Conflit croissant sur l’eau entre la République Dominicaine et Haïti : Un canal de plein droit en question

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L’Edito du Rezo

« L’eau est la source de vie, mais elle peut aussi être une source de conflit. » – Kevin Watkins

La tension monte entre la République dominicaine et Haïti, deux nations voisines qui partagent une histoire complexe. Au cœur de cette discorde se trouve un conflit lié à l’eau, avec des implications profondes pour les deux pays. Ce différend s’est intensifié au tout début du mois, culminant dans la fermeture de toutes les frontières terrestres et maritimes entre les deux nations le 18 septembre dernier.

L’élément déclencheur de cette crise remonte au 11 septembre, lorsque le Président de la République dominicaine, Luis Abinader, a suspendu les visas pour les Haïtiens et a menacé de fermer les portes de son ‘paradis’ en réponse à des informations selon lesquelles Haïti envisageait la construction d’un canal visant à détourner l’eau de la rivière Massacre. Cette mesure avait pour objectif d’atténuer les conséquences d’une sécheresse sévère touchant la plaine de Maribaroux en Haïti.

L’initiative de construire ce canal est portée par des groupes locaux qui se sont réunis pour permettre l’irrigation d’environ 3000 hectares de terre. Cela découle également d’un sentiment que le gouvernement haïtien n’a pas répondu adéquatement à leurs besoins en matière d’eau.

La rivière Dajábon, partagée par les deux pays, prend sa source dans la Cordillère Centrale, la plus haute chaîne de montagnes de la République dominicaine, et elle forme la partie nord de la frontière entre les deux nations. Les deux pays sont liés par un traité, connu sous le nom de « Tratado de Paz, Amistad y Arbitraje » (Traité de Paix, d’Amitié et d’Arbitrage), qui a pour but de promouvoir l’amitié et les relations pacifiques entre eux. Ce traité existe depuis près d’un siècle, signé en 1929 par la République dominicaine et la République d’Haïti.

L’article 10 de ce traité traite spécifiquement des questions liées à l’utilisation des rivières Dajábon et Pedernales, qui sont des cours d’eau communs aux deux pays. Il stipule que les deux parties s’engagent à ne pas entreprendre de travaux susceptibles de modifier le cours de ces rivières ou d’altérer leurs sources. Cependant, il précise également que cela ne doit pas empêcher chaque État d’utiliser équitablement ces rivières à des fins d’irrigation, agricoles et industrielles, dans les limites de leurs territoires respectifs.

En 2021, des investisseurs et propriétaires terriens en Haïti ont annoncé leur intention de construire un canal qui détournerait l’eau de la rivière Massacre. Cette initiative a rencontré une forte opposition de la part des autorités dominicaines, craignant que le canal ne prive la rivière de la totalité de son débit. Sous la pression politique de la République dominicaine, comme toujours, le projet a été momentanément abandonné. Cependant, les plans pour la construction du canal ont ressurgi, ravivant les tensions entre les deux pays. Les braves paysans du Nord-Est, sans aucun soutien du gouvernement de doublure de Ariel Henry, a néanmoins annoncé son intention de poursuivre la construction du canal malgré les mesures prises par la République dominicaine.

Le 21 septembre, le Président Abinader s’est exprimé devant la 78e Assemblée générale des Nations Unies pour défendre les mesures prises par son gouvernement à l’encontre de son voisin. Parallèlement, l’expert des Nations Unies sur Haïti, William O’Neill, a exhorté le gouvernement à reconsidérer la fermeture de la frontière, affirmant que cela aurait des conséquences graves pour les populations des deux côtés de la frontière. Les directeurs de cliniques médicales en Haïti ont également informé M. O’Neill que cette fermeture nuirait à leur capacité à traiter les patients.

Ce conflit autour de l’eau soulève des questions complexes liées aux droits transfrontaliers sur les ressources naturelles, à la diplomatie internationale et à la recherche de solutions équitables pour répondre aux besoins en eau des deux nations. La résolution de ce différend nécessitera un dialogue continu et des efforts concertés pour préserver la paix et la stabilité dans la région.

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