20 juin 2024
Discours tenu par l’Ambassadeur Jean Pillard à l’occasion de l’ouverture de : Whelan Research Institute in Owerri, Nigéria le 30 avril, 2024
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Discours tenu par l’Ambassadeur Jean Pillard à l’occasion de l’ouverture de : Whelan Research Institute in Owerri, Nigéria le 30 avril, 2024

NDEWO – Onè/Réspè est ce que nous disons en Haïti. Vous m’accueillez à cœur ouvert, j’entre à cœur ouvert. Avant de m’adresser à vous tous aujourd’hui, je porte le lourd cœur des folklores haïtiens qui rêvent d' »Afrik Ginen — Lòt Bò Dlo » – notre Afrique ancestrale – de l’autre côté de la mer, un lieu, dit être atteint seulement dans la mort. Pourtant, me voici debout, vivant sur le sol africain, un privilège refusé à beaucoup de mon peuple. Nous nous souvenons des 300 000 vies perdues lors du tremblement de terre en Haïti en 2010 ; que leurs esprits se sentent chez eux parmi nous maintenant. Nos ancêtres ont été arrachés de cette terre sans leur consentement, et aujourd’hui, nous nous retrouvons à devoir demander la permission de revenir. Alors que nous cherchons des visas auprès de gouvernements lointains et naviguons l’absence de vols directs, mon espoir le plus profond est que chaque Haïtien puisse vivre ce retour – non pas comme un dernier repos mais comme une réunion vivante.

Excellences, chefs traditionnels, tout le protocole observé, Mesdames et Messieurs, leaders estimés, et mes chers frères et sœurs d’Afrique,

Aujourd’hui, je me tiens devant vous au cœur du pays Igbo, où le pouls de notre grand continent bat avec une force indomptable et une unité durable. Ici, sur ce sol sacré imprégné de siècles de sagesse et de courage, notre rassemblement transcende la simple cérémonie. Nous sommes ici, sous le ciel africain illimité, pour revendiquer un héritage partagé, pour guérir les blessures du déplacement forcé, et pour forger un avenir resplendissant de promesses.

Plus de quatre siècles se sont écoulés depuis que les fils et filles de l’Afrique, arrachés à ce continent vibrant, se sont retrouvés dans l’embrassade des Caraïbes. Ce n’était pas une embrassade douce, mais celle des chaînes de fer et de la servitude brutale. Pourtant, dans les collines d’Haïti, l’esprit de l’Afrique a refusé de mourir.

Ceux qui ont été forcés en esclavage, traités comme des objets à acheter et à vendre, ont affronté les canons des armées les plus redoutables du monde. D’abord ce fut l’Espagne, puis l’Angleterre et enfin la France. L’armée de Napoléon, douze ans avant sa défaite à la bataille de Waterloo, a été vaincue par une armée d’Africains asservis sous la direction de deux grands fils de l’Afrique, Toussaint Louverture et Jean-Jacques Dessalines. – Les fils de l’Afrique ont prévalu. L’Afrique a prévalu. Nous avons prévalu.

À l’aube du premier jour de 1804, Haïti s’est levée, une nation libre, la première république noire du monde, marquant une victoire non seulement pour son peuple mais pour les Africains et les peuples opprimés partout, un phare d’espoir et un témoignage du feu inextinguible de liberté qui brûle dans chaque cœur africain. Mais la lutte d’Haïti n’a pas été sans coût. L’audace d’être libre est venue avec un prix – de la dette de l’indépendance pesante qui lui a été imposée, aux occupations étrangères et aux sanctions persistées – un prix que nous payons encore aujourd’hui.

En Haïti, le palmiste se dresse sur notre drapeau – un symbole imposant de triomphe et de résilience. C’est un écho sacré des palmiers qui ornent cette terre, un symbole tissé dans l’étoffe de la culture Igbo, représentant la victoire, la paix et la connexion éternelle entre nous. Ces arbres ne sont pas de simples végétations ; ils sont les liens spirituels qui unissent les Caraïbes à l’Afrique, murmurant à travers les vents que nos âmes sont homogènes.

Le récit d’Haïti, tout comme celui de l’Afrique, a trop souvent été dicté par ceux qui ne connaissent pas notre cœur. Il a été dépeint encore et encore par certains médias dans les couleurs ternes et par les larges traits de rivalités. Il est vrai que le pays traverse une période difficile, en particulier après l’assassinat lâche du président Jovenel Moïse, mais aujourd’hui, je vous appelle à voir à travers ce voile de distorsion. Voyez Haïti dans un contexte plus large pour ce qu’elle est vraiment – un réservoir de potentiel inexploité, un creuset de culture riche, un puits d’esprit indomptable.

Nous ne sommes pas la nation appauvrie que le monde pense que nous sommes ; nous sommes un morceau de l’Afrique, résilient et vibrant, avec des bras ouverts qui atteignent à travers l’Atlantique, avec une profonde nostalgie de notre terre ancestrale.

Tout comme l’Afrique du Sud a brisé les chaînes de l’apartheid, le Rwanda a transcendé les cicatrices de la division, nous aussi devons reconnaître et résister aux forces manipulatrices qui cherchent à couper les liens qui nous unissent. Nous devons rejeter ces forces sans équivoque et revendiquer notre récit. Haïti n’est pas une histoire de désespoir mais une histoire de force immense, un témoignage de l’esprit endurant de l’Afrique elle-même.

Aujourd’hui, j’appelle les leaders, les visionnaires, les agents de changement rassemblés ici : ceci est notre appel clairon à tous ceux qui écouteront. Nous devons forger des partenariats qui transcendent la superficialité de l’aide. Il est temps d’investir dans des futurs durables qui respectent notre souveraineté et célèbrent nos héritages culturels. Que la technologie soit notre pont et le commerce équitable notre chemin vers la prospérité mutuelle.

Aux magnats des affaires présents, je vous implore de regarder Haïti non seulement avec sympathie mais avec intérêt stratégique. Apportez votre expertise, vos ressources et votre respect, et ensemble, cultivons un avenir où les enfants d’Haïti peuvent se tenir sur un pied d’égalité avec les enfants d’Afrique et avec les enfants du monde entier.

Je sais que je ne suis pas le premier à dire cela mais je dois simplement le répéter. J’ai un rêve. Je rêve que nos éducateurs et innovateurs soient pris ensemble dans une grande alliance d’apprentissage et de sagesse, avec Port-au-Prince en partenariat avec Lagos, Cap Haïtien avec Le Cap, Les Cayes avec Le Caire, et nos universités transformées en phares de connaissances et d’innovation qui guident le monde.

Et à chaque âme qui écoute ma voix, embrassez l’esprit d’Ubuntu — Je suis parce que nous sommes. Nous ne sommes pas des peuples dissemblables ; nous sommes une Afrique, puissante et intacte. Que le monde soit témoin que l’embrassade de l’Afrique est assez large pour rassembler tous ses enfants, des rivages des Caraïbes aux sommets du Kilimandjaro.

Soyons la génération qui plie l’arc de l’histoire vers l’unité. Déclarons d’une seule voix, « Oui, nous pouvons. » Oui, nous pouvons créer une Haïti prospère dans une Afrique florissante. Oui, nous pouvons dissiper les ombres jetées par nos passés troublés. Et oui, nous avancerons côte à côte, comme des égaux, comme des parents, vers l’aube d’une ère marquée par notre force collective et notre destin partagé.

Maintenant, avançons vers cet horizon plein d’espoir ensemble. Chantons un chœur qui résonne des montagnes d’Haïti aux plaines du Serengeti. Portons le flambeau qui a été allumé en 1804, non seulement pour Haïti mais pour toute l’Afrique. Tenons-nous unis et déclarons, une fois pour toutes, que nous sommes un seul peuple, du Nil au Niger, du Cap aux Caraïbes.

Ensemble, transformons les défis auxquels nous faisons face en ponts qui nous relient. Transformons l’énergie de nos luttes en la force de notre unité. Ne rêvons pas seulement de retourner sur le sol de nos ancêtres ; faisons-en une réalité. Que ce jour soit remémoré non comme un moment de discours, mais comme le jour où mère Afrique, dans toute sa gloire, a étendu ses bras à travers l’océan et a ramené ses enfants à la maison.

Merci, et que notre unité apporte un avenir où chaque Africain, partout dans le monde, puisse dire avec fierté : « Je suis chez moi ».

Ambassadeur, Jean Pillard

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