’empêche que Conille soit dangereux en absence de balise et de vigilance. Garry Conille a réalisé en moins d’un mois ce qu’Ariel ne savait tenter pendant trente mois d’un pouvoir insouciant. Conille a visité les déplacés et les sans-abris ; il a sympathisé avec les endeuillés. Il a exprimé empathie envers la veuve et l’orphelin. Il est donc plus malin que ses prédécesseurs. Il ne faut cependant jamais perdre de vue que Conille demeure un envoyé spécial fidèle de ces vieux démons générateurs des péripéties d’Haïti. 

Sans arrogance, Conille fera passer les quatre volontés de l’ingérence du Blanc qui s’attèle à être omniprésent et omnipotent dans tous les coins de l’Occident. À travers leurs explorations terrestres, marines et sous-marines, ils sont bien imbues des dotations de chaque nation. Le paradoxe de la malédiction des ressources naturelles nous met en garde que ces gens n’écartent même pas les possibilités de nourrir la guerre civile et des conflits aux espaces faisant objet de convoitise par le capitalisme fou. 

Conille ne fait qu’exécuter un agenda étranger dont lui-même en tant qu’humain et en tant que médecin s’il s’accroche au serment d’Hippocrate, n’est pas nécessairement en accord. Si un minimum de conscience citoyenne le traverse, il fera objection à certains projets et ce sera tant mieux pour Haïti. À l’instar de son homologue issu d’une catégorie socioprofessionnelle similaire, Conille est un missionnaire. À la seule différence, il a été imposé de manière moins arbitraire. Espérons qu’il ne se convertira pas en un mercenaire entêté qui travaille au détriment d’Haïti. L’agenda de l’Occident rancunier d’anéantir Haïti dans sa fierté de bannir le système esclavagiste reste idem. À court terme, un espoir peur être regagné notamment dans le décor de la sécurité ; mais à moyen terme, le pays reviendra à la case départ des sempiternelles crises politiques et sociales.

Une pilule toxique sucrée

Conille ne se montre pas autoritaire, il ne hausse pas le ton, il maintient le bon timbre ; pourtant, le ton a changé, dans la douceur. Le pouvoir du CPT est éludé. En mode Superman, Conille a mis à bord tous les ministres, les siens comme ceux du CPT, pour les fidéliser. L’objectif ultime de ce stratagème serait de concentrer tous les pouvoirs dans son camp. À l’issue de la récente retraite gouvernementale à la recherche de cohésion politique, Conille sans conteste coaché par un laboratoire international expert de la conspiration, mettra tout le monde dans sa poche. Par la trahison il a été intronisé quasiment à l’unanimité, par la trahison il mobilisera tous les autres ministres à une cause commune qui dommage ne peut être la cause d’Haïti. Les funérailles du CPT ont été brusquement chantées, sans avoir pris le temps d’observer ses veillées funèbres.  

L’équipe de Conille avait promis une politique toute neuve avec de nouvelles têtes, non-issues du gouvernement d’Ariel Henry, du PHTK. Pourtant, dans son cabinet, les bracelets rose et blancs continuent de scintiller de mille couleurs. Sa politique d’austérité par la réduction du nombre de ministres, d’ailleurs un problème mal posé, est juste un canular. Sous hypothèse que la stratégie de moins de ministères et moins de ministres équivaudrait à plus de prospérité, pourquoi alors ne pas avoir au total trois ministères, deux ministères voire un seul ministère pour mener l’entièreté de la politique gouvernementale ? Ce raisonnement de réduction des ministères de la manière dont il est soutenu est juste fallacieux. Il faut plutôt cesser ces pratiques d’embaucher des jouisseurs et des médiocres qui pavanent dans l’administration dans une sinécure onéreuse. L’essentiel consiste à exiger de la performance à chaque cadre pour qu’il soit un agent facilitateur des services publics. 

Tandis qu’il jurait par une certaine austérité à travers l’idée de la réduction du nombre de ministères de 18 à 14, Conille a maladroitement créé deux ministres sans portefeuille. En plus d’être en contradiction avec l’objectif initial, Conille augmente des risques d’improductivité et de conflits d’intérêts en fusionnant quelques ministères. À cet égard, le rôle comptable de débiteur et de contrôleur financier du grand argentier de la république est hypothéqué par la fusion du MEF avec le MPCE. Par quel mécanisme magique Kathleen du MEF sera-t-elle toujours en harmonie avec Florestal du MPCE en ce qui concerne par exemple le programme d’investissements publics (PIP) ou tout autre projet impliquant les deux ministères ? Il y a danger. 

Pourquoi un ministère chargé de l’assainissement des institutions de l’État, de la lutte contre la corruption et de l’impunité alors que l’ULCC, l’IGF l’UCREF, la CSCCA, entre autres, ont la mission d’affronter les défis de la saine gestion des affaires publiques ? Que vient chercher un ministère chargé à la solidarité et aux affaires humanitaires dans une administration qui compte le ministère des affaires sociales et du travail (MAST) dont les attributions consistent à définir et exécuter la politique sociale du Gouvernement. Le MAST doit entre autres superviser les œuvres de prévoyance et d’assistance sociale, accorder une protection particulière à la femme, à l’enfant, au vieillard et à l’infirme ; assurer la protection des travailleurs tant dans le secteur formel qu’informel de l’économie, et améliorer leurs conditions de vie et de travail. La duplication est évidente. 

Conille a parlé d’assainissement de la diplomatie et de l’administration publique. Il veillera à stopper l’hémorragie des chèques zombis ; il évaluera les membres de l’AP et il fera la promotion des actions axées sur les résultats ; il encouragera la reddition de comptes. Qu’en-est-il alors du PetroCaribe, de la CIRH ? Lorsque l’on sait que Martelly et Conille ont un parrain en commun, coprésident de la CIRH, lui-même devant rendre des comptes sur la gestion calamiteuse de tels fonds post-sismiques, on déduira que Conille n’a ni qualité ni moyen de mener des actions concrètes contre la corruption.

Le CPT, pété comme un ballon

C’est depuis l’entrée perfide en scène de Garry Conille que le CPT a été juste évincé. Comme un ballon gonflé d’atavisme et de pollution, ce CPT poltron et arriviste a été pété dans les airs. Aucune conviction, aucune opposition, aucun pouvoir réel. Sinon, chaque conseiller a reçu des primes de consolation en ayant le droit de nommer quelques pantins dans les affaires publiques afin de mieux négocier des parts du gâteau rachitique. Amateurisme, inexpérience, incohérence, c’est pour le moindre ce qu’augure ce gouvernement mosaïque conçu sans supervision, sans vetting, sans analyse des dossiers de ceux qui vont engager la nation. Tôt, le CPT a scandaleusement failli à sa mission de scruter les profiles des ministres et secrétaires d’État. 

Jeu de vilains, jeu de platitude, jeu d’ingérence ; dès l’œstrus, les dés ont été pipés en des dictées bourrées de fraudes édictées par une communauté internationale flibustière qui exécute son agenda en solo. Alors que les accords résultant d’un large consensus politique devraient consacrer un mariage décent entre un collège présidentiel et un gouvernement, le divorce a été vite prononcé. La pomme de discorde a été perçue depuis la démarcation de certaines figures influentes notamment de l’accord de Montana qui faisaient la promotion du collège présidentiel. Le CPT a été dérouté de ses fonctions initiales. Quel est le poids d’un conseiller présidentiel dans cette balance politique biaisée par l’internationale au profit du chef du gouvernement ? Quasiment nul.

Dans cette nouvelle embarcation truffée de confusion, Garry Conille est seul maître à bord. On aurait cru à un paradoxe en pensant que le premier ministre a été embauché par le CPT. Faux. Comme pour les postes de conseillers présidentiels et de directeur de la PNH plus tard, le destin de Garry Conille pour devenir PM a été décidé à Washington. Ce dernier scénario de la géopolitique hypocrite n’est-il pas mieux qu’un tweet d’ailleurs ? Filleul adulé des Clinton, Conille a une belle longueur d’avance sur toutes les autres marionnettes, composant une couleuvre à sept ou neuf têtes, qui ne seront in fine des inutiles aux yeux du Blanc. Conille les laissera exhiber quelques puérilités politiques et animer des conflits internes comme celui de conseiller présidentiel rotatif, sans effet et sans intérêts pour la communauté internationale ni pour Haïti. 

Vraisemblablement par les privilèges y afférents, les mauvais locataires des pouvoirs régaliens manifestent toujours le désir d’en accaparer davantage et d’en jouir jusqu’à l’éternité. Alors que « Trop de pouvoir tue le pouvoir », Garry Conille a déjà pris des poussées autocratiques en voulant concentrer beaucoup de pouvoir au profit de son clan, qui nous sera dévoilé demain. La société doit collaborer pour la réussite du gouvernement, certes. Cependant, qu’il soit dans les décrets, les négociations et les actions de ce gouvernement « pèpè », les yeux de lynx doivent s’atteler pour empêcher des dérives despotiques irréversibles à Haïti. 

Comment forcer un équilibre social favorable en absence de ce vide politique béant ? Les institutions de vigie dont l’université, la presse et des associations locales et de la diaspora doivent tirer sur la corde, dans la synergie, afin d’exiger le respect des ressources nationales tout en assurant des conditions de vies décentes en faveur de la collectivité.  

Carly Dollin

carlydollin@gmail.com

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