Si au commencement était la Parole pour mystérieusement ériger le géant édifice planétaire, il paraît qu’une Parole parallèle se conçoive par le patron de l’Occident vers la concrétisation de l’odieuse mission d’affaiblir sinon éliminer certains voisins. Tout porte à croire que cette pernicieuse Parole occidentale se justifie dans un projet subtile ultime qui viserait l’épuration, sinon l’éradication d’une certaine race laissée pour compte perçue comme la brebis galeuse de l’Hémisphère.
À tort ou à raison, pendant que plusieurs familles ont perçu Biden comme un salvateur humanitaire, des critiques politiques et économiques cataloguent le 46e président Américain d’un « Bad-man » qui vise à néantiser la première république noire de la planète. En volontaire pompier-pyromane, les USA ont incendié le patrimoine emblématique de la liberté et des droits humains pour ensuite intervenir à travers des gouttes d’eau sous prétexte de vouloir sauver et consoler les victimes. Le jeu est vicié puisque l’action que l’on croit altruiste entreprise par le prédateur de l’Hémisphère se révèle plutôt un acte égocentriste. Évidemment, les USA restent viscéralement attachés à cet adage égoïste : « Les nations n’ont que des intérêts ».
Parole n’est pas un projet au profit d’Haïti, mais exclusivement de celui des USA. Sénèque nous rappelle que « Le vent n’est jamais favorable à celui qui ne sait où il va ». Qu’il soit sur le plan politique, économique ou migratoire, il revient à Haïti de sortir ses propres cartes pour faire de tout projet de coopération un jeu gagnant-gagnant. Ce n’est surtout pas Jamaïque qui apportera la potion magique pour cesser les hostilités politiques.
Parole, ce qu’on dit et ce qu’on ne dit pas
Le politicien Noël Mamère stipule que “la politique, c’est avant tout le ministère de la parole.” Cette parole, de nature souvent hypocrite et mensongère, formulée par Mamère se confirme dans la Parole insidieuse de Biden qui ne projette qu’à envenimer le potentiel technique et les capacités d’absorption innovatrice d’Haïti au profit de la force de travail américaine. Dans cette Parole, il y a ce qu’on dit et ce qu’on ne dit pas. Dans une clarté obscure, ce projet de rajeunissement de la force de travail américaine et de convoitise électoraliste viserait à balancer le poids des scrutins des Swing vers des Blue States. Les élections présidentielles seront réalisées dans moins que deux ans. Ah oui, ne soyons pas étonnés de revivre de nouvelles supplications ovales et obliques pour courtiser des niches de votants spécifiques. « Belles paroles et mauvais jeu ne font que tromper les jeunes et les vieux ». Une analyse plus profonde de la Humanitarian Parole fait nourrir le scepticisme sur les pirates de l’exploitation des ressources humaines et naturelles de la Caraïbe.
Cette Parole migratoire temporaire qui fait bouger les lignes et les queues pour se procurer un passeport en catastrophe serait-elle une bénédiction qui renoue l’espoir dans de meilleures conditions de vie ou plutôt un vecteur de malédiction qui sortirait d’une bouche de vipère ? “L’homme appauvri ne vit pas seulement de pain reçu avec dédain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Biden.” En tout cas, cette décision institutionnelle de « prétendument » venir en aide à des sociétés déstabilisées par des crises humanitaires a ouvert des portes quasiment condamnées même à des couches désespérées, on concède.
Pour certains, Parole est une lampe à leurs pieds et une lumière sur leurs sentiers qui éclaire leur avenir et qui procure une sensation de délivrance dans une espérance de bien-être qui languissait depuis belle lurette. Au moins pendant deux ans, les bénéficiaires de la « Humanitarian Parole » auraient à expérimenter le virage radical de la peur à la paix, du malheur au bonheur, « de l’enfer au paradis ». Le passage géographique de l’extrême indigent à l’extrême opulent de l’Hémisphère se vit comme une légendaire montée au ciel pour une palanquée d’âmes perturbées par la misère et l’insécurité provoquées à dessein par des persécutions géopolitiques.
En référence à la thèse de la malédiction des ressources naturelles (Auty, 2007 ; Carbonnier, 2013), les dotations initiales de la République riche en ressources minières feraient l’objet d’une convoitise de l’Occident ravisseur et cynique qui ne ménage sa gourmandise jusqu’à diviser afin de régner dans cet espace. D’une part, les flibustiers étrangers se procurent terrains, patrimoines touristiques, espaces géographiques stratégiques ; d’autre part, ils manigancent tout pour faire déguerpir l’Haïtien de son origine. Après les USA, le Canada lance également de manière libre son programme de sélection des meilleurs cadres Haïtiens pour renforcer son économie au dépens d’Haïti. Tabernacle ! Les anguilles ne seraient plus sous roche. Toutes les pièces d’un puzzle de décimation d’un peuple sont perceptibles dans la Parole et le Silence de l’Occident.
Amplification de la crise
Cela fait déjà plusieurs années que la Banque mondiale confirme une perte sèche de plus de huit (8) pour chaque dizaine d’Haïtiens ayant atteint le plus haut niveau académique. En réaction au risque de l’insécurité et de la pauvreté, ceux-ci réclament résidence au Canada, aux USA, en Europe, etc. De telles statistiques sont aujourd’hui plus inquiétantes suite à l’exil vers l’Amérique latine. Elles promettent de l’être davantage au stade de vitesse de croisière du programme Biden et de celui du Canada.
Parole est perçue comme un dernier coup de massue au tympan du capital humain pour chiper les derniers élèves, policiers, étudiants, professeurs, activistes, comédiens, journalistes, athlètes, chanteurs et artistes poussés par le réflexe de survie à quitter le Titanique en catastrophe. Les hypocrites de l’Occident sont les masterminds à planifier le dernier clou à mettre dans le cercueil ; pourtant, ils seraient prêts à vendre à la postérité qu’ils sont le vecteur par lequel le salut haïtien aurait été conçu. Foutaise. L’Occident joue à la Ponce Pilate.
Pic de la Mirandole ou ignare de dernière espèce, tous sont convaincus que toute société devrait s’appuyer sur la compétitivité de son capital humain afin d’emprunter la trajectoire de la modernité et du développement. Piketty (2019) aurait même fait le plaidoyer pour des mesures adéquates et des stimuli à une justice sociale transnationale pour propulser le codéveloppement entre les nations du globe. Pourtant, dans une gourmandise maladive, les opulents du Nord amassent les bons grains du Sud pour les faire fructifier dans leurs jardins. Eux-seuls auraient droit au bonheur, à la prospérité.
Si Parole est clairement une porte de salut pour des individus et des familles, ne serait-ce qu’a court-terme, l’on ne saurait en dire autant pour la société. En effet, c’est à travers la Parole que l’on construit ; mais c’est aussi par la Parole que l’on détruit. Pour Haïti, cette Parole monologue serait un couteau enfoncé sans anesthésie dans une plaie de fuite massive de cerveaux et de capitaux qui a déjà sévèrement atrophié le développement du pays.
Il n’est plus à démontrer qu’une société ne saurait emprunter la route de la modernité en absence d’un capital humain solide. De manière équivalente, la décapitalisation et l’érosion de son capital humain constituent la façon la plus sûre d’anéantir une nation. Les missiles ne sont pas toujours les armes les plus dévastatrices.
Carly Dollin
Références
- Auty R.M. (2007) « Rent Cycling Theory, the Resource Curse, and Development Policy » OGEL 4.
- Carbonnier G. (2013). « La malédiction des ressources naturelles et ses antidotes ». Revue internationale et stratégique N° 91.
- Piketty T. (2019). Capital et idéologie. Johns Hopkins University Press. Seuil.