Programme Biden pour les Migrants : entre Enjeux et Conséquences

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Par Rhodner J. Orisma

Lundi 27 mars 2023 ((rezonodwes.com))–

Les temps sont vraiment difficiles en Haïti. Même ceux qui ont des moyens nécessaires pour vivre dans le pays peuvent le laisser à cause des problèmes d’infrastructures et d’équipements sociaux auxquels s’ajoute le problème de sécurité publique qui demeure un terrible défi. Plus de 160,000 déplacés, au moins 277 enlèvements et plus de 530 morts par balle ont été déjà enregistrés entre le 1er janvier et 15 mars 2023 seulement (ONU).

 Le long de leurs parents et amis-es enlevés-es et assassinés-es, des compatriotes veulent plier bagages vers un territoire d’outre-mer où il fait bon de vivre. Alors vers une terre étrangère qui malgré les préjugés raciaux offre du travail, de quoi à manger, des soins de santé, de l’éducation et de la paix. « Pito nou lèd, nou la ». Chez nous, c’est pire. Quitter le pays est plus un avantage.

L’administration Biden a compris la situation du pays à travers cette réalité et en vue de l’aider a mis sur pied une politique  d’immigration la plus envieuse et favorable que celles d’avant. La politique américaine d’immigration de 1980 à nos jours comporte le programme d’amnistie de Reagan de 1986 pour les immigrés clandestins, Haitian Refugee Immigration Fairness Act  (HRIFA) de 1998 survenu à la fin du mandat de Clinton, Temporary Protected Stay (TPS) d’Obama (2010), The Haitian Family Reunification Parole (HFRP) Program  (2022), Biden’s Migrant Parole Program de 2023, etc.

Le programme de Visa Biden est fédéralement durable. Plus de 30,000 Haïtiens et autres (cubains, nicaraguayens, vénézuéliens)  peuvent le mois entrer aux États-Unis à partir d’Haïti et de leur pays d’origine suivant un visa touriste électroniquement délivré par le United States Citizenship and Immigration Services (USCIS).  Peuvent avoir ce visa noir ou blanc, paysan ou citadin, intellectuel ou analphabète, ignorant ou lettré, fonctionnaire ou restavec, etc.

En effet, nous connaissons une jeune servante qui se trouvait parmi les premiers-ères migrants-es partant dans le programme de Biden. La chance de voyage pour cette dernière serait en général très mince mais elle a été sponsorisée par l’un des enfants de sa maîtresse ou de son maitre.

Une porte de sortie est offerte à toutes et à tous sans une analyse stricte des dossiers. Tous les dossiers sont étudiés à travers une même grille: être haïtien et détenteur d’un passeport haïtien tout court. Pour faciliter l’intégration du « just come » sur la terre d’Abraham Lincoln, il est du devoir du sponsor de conduire le nouveau venu à une école d’anglais. Cette exigence est inscrite dans le cadre que la langue est le premier facteur d’intégration du migrant, ensuite viennent l’éducation ou le travail et la participation à la politique.

Le programme de Biden a en d’autres termes rendu à chaque appliquant haïtien l’accès facile aux États-Unis. Entrer aux États-Unis n’est plus une initiative de la part des fortunés ou moins fortunés, des intellectuels ou analphabètes, de « gran-nèg ou gwozouzoun », et de pauvres réfugiés qui risquent leur vie par milliers  en mer ou dans des forêts de l’Amérique Latine  pour atteindre les frontières et les côtes des États-Unis.

Le programme est en ce sens très généreux et répond à une grande liste de contraintes et de refus dont font face beaucoup d’haïtiens rêvant depuis des années un séjour « in the State ».  Pour ce programme de «  guest workers » de deux ans « in the State », l’encouragement y serait plutôt de mise au lieu de faire appel à des idées égoïstes.

 L’administration Biden pourrait, comme nous le souhaitons, recourir à d’autres solutions pour tenter de soulager les contraintes en Haïti.  Par exemple : programmes agricoles, programmes urbains, programmes sociaux. Mais, ce serait une lourde tâche pour un gouvernement étranger d’opérer avec un État irresponsable et parmi les irréfléchis, les corrompus et les gangs du pays.

Comme il faut traiter les besoins du peuple en fonction de ses perceptions ou ses aspirations, il semble que le programme de Visa Biden  est le plus convenable pour la plupart des bénéficiaires. Voici pourquoi, il parait :

Le programme ne résout non seulement un problème de besoins primaires chez les bénéficiaires, mais aussi de sécurité, ce dont tout le monde a besoin avec sa famille pour dormir et se reposer. Il peut les mettre à l’abri de tous les dangers menaçant la vie haïtienne de tous les jours.

Ainsi, nous comprenons que le programme est bien vrai ou répond à la nécessité de la plupart des haïtiens si l’on le saisit bien dans le contexte des politiques américaines d’immigration depuis des années 80.  Il y a beaucoup d’interprétations et d’analyses qui critiquent le programme comme celui d’un exode de cerveau ou qui crée la division dans la famille haïtienne.  C’est injuste !

Ces genres d’analyse ne conviennent pas à notre situation. Le programme vient en aide à un peuple souffrant toujours des besoins primaires, à des réfugiés ou potentiels réfugiés de toute sorte incluant ceux ou celles comme la jeune servante mentionnée plus haut, laquelle sait à peine à lire et écrire. Comme le programme ne catégorise pas les réfugiés suivant leur éducation, profession et occupation, il ne pourrait nullement occasionner des fuites de cerveau que rappellent les critiques.

En revanche, ce programme contribue au soulagement du peuple. Si nous avons à blâmer, il faut blâmer notre Etat étant incapable de résoudre les problèmes internes qui laisse plus de 4.9 millions d’individus dans l’insécurité alimentaire (CNSA, 19 mars 2023) et en proie à toute sorte de misères et de dangers publics pour entendre gagner une vie ailleurs.

L’Etat n’a créé depuis des années 50 aucune alternative à ces mouvements migratoires. Alors il faut apprécier comme ceux d’avant le programme de Biden envers les haïtiens, lequel est profitable à toutes et à tous. Nous ne poussons personne à voyager. Mais, elles peuvent voyager comme bon leur semble !

Tantôt ces compatriotes en quête de mieux être sur la terre de Lincoln peuvent s’aider eux-mêmes. Tantôt ils peuvent se créer un avenir pour eux-mêmes et pour tant d’autres dans le besoin. Si par chance, la vie vous sourit déjà partout ou vous êtes, mais il faut laisser aux autres de tenter ici leur chance. Le programme ne contribue à aucun risque. C’est plutôt demeurer dans une Haïti sombrée dans l’insécurité qui est un risque.

Rhodner J. Orisma

Dép. de Phi et Sciences Po, Ierah-Iserss
Université d’Etat d’Haiti
rhodner.orisma@ueh.edu.ht
(25 mars 2023)

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