Dans une interview avec la FIFA, les stars haïtiennes Nérilia Mondésir, Melchie Dumornay et Roselord Borgella expliquent ce qui fait la force de l’équipe des Caraïbes.
- Haïti s’est qualifié pour sa toute première Coupe du Monde Féminine
- Les Antillaises affrontent l’Angleterre, la RP Chine et le Danemark dans le Groupe D
- FIFA a parlé à trois cadres d’une équipe bâtie pour surmonter tous les obstacles
Résilience.
S’il y a un substantif qui décrit de façon idoine le caractère de l’équipe d’Haïti c’est bien celui-là.
C’est en tout cas ce qui ressort des discussions entre la FIFA et les stars de l’équipe antillaise Melchie Dumornay, Roselord Borgella et Nérilia Mondésir.
Il faut dire que les Grenadières ont dû en surmonter des obstacles pour enfin parvenir à se qualifier pour leur toute première Coupe du Monde Féminine de la FIFA™ en Australie et en Nouvelle-Zélande, devenant ainsi la première équipe haïtienne à disputer une Coupe du Monde senior depuis leurs homologues masculins en 1974.Les Haïtiennes exultent !La joie des Grenadières au coup de sifflet final. Haïti est qualifié pour la Coupe du Monde Féminine 2023 !
Les protégées de Nicolas Delépine ont effet un temps cru pouvoir se qualifier directement pour Australie & Nouvelle-Zélande 2023 par le biais du Championnat féminin de la Concacaf 2022, surtout après avoir battu le Mexique 3-0 sur ses terres. Leurs illusions n’ont cependant été que de courte durée puisqu’un revers 4-0 face à la Jamaïque en dernière journée de la phase de groupes du tournoi les ont obligées à passer par le Tournoi de barrage de la Coupe du Monde Féminine.
« C’était un moment un peu difficile », avoue Nérilia Mondésir, la capitaine de la sélection. « On a peut-être été un peu trop confiantes. Il y a eu beaucoup d’amertume après le match contre la Jamaïque, on était déçues. On est passées par toutes les émotions avant d’arriver à la qualification. »
Certes, elles ont bénéficié d’une seconde chance, mais les Haïtiennes ont tout de même dû à nouveau repartir de zéro. Il s’agissait maintenant de se débarrasser du Sénégal puis du Chili dans les barrages intercontinentaux en Nouvelle-Zélande. Et c’est exactement ce qu’elles ont fait, battant les Africaines 4-0 en demi-finales puis le Chili de Christiane Endler 2-1 en finale.Chili – Haïti | Groupe B | Tournoi de barrage de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, Australie & Nouvelle-Zélande 2023™ | Résumé vidéoRegardez les moments forts du match entre le Chili et Haïti joué North Harbour Stadium, Auckland le 22/02/2023 à 14h.
Repartir de rien, le peuple haïtien n’est malheureusement que trop familier avec ce concept. En janvier 2010, le pays a été secoué par un terrible tremblement de terre d’une magnitude de 7 provoquant la mort de près de 230 000 personnes. Si Nérilia Mondésir et la star montante de la sélection Melchie Dumornay n’avaient que 11 et 6 ans, les souvenirs de ces terribles moments ont laissé à jamais une plaie béante difficile à cicatriser.
« C’est quelque chose qu’aucun Haïtien n’a oublié », explique la jeune Melchie Dumornay, 19 ans, la voix tremblante. « C’est une sorte de ‘phobie’ de parler de ça parce que beaucoup de nos proches sont morts. Il y a eu beaucoup de pertes, beaucoup de tristesse, beaucoup de désolation, beaucoup de douleur émotionnelle et physique. C’est quelque chose qui nous a enseigné à être beaucoup plus prudents, à faire ce qu’on fait dans la vie avec beaucoup plus de sérieux, à réussir, à avoir un mental d’acier parce qu’on se dit qu’on est encore en vie. Ça nous a fait prendre conscience de l’importance de notre vie. »
Cette relativité par rapport au football et aux autres activités de la vie courante constitue une autre des forces morales de cette équipe, 53e au Classement féminin FIFA/Coca-Cola. C’est certain, les Haïtiennes souhaitent remettre un sourire sur le visage de leurs compatriotes.
« On a envie de faire plus, de donner beaucoup plus de plaisir à tous les Haïtiens qui nous supportent, à nos familles, à nos amis qui ont toujours cru en nous », poursuit Melchie qui a signé chez les géantes de l’Olympique Lyonnais à partir de la saison 2023/24 après deux saisons au Stade de Reims. « C’est une fierté énorme et on le sait. On a envie de faire encore plus et d’aller encore plus loin. »
Un autre facteur qui a permis aux Grenadières de valider leur billet pour l’Australie et la Nouvelle-Zélande est certainement le fait que certaines d’entre elles – comme Melchie et Nérilia, mais aussi Kerly Theus, Ruthny Mathurin, Sherly Jeudy et Roseline Éloissaint – ont déjà vécu une expérience mondialiste, à l’occasion de la Coupe du Monde Féminine U-20 de la FIFA, France 2018™.
« C’est un avantage d’avoir grandi avec des coéquipières avec qui on a vécu presque toute une vie », confirme Melchie. « On connaît leurs points forts et leurs qualités. Ça nous aide dans la prise de décision sur le terrain. Si je dois faire une passe à une coéquipière, je sais qui est beaucoup plus rapide, ou si je veux garder le ballon, je sais qui est plus technique. Ce sont des détails qui sont énormes quand on joue au haut niveau. »
Sa capitaine Nérilia est du même avis et va même un peu plus loin dans son analyse de leur premier Mondial ensemble il y a 5 ans. Les Grenadières s’étaient inclinées dans leurs trois matches de groupe, sur le plus petit des écarts à chaque fois : 2-1 contre la RP Chine, 1-0 face au Nigeria et 3-2 contre l’Allemagne.
« On a pris de l’expérience, on a appris les erreurs qu’il ne fallait pas faire à l’avenir », explique Nérilia (24 ans), auteure des trois buts d’Haïti dans ce tournoi en 2018. « Cela nous a aidées techniquement et physiquement. Mentalement aussi. On réfléchit mieux, on analyse mieux le jeu sur le terrain. »
On en revient toujours à ce côté résilient, cette solidarité qui vient souder un groupe déjà bâti à surmonter les plus grands obstacles.
« Notre plus grande force, c’est nous-mêmes, c’est la cohésion d’équipe », continue la joueuse du Montpellier HSC. « On fait confiance à notre groupe, on fait tout ensemble. Même quand on perd, on ne lâche rien. On est des battantes. C’est ça notre plus grande qualité. On se bat jusqu’au bout même si l’adversaire, sur le papier, est plus fort que nous. »
Le dernier exemple de l’endurance dont peuvent faire preuve les Haïtiennes, c’est sans doute Roselord Borgella qui nous le fournit en partageant une anecdote qui lui est arrivée face au Sénégal en Tournoi de barrage, un match où elle a inscrit deux buts en deux minutes.
« Je me souviens avoir mal aux genoux, mais mes coéquipières sur le terrain m’ont aidée à rester concentrée malgré la douleur », raconte Roselord. « Ça m’a rendu forte et j’ai marqué un doublé. Ça m’a donné confiance. »La belle histoire d’HaïtiPlongez-vous dans la belle histoire d’Haïti au Tournoi de barrage de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA™ qui ont vu les Grenadières se qualifier pour la compétition planétaire de juillet et août.
Surmonter les obstacles, toujours et encore. Cette résilience, ce petit pays de 11 millions d’habitants en aura une nouvelle fois besoin pendant la Coupe du Monde Féminine 2023, car les joueuses de Delépine seront encore mises à rude épreuve. En effet, les Haïtiennes rencontreront l’Angleterre (22 juillet), la RP Chine (28 juillet) et le Danemark (1er août) dans le Groupe D.
En tout cas, s’il y a une équipe qui peut surprendre les championnes d’Europe et d’Asie en titre, c’est bien cette fantastique génération haïtienne. Ce n’est pas pour rien si les supporters antillais scandent à qui veut l’entendre « Alaso ». C’est-à-dire « À l’attaque » en créole haïtien. Le cri de ralliement des guerrières résilientes.

