Texte du jour | L’Abandonnée : Virginie Sampeur, première poétesse haïtienne

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Jeudi 3 novembre 2022 ((rezonodwes.com))–

Née à Port-au-Prince le 28 mars 1839, Marie Angélique Virginie Sampeur était une institutrice et poétesse haïtienne, considérée comme étant la première femme écrivaine haïtienne.

Divorcée d’Oswald Durand, le plus célèbre et le plus authentique des poètes haïtiens, elle a donné naissance au grand musicien classique Ludovic Lamothe, suite à son remariage.

« L’abandonnée », expression véhémente de l’amour bafoué, est son poème le plus connu. Mais elle a publié ses œuvres dans plusieurs revues littéraires haïtiennes telle que La Ronde (1898-1902) et Haïti Littéraire et Scientifique (1912-13).

Sampeur est également l’auteure d’Angèle Dufour, un roman « semi-autobiographique » inédit (Louis Morpeau) et des « fantaisies » publiées çà et là, dont « Le songe d’Estelle », « Francine » et « Vierge veuve » (Léila Lhérisson) et « Fleur révélatrice » (Émile Marcelin).

L’Abandonnée

Ah! si vous étiez mort! de mon âme meurtrie
Je ferais une tombe où, retraite chérie,
Mes larmes couleraient lentement, sans remords,
Que votre image en moi resterait radieuse!
Que sous le soleil mon âme aurait été joyeuse!
Ah! si vous étiez mort!

Je ferais de mon cœur l’urne mélancolique
Abritant du passé la suave relique,
Comme ces coffrets d’or qui gardent les parfums,
Je ferais de mon âme une ardente chapelle
Où toujours brillerait la dernière étincelle
De nos espoirs défunts,

Ah! si vous étiez mort, votre éternel silence,
Moins âpre qu’en ce jour, aurait votre éloquence,
Car ce ne serai plus le cruel abandon,
Je dirais : « Il est mort, mais il sait bien m’entendre,
Et peut-être, en mourant, n’a-t-il pu se défendre
De murmurer : Pardon! »

Mais vous n’êtes pas mort! ô douleur sans mesure!
Regret qui fait jaillir le sang de ma blessure!
Je ne puis m’empêcher, moi, de me souvenir,
Même quand vous restez devant mes larmes vraies,
Sec et froid, sans donner à mes profondes plaies
L’aumône d’un soupir!…

Ingrat! vous vivez donc quand tout me dit vengeance!
Mais je n’écoute pas! À défaut d’espérance,
Le passé par instants revient, me berce encor…
Illusion, folie, ou vain rêve de femme!…
Je vous aimerai tant, si vous n’étiez qu’une âme.
Ah! que n’êtes-vous mort!

Virginie Sampeur

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