Les mototaxis ont transformé cette communauté haïtienne. Maintenant, ils sont menacés.

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(Rose Hurguelle Point du Jour/Global Press Journal)

Summary: Les pénuries de carburant et les prix élevés freinent les chauffeurs. Feraient-ils mieux de poursuivre l’agriculture de toute façon? Certains à Maniche disent oui.

Reporter Byline: Rose Hurguelle Point du jour, Global Press Journal Haiti

Photo Caption: Le chauffeur de mototaxi Venel Blanc transporte Pierre Foguens, milieu, et Jeremie Rodney aux environs de Maniche, Haïti, le 2 avril 2023.

Photo Credit: Rose Hurguelle Point du jour, Global Press Journal Haiti

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MANICHE, HAITI — Depuis la fin de ses études secondaires, Venel Blanc travaille comme chauffeur de mototaxi, utilisant les revenus non seulement pour subvenir à ses besoins, mais aussi pour payer ses études universitaires.

Le jeune homme de 26 ans est en cinquième année d’études d’agronomie à l’Université Lumière-Les Cayes, pour réaliser son rêve de toujours de suivre les traces de son père et de devenir agriculteur. Mais plus il approche de l’obtention de son diplôme, plus ce projet reste un rêve.

Blanc dit que l’accès au crédit pour démarrer une entreprise est difficile pour les jeunes.

« Mon projet d’implanter une ferme agricole dans ma commune est resté au stade de rêve, grâce à Dieu j’ai ma moto pour m’en sortir, » ajoute Blanc, qui continue d’épargner dans l’espoir de pouvoir un jour créer sa propre ferme.

Pour plusieurs à Maniche, une communauté de plus de 20 000 personnes, la moto est non seulement une source de revenus et l’espoir de réaliser des rêves, mais aussi une bouée de sauvetage. Jusqu’en 2010, date à laquelle les motos sont arrivées dans la commune montagneuse du sud, les habitants de Maniche se déplaçaient à dos de cheval ou de mule ou à pied. Toute personne nécessitant un traitement médical devait être portée sur des civières jusqu’à l’hôpital le plus proche aux Cayes, à 14 kilomètres (près de 9 miles). Aujourd’hui, une centaine de chauffeurs de mototaxi opèrent à Maniche, aidant les enfants à se rendre à l’école, transportant les produits agricoles des fermes au marché et faisant même des courses d’urgence dans les hôpitaux.

« Un jour j’ai emmené une dame enceinte à l’hôpital aux cayes, » dit Jean Vernet Mauricette, un chauffeur de mototaxi à Maniche, « malheureusement elle a perdu le bébé, J’ai dû rentrer à Maniche avec la dame et le bébé mort dans ses bras; ce jour-là j’ai compris l’ampleur de notre travail pour nos clients. »

Mais le carburant étant encore rare à Maniche, de nombreux chauffeurs de mototaxi ne sont pas en mesure d’opérer leurs services de taxi habituels, ce qui réduit encore les options de transport pour les résidents. Ceux qui travaillent dans ce secteur ont du mal à joindre les deux bouts, affirmant qu’ils n’ont pas d’autre moyen de gagner leur vie. Certains contestent cette affirmation, accusant les jeunes de tourner le dos à l’agriculture, un secteur qui, selon eux, est le véritable moteur économique de Maniche.

Après que le Premier Ministre Ariel Henry ait annoncé la fin des subventions aux carburants par son gouvernement en septembre dernier, provoquant des manifestations et des barrages routiers dans tout le pays, le carburant est devenu rare. Des gangs criminels ont bloqué le principal terminal de carburant de Port-au-Prince, empêchant la livraison de carburant aux pompes à essence et provoquant une pénurie sur le marché. Depuis que la police a repris le contrôle du terminal, le carburant est progressivement revenu aux pompes à essence du pays à un rythme irrégulier, et de nombreux propriétaires de stations-service vendent de l’essence à prix forts. Le prix fixé par le gouvernement est de 570 gourdes par gallon d’essence (environ 4 dollars américains) et de 670 gourdes par gallon de diesel (4,8 dollars). A Maniche, le gaz se vend environ 1 250 gourdes (8,96 dollars) le gallon. Les prix élevés de l’essence nuisent aux chauffeurs de mototaxi, qui sont obligés d’augmenter leurs tarifs ou d’arrêter complètement de travailler s’ils ne peuvent pas gagner suffisamment pour payer le carburant et réaliser un profit.

Anne Marie Alcidas, une infirmière qui travaille avec les femmes dans les quartiers reculés de la commune, explique qu’avant l’arrivée des motos-taxis, elle ne pouvait atteindre que cinq patients certains jours, mais maintenant elle en voit souvent plus de 15.

« Je me réjouis d’aller sensibiliser ces femmes sur les méthodes de planning familial et d’encourager les femmes enceintes à consulter un médecin dans les milieux ruraux maintenant qu’il y a les motos-taxis, » dit Alcidas, qui a remarqué une réduction de nombre de mototaxis en circulation, ce qui rend son travail plus difficile.

Mauricette, qui vit dans un abri avec sa famille depuis le tremblement de terre du 14 août 2021 qui a détruit presque tous les bâtiments de Maniche, affirme que la hausse du coût du carburant n’aide pas son travail.

« Rester à la maison et regarder mes enfants qui vivent dans un abri depuis le séisme sans pouvoir apporter de quoi les nourrir me tue, » dit-il.

La moto a permis à de nombreux jeunes hommes, qui autrement seraient obligés de partir vers les grandes villes à la recherche de travail, de rester à Maniche.

« Maniche n’a pas d’usine, pas de magasin, pas d’hôtel ou de restaurant qui pourraient embaucher les jeunes ; il y a l’agriculture mais je n’ai pas d’argent pour le faire, » dit Blanc, dont les revenus de taxi moto lui permettent de payer ses frais de scolarité et ses fournitures. Tout l’argent qui lui reste va à ses parents.

Mais Cherilet Labossiere, un cultivateur de 76 ans et ex membre du Conseil d’Administration de la 1ere Section Communale de Maniche (CASEC), dit que les jeunes qui font les motos-taxis au lieu de l’agriculture contribuent à la pénurie alimentaire de la région, ce qui entraîne une augmentation du coût des denrées.

« J’ai élevé mes 4 enfants en travaillant la terre, Je pouvais planter jusqu’à 72 marmites de haricots, » dit Labossiere, faisant référence à une mesure haïtienne d’un pot de haricots équivalant à 2,7 kilogrammes (5,95 livres). « Je donne tout le temps des conseils aux jeunes mais ils n’ont pas la patience pour faire l’agriculture, » ajoute Labossiere, qui travaille la terre depuis son plus jeune Age. « Ces jeunes pensent que faire mille à deux milles gourdes par jour [7.2 to 14.35 dollars] peut les aider à sortir de la pauvreté

mais ils font erreur, ils ne peuvent pas vraiment épargner, prendre soin de leur famille correctement. Maniche est une communauté qui vit du travail de la terre. Il faut persévérer pour réussir. »

Labossière dit que sa ferme a fourni une éducation à ses quatre enfants adultes, qui ne vivent pas à Maniche et ne travaillent pas comme agriculteurs, sauf quand ils aident leur père lorsqu’ils reviennent en vacances, dit-il.

Mauricette a dû abandonner l’agriculture parce que c’était trop cher ; il a dû attendre longtemps avant de gagner de l’argent. Il dit que le coût d’une moto, qui s’élève en moyenne à environ 150 000 gourdes (environ 1 081 dollars), n’est rien comparé au coût de l’équipement nécessaire pour démarrer une ferme.

« Nos aînées pensent qu’on peut se lancer sans argent dans l’agriculture et que c’est facile. C’est faux, il nous faut de l’argent qu’on n’a pas, avec la moto on rentre de l’argent chaque jour et cela nous aide avec les dépenses quotidiennes, » déclare Mauricette, qui doit maintenant lutter pour obtenir du carburant ; la station-service la plus proche est à 8 kilomètres (5 miles) à Dolin, et l’approvisionnement en carburant n’est pas constant.

Comme d’autres chauffeurs de mototaxi, il continue d’espérer que le carburant sera régulièrement disponible au prix fixé par le gouvernement afin qu’il puisse retrouver les revenus dont il bénéficiait avant la hausse des prix de l’essence.

« J’aimerais que le carburant soit disponible dans les pompes et accessible à tous, » dit Mauricette. « Cette situation me tue petit à petit. » This story was originally published by Global Press Journal.

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