Par Pierre Robert Auguste

Pour comprendre la situation terriblement aggravée de notre pays, il est essentiel de ne pas perdre de vue que depuis plus de 20 ans, les anciennes puissances esclavagistes telles que les États-Unis d’Amérique, la France, l’Espagne, ainsi qu’un État en quête de puissance internationale, le Canada, ont décidé qu’un autre État membre de l’ONU, Haïti, né foncièrement anti-esclavagiste, ne devrait plus être en mesure de se gouverner lui-même. Ils ont décidé qu’il devrait désormais être dirigé par une entité hybride de doublure qu’ils ont formée sous le nom de Core Group, un gouvernement transnational aussi illégitime qu’indécent et cynique. Le fondement de ce gouvernement dominant repose sur la théorie de l’insignifiance.

Selon cette théorie, l’État national haïtien ne vaut plus rien. L’identité haïtienne est désincarnée, comme un zombie sans maître. Il revient à nous, le Core Group, de les sauver, de les sortir de l’obscurité et de les guider vers la lumière.

La théorie de l’insignifiance nécessite toujours une justification. Il doit y avoir des ténèbres (multiplication et approvisionnement des gangs pour entretenir l’instabilité). L’incapacité et l’insuffisance doivent être manifestes, tout comme la gouvernance lacunaire (cas d’Ariel Henri). L’indifférence à l’opinion nationale, le mépris de la dignité du peuple haïtien (maintien du gouvernement d’Ariel Henri contre la volonté générale), le verrouillage et la conditionnalité de certaines nominations stratégiques à l’aval transnational (l’état-major de la PNH, la Secrétairerie d’État à la Sécurité), ainsi que le suivisme économique contre toute initiative autonome contraire aux injonctions du FMI et de la Banque mondiale.

Par conséquent, l’intérêt national doit être subordonné aux injonctions du Core Group (tweet de Mme Laline transférant la direction de la primature à Ariel, réduisant et permutant le rang de Claude Joseph).

Cette théorie de l’insignifiance est appliquée en Haïti au mépris du droit international. Elle viole un peuple, membre d’un État lui-même membre de l’ONU, dont les principes fondateurs énoncent « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables à la liberté, la justice et la paix, garantissant à tous les peuples le droit de disposer d’eux-mêmes ».

En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. Ce sont ces droits consacrés qui ont inspiré, après la Seconde Guerre mondiale en 1945, le rêve d’une société internationale civilisée.

Ce rêve s’effondre en Haïti sous le joug du Core Group. C’est une société bafouée que les grandes puissances cherchent à substituer sous l’empire de la force et de l’assujettissement inégalitaire, discriminatoire et hypocritement raciste. Je m’attacherai à démontrer dans l’un de mes livres les méfaits et l’absurdité de cette théorie de l’insignifiance. Trop de souffrances humaines ne justifient pas cet orgueil effréné de vouloir imposer une autre constitution excentrée.

Gonaïves, le 17 février 2024

Pierre Robert Auguste

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