Me Evens Fils | Du discours sur l’illégalité de nomination des magistrats en Haïti : une démonstration partielle redoutablement dangereuse.

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Gare à ceux qui se méprennent sur les lois, de bonne foi !

Le sabbat est fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat.

Le Droit est une science, un système de connaissances organisées de manière cohérente, d’une valeur universelle et non le produit de réflexions individualistes limitées. La vérité n’est jamais partielle, elle est toujours intégrale.

Quand le chèque de rémunération d’un magistrat est signé, mensuellement, d’un membre du Gouvernement, non issu d’un processus constitutionnel, au nom du principe de la continuité des services publics, la responsabilité partagée et l’interdépendance des Pouvoirs, alors qu’on insinue le contraire, il y a donc lieu d’en faire le point.

La loi n’est qu’un élément du Droit. Le Droit est composé des valeurs, des principes, des normes, des textes de loi, des us et coutumes, des théories, des doctrines, etc.  Dans certains pays ou domaines, les textes n’existent même pas. Seule la jurisprudence y prédomine, en appliquant des solutions cas par cas, axées sur la bonne foi et les valeurs sociétales.  Quatre situations pratiques remettent en question cette envolée d’illégalité non pondérée :

1.           Si un Avocat nie l’ensemble des éléments du Droit, outre le texte de loi, et soutient qu’un Conseil des Ministres, ponctuellement et exceptionnellement, en absence du Président de la République, ne doit pas gérer les affaires courantes de l’État et faire continuer le service public ; si la nomination d’un magistrat est illégale aux yeux de l’Avocat, celui-ci ne doit point se présenter par devant ce magistrat. Question de cohérence !  

2.           Si un juge se réfère stricto sensu qu’à la Constitution (Art. 174 et 175), et nie les autres éléments qui composent le Droit ; si ce n’était pas une assemblée Communale ou Départementale qui avait proposé le nom de ce magistrat aux fins de sa nomination, que celui-ci démissionne pour violation de la Constitution, restitue ses émoluments, répare les victimes de son forfait et se livre à la prison civile la plus proche. Question de cohérence !

3.           Si un citoyen veut s’en prendre à toute question de constitutionnalité, en fustigeant tout et partout, comme artisan d’un chaos agonisant, qu’il se livre à la prison civile la plus proche pour violation de la Constitution, pour avoir supporté un Président, un Parlementaire, un Maire ou autre élu issu d’une élection non organisée par un Conseil Électoral Permanent. (Art. 192 Const.). D’une part, ce Président issu d’une élection inconstitutionnelle signe les commissions de nomination des juges et nomme les directeurs généraux. D’autre part, tout citoyen contestataire ne devrait pas accepter, en retour, que ces derniers « illégaux » signent, en sa faveur, des documents administratifs, notamment chèques, extraits, matricule fiscal et passeport. Des contestataires parviennent jusqu’à payer, volontiers, des taxes imposées par ceux qu’ils reprochent. Le vrai se distingue toujours du vraisemblable !

4.           Si un politicien imprudent maintient que la conjoncture judiciaire est illégale, sans aucune autre considération juridique, qu’il prenne garde à son futur qui, mathématiquement, ne pourra jamais sortir d’une élection constitutionnelle, organisée par des autorités constitutionnellement établies. Et toute les décisions subséquentes seront entachées du même vice. Tout activiste risque, comme un espiègle, de tomber sous le joug de sa propre critique d’illégalité du processus qui l’aura installé. La Constitution reconnait-elle la désignation de Président provisoire par la société civile ?  Qui pourra, constitutionnellement, convoquer des élections ? Quel CEP ? La loi est une pour tous, générale et impersonnelle. Tout recommencer ? Sur quelle base constitutionnelle ? Et le critique constitutionnaliste, peut-il s’en servir, quand viendra son tour ? 

Le Droit est un tout et non un « Big Bang » où s’entrechoquent des arguments antinomiques, des envolées antithétiques et fantaisistes. Ce qui distingue le Droit de la religion, c’est que s’il existe une dizaine de confessions religieuses issues de l’interprétation d’un seul verset biblique, en Droit, il existe une autorité suprême, par pays, pour trancher les interprétations et imposer la vérité judiciaire, laquelle est invariablement imposable à tous. 

De toute évidence, il faut un prompt retour à l’ordre Constitutionnel. Des changements substantiels ne doivent plus attendre. La nation est désespérément désorientée, fatiguée et souffrante. Mais prôner le suicide collectif n’est pas la solution. Une vision juridique globale inclusive, assortie d‘un plan d’action axé sur des résultats, est la réponse. Les juges intègres et courageux en seront les premiers artisans. Pour ce faire, il faut, dans un élan désintéressé, remuer toutes les formules juridiques, les formalités impossibles non substantielles, les faits générateurs de droit, accepter de construire le parfait à partir du moins, et enfin, par anticipation, fixer les responsabilités et appliquer des sanctions. Que celui qui trébuche se relève ! Le Droit, cette pierre d’achoppement et arme à double tranchant, n’est pas seulement ce qui est écrit.

Evens Fils, av.

Ouanaminthe, 30 janvier 2024.

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