Flashback, 21 avril 2021. Garaudy Laguerre fait éclater la vérité sur Apaid et le projet Savane Diane, l’arnaque de la mafia des affaires contre l’État haïtien

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L’avernir, est-il écrit?

Haiti est un pays où le politique se mêle à l’économique, où la corruption étatique s’allie avec la mafia des affaires, où le peuple fait ménage avec la misère et la crasse.

par Garaudy Laguerre

Le combat, pour défaire ce que Jovenel Moïse vient de réaliser, sera long et ardu, avec des implications internationales inimaginables. Car, la stratégie adoptée est d’impliquer d’autres investisseurs, ressortissants d’autres pays, qui ont leurs États, souvent puissants derrière eux (rappelons-nous les affaires Luders, Batch ou Mevs). Donc, l’assaut et l’entêtement des élites locales et de leurs alliés internationaux pour affaiblir Haïti, en changeant la constitution, n’ont jamais été des enjeux purement politiques. Ils sont surtout économiques

Dimanche 25 avril 2021 ((rezonodwes.com))– Le décret de Jovenel Moïse vient de faire de Apaid un allié inconditionnel pour assurer la transition à sa propre succession.

Voilà où en est Haïti ! Un pays où le politique se mêle à l’économique, où la corruption étatique s’allie avec la mafia des affaires, où le peuple fait ménage avec la misère. Un pays qui devient la proie de leaders d’une communauté d’immigrants et celle de la communauté internationale.


Pourquoi attendre la fin de mandat pour légaliser un projet potentiellement aussi important ?


La réponse en est simple : c’est profitable ! Ils ont le pouvoir et ils ont le blanc avec eux.

De toute façon, tout ce projet est une arnaque contre l’État haïtien, car la famille Déjoie n’a jamais été propriétaire de terres à Saint Michel de l’Attalaye. En fait, l’État haïtien leur avait octroyé des terres au titre de fermiers pour la production de vétiver.

Après son aventure politique et la perte des élections de 1957, Déjoie a été sollicité par François Duvalier pour intégrer son gouvernement. Fierté mulâtre, mêlée de sentiments anti-noirs, oblige, l’offre a été déclinée par le politicien qui a préféré rejoindre les rangs de ceux qui étaient contre Duvalier. Les tentatives pour renverser Duvalier ayant toutes échoué, les représailles qui s’en sont suivi ont forcé les Déjoie à fuir le pays. Au retour de Louis Dejoie fils d’exil, après le départ de Jean-Claude Duvalier, une deuxième aventure politique s’est entamée ayant comme boussole principale, le fait que le père était un grand industriel et que le fils, grand propriétaire foncier allait continuer l’œuvre modernisante du père, « sou tè Dejoie yo » et sauver Haïti.


La famille Déjoie n’étant pas seule dans cette arnaque contre l’État haïtien, l’imposture n’a jamais été dénoncée par les membres de la bourgeoisie mulâtre, ou par les parvenus de l’aristocratie noire et encore moins par les représentants de l’État, eux-mêmes souvent complices de ces fourberies au profit de patrons arabes ou mulâtres. Un fait a été rapporté que, pendant la présidence de René Préval, une branche d’une famille mulâtre avait réclamé avec « documents » à l’appui, des terrains sur la route du nord qui leur auraient été légués par leur ascendance française, avant 1804. Le président Préval, aurait alors réclamé comme preuves, les titres de propriété et des esclaves attachés à cette propriété.


Ces anecdotes mentionnées plus haut pourraient être considérées comme des faits divers, des stratagèmes de bandits et d’hommes d’affaires malhonnêtes. Mais, en fin de compte, c’est ce qu’est devenue la réalité haïtienne, depuis trop longtemps. À la seule différence que ce sont ceux-là mêmes qui sont au pouvoir ainsi que leurs alliés et patrons qui font ces exactions au grand jour. Nous n’avons pas affaire qu’à des mercenaires essayant de frauder. Mais non, il s’agit de l’achèvement de la destruction des bases fondatrices de l’identité haïtienne, voire de l’État, avec la complicité même des représentants de cet État!


Les crises politiques encouragées et souvent soutenues par les élites locales et la communauté internationale participent de cette destruction qui se fait aussi sous fond de débats électoraux et d’amendements de constitutions.

Il se trouve que les différentes constitutions haïtiennes, pendant longtemps, n’ont jamais accordé aux étrangers le droit à la propriété. Ces prescriptions ont été modifiées dans la Constitution en vigueur pour faciliter l’accès des étrangers à la propriété foncière. Par contre, la loi « en détermine les modalités d’acquisition, de jouissance ainsi que les limites (Art 36 de la Constitution). Cette restriction crée un malaise chronique chez certains membres des élites haïtiennes réputées grands propriétaires fonciers alors que, pour la plupart, ils ne sont que des fermiers de l’État, sans titres de propriété. Il devient ainsi évident que Apaid, n’a pas pu acheter de terres des héritiers Déjoie, puisque les Déjoie ne sont pas et n’ont jamais été propriétaires. À moins qu’ils soient considérés comme des héritiers de l’État haïtien.

Étant donné que Apaid ne peut pas faire remonter sa présence ni celle de sa famille ou de sa « communauté » sur le territoire haïtien depuis l’indépendance, il a trouvé dans les héritiers Déjoie, probablement sous le grabat, des alliés volontaires, pour mettre la poudre aux yeux de toute une population, avec la complicité du président contesté, Jovenel Moise. C’est une situation périlleuse pour toute la nation haïtienne, car ces éléments de la bourgeoisie sont puissants, d’abord par eux-mêmes, mais surtout, avec leurs connexions internationales qui sont des alliés encore plus puissants. Si on s’en tient aux rumeurs qui font croire que même les Clinton, incluant le frère d’Hillary, auraient des propriétés pour lesquelles ils voudraient avoir des titres en bonne et due forme, le combat, pour défaire ce que Jovenel Moïse vient de réaliser, sera long et ardu, avec des implications internationales inimaginables. Car, la stratégie adoptée est d’impliquer d’autres investisseurs, ressortissants d’autres pays, qui ont leurs États, souvent puissants derrière eux (rappelons-nous les affaires Luders, Batch ou Mevs). Donc, l’assaut et l’entêtement des élites locales et de leurs alliés internationaux pour affaiblir Haïti, en changeant la constitution, n’ont jamais été des enjeux purement politiques. Ils sont surtout économiques.

Et, quelle meilleure façon de faire passer tout ça sous le couvert de crise constitutionnelle, d’instabilité, d’ingouvernabilité, de corruption ; que de placer à la tête de l’État des minables, des corrompus et des incompétents ? Tous les moyens sont bons pour mieux arriver à cette fin : la déconstruction de la nation haïtienne aux profits des élites tantôt locales, tantôt migratoires ou de leurs alliés internationaux. Sous Préval, les élites locales avaient bénéficié de contrats juteux dans le secteur de l’énergie et autres. Depuis l’arrivée de PHTK au pouvoir, particulièrement depuis « l’élection » de Jovenel Moïse, est venu en priorité, le tour des élites migratoires arabes encore plus arrogantes et plus cupides, se posant comme alliés naturels de la population noire, puisque n’ayant pas les contentieux historiques vécus avec les mulâtres. Mais, il serait naïf de croire que l’immigration arabe et sa débrouillardise commerciale pourraient être porteuses de développement ou de bien-être pour la population haïtienne. Ce n’est en fait que mirage, illusion mortelle… Non seulement la plupart des membres de cette communauté, fuyant la guerre ou la pauvreté dans leur pays d’origine, n’ont pas cette prétention, mais il suffit aussi de regarder ce qui se passe au Liban ou en Syrie, des pays en banqueroute, comme la plupart des pays arabes, riches en pétrole ou pas. Encore aujourd’hui, beaucoup continuent à fuir ces régions en guerre ou en crise pour essayer de trouver refuge ailleurs. En Haïti, ils arrivent souvent à se poser en investisseurs sauveurs, avec le « backing » de leurs réseaux financiers, de certaines ambassades, de l’État et de banques locales. Ce serait peut-être même comme une récompense offerte à certains ressortissants arabes, forcés d’abandonner leur pays au profit d’Israël ? Il semble que ce soit surtout le cas pour certains Palestiniens qui arrivent en Haïti, victimes du même sort que le peuple haïtien de laissés-pour-compte dans leur propre pays. Mais la situation risque de s’empirer pour nous, car avec l’aide de l’international, la complicité d’une certaine presse et l’opportunisme de locaux, les leaders financiers de cette communauté arabe, utilisés par Reginald Boulos et Andi Apaid, ont la visée hégémonique de devenir la force économique et politique la plus importante du pays.

À lire les déclarations de Mme Lalime et celles allant dans le même sens de Réginald Boulos après l’attaque de son entreprise, on a l’impression que la communauté internationale veut trouver une possible alternative à Jovenel Moïse : une transition sous le leadership de Boulos ou alors, qui conduirait Boulos au pouvoir. La seule alternative acceptable à PHTK, aux yeux des Américains. Mais également, la seule façon de s’assurer qu’il n’y ait pas de procès Petrocaribe, et le cas échéant, de montrer que les Haïtiens sont d’éternels insatisfaits. Il s’agit ainsi de donner aux Haïtiens un autre dirigeant n’ayant aucune redevance au pays ou à la Nation. Un dirigeant qui saurait s’occuper de sa clique et de sa communauté sans ambages et laisser le pays ainsi que ses alliés locaux avec le regret d’avoir été complices, mais dépourvus du courage et de la crédibilité nécessaires pour le dénoncer. Ce scénario se construit avec l’objectif souhaité que Boulos, ancien associé, financeur et allié de Jovenel, devienne le chef de l’opposition.

Ne serait-on pas en train de revisiter le cas Apaid avec les 184 ? Par manque de courage et de vision, ne s’appuierait-on pas de manière inconditionnelle, sur les mêmes forces qui ont créé ce monstre de PHTK ? Une bonne partie de l’opposition traditionnelle s’est tellement discréditée et est devenue si inoffensive, que ce sont les anciens alliés du pouvoir de tous acabits et les proxys de certains membres de la communauté internationale qui refont surface sur la scène politique avec leurs nouvelles fourrures.

En Haïti, nous avons développé une culture de non-croyants-complices, afin que nous puissions nous conforter dans notre démission et continuer à évoluer dans un environnement économique et politico-social malsain, avec la conscience tranquille.

Cette culture défaitiste de non-croyants-complices s’exprime bien dans certaines conjonctures où nous avons laissé au choix du sort le devenir du pays, sur la base que, selon nous, « ça, le peuple ne l’acceptera pas », ou pire encore : « le blanc ne l’acceptera jamais » . Comme si les masses populaires pouvaient atteindre leurs plus hautes aspirations sans guide et sans leadership, ou que le pays appartiendrait aux blancs, qui, en dernier ressort, seraient les seuls à détenir des intérêts qui comptent et priment.

Cette attitude de non-croyants-complices, on l’a vu avec l’arrivée de Gérard Latortue au pouvoir, où certains leaders mêmes de l’opposition qui prenaient part aux négociations, pour se déresponsabiliser, disaient que : « le blanc veut nous faire avaler Gérard Latortue, mais le peuple ne l’acceptera pas ». N’était-ce pas ce même Gerard Latortue qui a voyagé jusqu’à Paris, pour dire, s’agissant de réparation, que la France ne devait rien à Haïti ? On en a eu d’autres exemples : « le C.E.P. veut approuver Martelly, le peuple ne l’acceptera pas » ; « les Américains veulent nous imposer Martelly au deuxième tour, le peuple ne l’acceptera pas » ; « faire du développement avec des fonds Petrocaribe, le blanc ne l’acceptera pas» ; « Moise Jean Charles président, blan p ap accepte sa a » ; « lavalas tounen sou pouvwa, blan p ap pran sa a nan men nou ». Relation diplomatique avec la grande Chine ? « Blan ta pito ba wou yon okipasyon militè. »

Dans tous les cas, le peuple a toujours perdu et le blanc a toujours gagné. En fait, nous nous faisons les complices du blanc et avons déjà depuis longtemps abdiqué, en feignant de ne pas nous en rendre compte.

Le plus populaire maintenant : « Boulos, président d’Haïti ? Ah, peuple lan resi pap pran sa a ».

D’abord, il nous faut en rire, pour ne pas en pleurer. En fait, si cela ne dépendait que de ceux qui font ces prédictions, Boulos serait déjà président d’Haïti, car ils sont eux-mêmes à deux doigts de rejoindre Boulos. Si le blanc désapprouvait tous les autres candidats et qu’il ne restait que Boulos, que feraient-ils ? Ils attendraient que le peuple le rejette ? Sous le leadership de qui est selon quel discours ? Sur la base du courage de quel leader ?

Je voudrais présumer que notre intelligentsia est de bonne foi. C’est seulement un peu de culture politique qui leur manque et le sentiment d’appartenance au pays qui fait grand défaut ces jours-ci. À moins qu’on se contraigne à en vivre éloignés, ce qui nous laisserait alors uniquement nostalgiques.

Sur la base de cette présomption et sans vouloir me poser en donneur de leçon, je voudrais regarder de plus près le discours et la réalité, liés à cette mise en scène, qu’est l’aventure Boulos.

La réalité des alliés de Boulos :

1- La communauté arabe n’est pas unanimement à la solde de Andy Apaid, de Cherif Abddallah ou de Boulos comme souvent Boulos le prétend. Bien au contraire, certains membres de cette communauté ont une idée très négative de ce dernier, mais ils ne prendraient pas le risque de le marginaliser au cas où il réussirait son pari, comme ce fut le cas pour Apaid, leader du mouvement des 184, qui n’avait pas fait l’unanimité au sein de cette communauté, mais n’a jamais été mis à l’écart par celle-ci . Même Reginald Boulos en 2004, sceptique sur les possibilités de réussite d’Apaid, sans toutefois ne jamais le dénoncer publiquement, disait à qui voulait l’entendre qu’il ne laisserait pas ce dernier emmener la communauté arabe à l’abattoir.

Aujourd’hui, il se limite à dire qu’il ne faisait pas partie des 184, en omettant d’avouer qu’il avait bénéficié de ce mouvement, jusqu’à s’être impliqué dans les élections sous la Tortue, au profit de Lesly Manigat. N’allez surtout pas croire que « la pédagogie du deuxième tour » était juste un slogan lancé par des « intellectuels » opportunistes au-devant de la scène. C’était la stratégie d’une certaine élite économique avec Boulos en tête, pour donner une dernière chance à Lesly Manigat.

À son tour, aujourd’hui, Apaid ne fait qu’observer en silence Boulos. Le slogan des leaders de cette communauté : « Personne ne dénonce personne et nous profitons tous en cas de réussite ». Je reviendrai là-dessus un peu plus loin. Malgré des nuances d’intérêts et de divergences d’opinions très ponctuelles et plutôt superficielles au sein des leaders de cette communauté, il n’y a aucun membre qui voudrait rester en marge de l’émergence d’un Boulos facilitant une hégémonie arabe sur l’économie et la politique haïtiennes. Il ne faut compter sur aucun pan de cette communauté pour endiguer une réussite de Boulos. La communauté dans son ensemble suivra le courant gagnant et le sacrifiera, si cela s’avère nécessaire le moment venu, comme ce fut le cas pour le frères Isméry : avec le coup d’État, Aristide ayant perdu, ils ont été éliminés, en plein jour ; l’un d’entre eux dans une église.

2 : Ironiquement, Boulos jouit d’une certaine réceptivité au niveau des classes moyennes pauvres. La raison en est bien simple : son discours a comme cible ces classes très touchées par l’appauvrissement économique engendré par PHTK. Le discours de création d’emplois de Boulos, a donné un certain espoir, car non seulement les secteurs pourvoyeurs d’emplois, même non productifs, dans le pays sont la chasse gardée des élites traditionnelles dont il fait partie, mais en plus, il a monté une campagne permanente autour de sa personne, comme étant celui dans le pays qui crée le plus d’emplois et paye le plus de taxes et ceci, en dépit d’une certaine persécution politique par le pouvoir en place qu’en réalité, il a longtemps soutenu.

3 : Les intellectuels et les membres de la classe moyenne aisée constituent le grand espace de ravitaillement pour une candidature de Boulos. Ces derniers ont été non seulement appauvris, mais la valeur de leur savoir, qui faisait d’eux des privilégiés dans la société, s’est grandement effritée depuis l’avènement du pouvoir PHTK. Il est vrai que depuis plus de deux décennies, il y a eu une fuite de cerveaux de l’intelligentsia haïtienne, mais elle s’est intensifiée depuis Martelly. Il était devenu clair pour cette intelligentsia que c’était un pouvoir, composé en grande partie, de délinquants et de voyous, soutenu au plus haut de l’establishment américain, particulièrement par les démocrates, sous le leadership des Clinton, Obama et Biden. Certainement, il y a eu de ces opportunistes, qui on fait le choix de mettre de côté la moralité et l’amour de la patrie, pour être au service du plus offrant. Mais, ce qui a découragé les plus honnêtes, ce n’était pas juste le fait de l’indifférence institutionnelle affichée par l’État, mais plutôt qu’ils aient été ostracisés par un discours porté au plus haut niveau de l’État, par le président lui-même. De quoi démoraliser n’importe quel esprit rebelle. En passant, c’est à ce discours et à cette pratique que Reginald Boulos, médecin de son état, s’était associé pour pondre Evans Paul et ensuite jurer par Jovenel Moïse, dont nous connaissons tous maintenant l’essence.

Cette situation a révolté en silence toute l’intelligentsia haïtienne qui s’est réfugiée dans son silence et sa dignité, attendant impatiemment son heure de revanche ou d’émancipation, pendant que certains s’enrichissaient au détriment du pays. Oui, dans n’importe quel pays cela aurait été révoltant.

Pour cette catégorie sociale que sont les intellectuels, le pays est dirigé par un président sans palmarès académique, sans discours, sans vision et sans moralité, tous les éléments qui constitueraient le socle minimum d’une élite intellectuelle. Voilà pourquoi, pour une catégorie de ces intellectuels, mentalement colonisés à vrai dire, Reginald Boulos présente un certain attrait.

Ils se disent, évidemment à tort, que si l’on s’en tient à l’expérience d’Apaid, ils auront au moins un interlocuteur, quelqu’un qui comprendra leurs désidératas et en dépit de leurs divergences intellectuelles, leur donnera audience et parlera le même langage qu’eux.

Tout cela est pénible et dans une certaine mesure, compréhensible, mais, soyons clairs : ces intellectuels ne sont pas tout à fait des victimes inoffensives. Ils ont un côté peu courageux et trivialement revanchard. N’ayant pas le courage de prendre leur revanche par eux-mêmes, ils sont en train de la prendre à travers Boulos, contre les noirs, qu’ils voient comme des traitres incompétents qui sont au pouvoir. Les mulâtres eux, se sont accommodés en faisant des alliances contre-nature et antinationales avec des étrangers de toutes origines, pour s’assurer de recueillir des miettes, même contre les intérêts de la Nation.

Ces intellectuels sont tellement aveuglés par la déception qu’ils sont prêts à s’allier au diable pour voir disparaitre les Jovenel Moïse et Michel Martelly. N’est-ce pas le même aveuglement qui a conduit cette alliance (au mieux irréfléchie), pour la chute d’Aristide, qui était censée promouvoir les intérêts d’une éventuelle élite intellectuelle et économique noire ? Mais, Aristide avait plutôt, à tort ou à raison, constitué sa propre clique pour consolider son pouvoir personnel.

Le problème est doublement délicat : d’un côté, les Américains nous ont tellement réduits à notre plus simple expression, que nous sommes en train de considérer et de souhaiter nous-mêmes des formules et arrangements que nous n’aurions jamais même considérés il y a encore seulement vingt ans. Certains d’entre nous sommes passés de nationalistes ou de militants anti-plan-américain pour Haïti, à supporteurs du candidat le plus pro-américain qui soit. Mais qui pis est, nous connaissons tous l’histoire de la complicité des élites arabo-américaines, pour colmater l’influence des Européens et mater tout pouvoir nationaliste haïtien. Malheureusement, ce sont nos intellectuels d’aujourd’hui, qui abandonnent le peuple à un leadership d’immigrants ! Puisque c’est de ça qu’il s’agit…

En fait, la majorité d’entre nous a, depuis longtemps, changé de camp. Peut-être depuis les frères Ardouin. Au moins, ces derniers avaient en face d’eux d’autres qui avaient encore de l’estime nationaliste. Aujourd’hui, les courageux font tristement défaut.

Une grande partie de notre intelligentsia ne veut pas admettre que nous avons abandonné le pays, que certains d’entre nous sont devenus des observateurs opportunistes, marchandant leur allégeance au gré du marché.

Comment renforcer le rang d’un leader politique qui, il y a à peine deux ans, supportait un président que nous caractérisons aujourd’hui comme étant le pire dirigeant que le pays n’ait jamais connu ? Un président qui était son partenaire en affaires.

Comment quelqu’un qui se targue d’être un intellectuel avisé peut-il vouloir confier la direction du pays à quelqu’un doté d’un si pauvre sens du jugement, quelle que soit la haine portée à l’encontre du président en poste? Quelqu’un qui dit : « Je suis prêt à accepter la faillite pour que Jovenel devienne président ». Était-ce un discours d’opportuniste et de conjoncture, pour décrocher des contrats de l’ONA et de vente de voitures? On peut ne pas reprocher à quelqu’un de faire des affaires, même douteuses, mais penser mériter la direction d’un pays sur la base de ses forfaits, est carrément inconcevable. Mais pire encore, vouloir faciliter à cette personne la prise en charge du pays serait clairement irresponsable.

Nos intellectuels, pensent-ils vraiment que l’argent de Boulos va les affranchir et frayer le chemin pour un lendemain meilleur ?

4- Voyons ce que révèlent les principaux tenants du discours de Reginald Boulos ;

A- L’arrogance : « J’ai soixante-cinq ans, maintenant je veux dédier le temps qui me reste au pays’. À entendre cela, on pourrait penser que c’est quelqu’un qui a fait du bien au pays et au peuple. Qu’il n’y a pas eu de scandale de sirop Valodon, pas de scandale de L’ONA, pas de scandale de vente de voitures à la Police nationale et tant d’autres scandales et méfaits qui ont jalonné son parcours. Seulement en Haïti, seuls ceux imprégnés de la mentalité de colonisés peuvent concevoir un tel discours comme étant porteur. Imaginez ce même discours d’un Prosper Avril, d’un Gérard Latortue, d’un Jodel Chamblain, d’un David Chéry, d’un Wilson Laleau, d’un Jean Max Bellerive? Des gens qui ont fait du mal au pays et au peuple, réclamant la présidence, parce qu’ils sont arrivés à l’âge de la sagesse ! Le fait même d’y penser n’est qu’un privilège de gens qui considèrent les Haïtiens comme des pantins. Tout au moins, les intellectuels.

B- Clanique et anti-haïtien : “La communauté arabe a enduré des persécutions sous différents gouvernements”. Dans la vision de Reginald Boulos, les Arabes en Haïti constituent une communauté monolithique et au-dessus de l’État et de la Nation. Sinon, comment empiler dans un même lot l’individu de droite qu’était Nadal, qui s’était trouvé perdant dans un conflit commercial avec un gouvernement réputé de gauche et les frères Ismeri, qui ont fait des choix politiques de gauche et ont été assassinés par une junte militaire de droite ? Boulos veut diriger le pays des Haïtiens, mais se voit comme Arabe, membre d’une communauté, purement et simplement. Il considère les membres de sa communauté comme des privilégiés qui doivent bénéficier de tous les avantages, sans subir les conséquences des vicissitudes de la réalité politique et économique. Le coup d’État n’aurait pas dû affecter les Arabes, tout comme la misère qui sévit dans le pays, l’inaccessibilité aux prêts bancaires, aux soins médicaux, etc., ce qui est de fait, le cas depuis trop longtemps. Qui pense vraiment qu’avec une telle vision, Boulos a en tête l’intérêt de la Nation, contrairement à l’époque où il était jeune, fougueux et plein d’énergie ? Tout simplement, parce que maintenant, il entre dans la dernière ligne droite de sa vie ?

C- L’opportunisme : «Les mulâtres ont tué Dessalines pour garder les noirs dans la pauvreté”. Oui, nos conflits internes, la trahison encouragée par nos ennemis communs nous ont fait perdre notre chemin et nous ont minés, mais cela reste notre héritage commun. Qu’aucun étranger ne pense pouvoir exploiter nos divergences internes et retourner notre générosité contre nous-mêmes, pour nous diviser davantage et conquérir notre bien commun qui est Haïti. Nous pouvons être, par la force des choses, par la souffrance et dans certains cas, par lâcheté des démissionnaires. Mais, nous n’avons pas d’autre patrie. D’autres nous ont accueillis comme nous accueillons certains, mais jamais, n’aurons-nous la prétention de leur ravir leur terre. Alors, gare à ceux qui veulent nous ravir la nôtre. Mais aussi, gare à leurs complices !

D- Démagogique et manipulateur. «J’aime Dessalines parce qu’il a reconnu tous les étrangers comme étant des Haïtiens». «Boulos serait-il de l’avis qu’il faut agir comme un ayant-droit déterminé à s’approprier la maison de la personne qui vous accueille et même à la vendre ? En fait, la Constitution impériale de 1805, dans son article 13, traitant de la nationalité haïtienne, stipule des provisions spéciales pour les Polonais et les Allemands qui ont combattu dans la guerre de l’Indépendance, ainsi que pour les enfants issus de femmes blanches, de nationalité haïtienne. C’était non seulement un geste pour reconnaitre la contribution de ces groupes, mais aussi pour encourager et faire la promotion de la paix intérieure du pays, afin qu’on puisse unir toutes nos forces pour combattre l’ennemi externe, qu’étaient les puissances esclavagistes. Mais tout cela, il l’offrait sous son empire, sous son leadership, sous sa vision, son commandement, comme protecteur de la Nation, essentiellement composée de Bossales, de Nègres et de Mulâtres. Jamais, il n’a pensé à léguer la direction du pays, aux mains d’immigrants, sur la base qu’il leur aurait accordé la nationalité haïtienne. Comme le grand humaniste et internationaliste qu’il a été, contrairement à ce que propose Boulos, Dessalines n’était pas un ignorant qui ne connaissait pas ses intérêts ou ceux de son peuple. Sinon, il aurait juste livré le pays aux colons français restés derrière et à la France, comme Pétion et Boyer ont été obligés de le faire, par la force des armes. Non, Dessalines n’a jamais une fois prôné l’accaparement du pouvoir haïtien par des étrangers ou immigrants, quels que soient la place et le titre honorifique ou humanitaire qu’on leur aurait accordés, à eux et à leurs descendants.

En analysant le discours de Boulos, en fait, c’est l’article 12 de la Constitution impériale qui devrait s’appliquer à lui. Nous sommes un pays de nègres et de mulâtres. Quels que soient nos divergences, nos préjugés mutuels, nos clivages et nos calvaires, nous ne devrons jamais céder cette terre aux étrangers. Par la force des armes, oui, ils l’occuperont, mais seulement pour un temps, car le sang de l’empereur coule encore dans nos veines à tous. Quoi qu’on en dise.

E- Tromperie : “je n’ai jamais eu de ports ni de franchise, je paye dix-neuf millions de dollars de taxe l’an”. C’est le discours décomplexé de quelqu’un qui pense tout mériter. Ceux qui ont les franchises et les ports ne se plaignent pas qu’ils n’ont pas des prêts de l’ONA, de contrats de voitures ou de tracteurs, ni du fait qu’ils n’ont pas été légalement poursuivis dans le scandale du sirop empoisonné. Le faux semblant d’un discours neutre, de se positionner comme victime et d’accuser tout le monde, en suppliant ses interviewers de ne pas le forcer à citer de noms. Voici un des hommes, financièrement les plus puissants du pays, qui peine à citer le nom de ceux qui font du mal au pays qu’il veut diriger. Boulos ne veut pas citer de noms. Serait-ce pour protéger son nom à lui ? Serait-ce pour éviter la dissension au niveau de son « clan » : Arabes, famille et alliés ? Personne ne dénonce personne, personne ne cite le nom de personne et tout le monde est blanchi, par le silence complice et mutuel ?

Et non ! Ces paroles ne sont pas excessives ! Elles sont nécessaires, car nous ne devons pas nous laisser leurrer. Nous ne pouvons pas non plus laisser l’avenir de la communauté arabe en Haïti, entre les mains de quelques hommes d’affaires. Quand les choses iront mal, c’est toute la communauté et le pays qui en souffriront. Mes doutes, mes appréhensions et mon refus de la construction que Boulos se fait, dans sa tête, pour cette communauté, existeront longtemps, même après qu’il aurait reconnu les mérites et le courage des frères Isméry, honorant leur courage et leur choix. Nous ne devons pas laisser Boulos usurper leur mémoire.

Nous avons toujours été, depuis la fondation de notre nation, par l’Empereur, un peuple accueillant, généreux et compatissant. Les Juifs persécutés en Allemagne, les Palestiniens, les Libyens, les Grecs et même les Polonais peuvent l’attester. À ces qualités, notre empereur avait allié le courage, l’intelligence et la bravoure. Il parait que depuis Charlemagne Péralte, les trois dernières qualités nous ont abandonnés. Il faut reconnaître qu’une frange de la migration arabe, a tout fait et a pris des risques énormes tout en s’investissant pour garder sa place de choix sur la scène politique et économique haïtienne, même si cela incluait de faire sauter un palais présidentiel, avec le président dedans.

Par contre, il parait que, pour nous, les héritiers de cette terre, depuis Dessalines, à l’exception de Charlemagne Péralte, nous ne voulons ni mourir, ni nous sacrifier, ni nous battre pour cette Nation. Alors, nous la perdrons ! C’est presque écrit !

Garaudy Laguerre

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