Haiti-Observateur | Editorial: Les politiques de l’ONU en Haïti contredisent son intention annoncée

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New York, dimanche 15 mai 2022 ((rezonodwes.com))–

Les derniers cris d’alarme poussés par le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BIINUH) semblent donner raison à ceux qui disent que les missions de l’organisme mondial déployées dans ce pays ne visent en rien l’amélioration du sort des citoyens haïtiens, encore moins le raffermissement de la démocratie, en sus du développement durable de son économie. Les derniers appels lancés par le représentant du secrétaire général de l’ ONU ne rassurent guère, quant à la protection que le peuple haïtien se croyait en droit d’espérer de la mission de celle-ci déployée, voilà déjà plus de trois décades.

En effet, dans la foulée des affrontements inter-gangs contrôlant le Nord de la capitale et le centre-ville, qui ont semé le deuil et la destruction, dans ces communes, ces deux dernières semaines, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (sigle anglais UNICEF) a tiré la sonnette d’alarme. Selon lui, « dix enfants ont été tués en dix jours », dont six en une seule journée. De plus, souligne encore cet organisme de l’ONU, «500 000 enfants » n’ont pu avoir accès à l’éducation, indiquant que 1 700 établissements scolaires ont dû fermer leurs portes, à cause de la violence des gangs.

À cet égard, l’UNICEF écrit : « En Haïti, l’avenir des enfants est menacé par les gangs. L’insécurité prive des milliers d’enfants de leur éducation. De nombreuses écoles de la capitale restent vides, en raison de la violence des gangs — fermées ou inaccessibles ».

De son côté, le BINUH fait état du carnage orchestré au Nord de Port-au-Prince, par les bandits armés. Dans un communiqué diffusé le 6 mai 2022, la représentation de l’ONU, en Haïti, relève qu’à Cité Soleil et à la Plaine du Cul-de-Sac, 75 personnes ont été tuées, par mi elles des femmes et des enfants; en plus de 68 blessés et 9 000 déplacés. Il se dit, de surcroît, « (…) vivement préoccupé par la rapide détérioration de la situation sécuritaire et des droits de l’homme, dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince ».

Le BINUH s’était prononcé pareillement, l’année dernière, suite à la guerre des malfrats du Sud de Port-au-Prince ayant fait des dizaines de morts et plus de 35 blessés, en sus d’occasionner la fuite de plus de 9 000 personnes de leurs maisons.

À la lumière des prises de positions dénonciatrices de la « détérioration » du climat sécuritaire, surtout dans les com-munes de Port-au-Prince, du BI NUH, il est opportun de remonter à l’origine des conditions qui ont créé de telles conditions.

Certes, en réaction au coup d’État des Forces armées défuntes, dirigées par l’équi pe Cédras-Biamby, contre le prési-dent Jean-Bertrand Aristide, le 29 septembre 1991, la communauté internationa-le, utilisant l’ONU comme bouclier, est intervenue en Haïti, sans tenir compte des dérives anti-démocratiques du prêtre-président. Cependant, par ses actions et ses décisions sur le terrain, l’O NU a prouvé que son intervention en Haïti n’avait rien à voir avec le renforcement de la démocratie, comme l’avait déclaré l’institution mondiale.

Au prime abord, l’ONU a déployé ses troupes, en Haïti, en 1993, avec la Mission civile internationale haïtienne (MICIVIH), la première force conjointe OEA-ONU, qui était chargée d’« enquêter sur la situation des droits de l’homme notamment les violations » qui ont fait suite au coup d’État de 1991 contre le président Aristide. La première expédition changea de nom pour devenir Mission des Nations Unies en Haï -ti (MINUHA), dont l’objectif s’était ex-primé ainsi : « aider à la modernisation des Forces armées et à la création d’une nouvelle force de police ».

La MINUHA prit une nouvelle appellation : la « Mission d’appui des Nations Unies en Haïti (MANUH), suivie de la « Mission de transition des Nations Unies en Haïti » (MITNUH), puis de la « Mission de Police civile des Nations Unies en Haïti » (MIPONUH). En tout premier lieu, la « Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), autorisée en 2004, comptait des effectifs de 6 940 soldats et de 2 221 policiers.

La mission de la MINUSTAH a duré treize ans, jusqu’en 2017, date à laquelle elle a été remplacée par la Mission des Nations Unies pour la justice en Haïti (MINU-JUSTH), une formule réduite de l’organis-me mondial d’appui à la justice en Haïti, elle-même remplacée, en 2019, par le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH), celle qui a publié la dernière déclaration sur le carnage présentement en cours, ainsi que les précédents, tous durant le mandat de toutes ces missions de l’ONU, témoin de tous ces massacres et destructions, au coût de plusieurs dizaines de milliards de dollars versés comme salaires et avantages aux personnels mobilisés.

C’est sous la tutelle de l’ONU que le « baron de Tabarre », de retour de ses trois années à l’ « école de la démocratie », à Washington (1992-1994), a illégalement et inconstitutionnellement dissout les Forces armées d’Haïti et mis en place la Police nationale d’Haïti (PNH), en janvier 1995, ayant eu soin de distribuer la plupart les armes de celle-là aux membres de ses organisations populaires et à d’autres tueurs à gages de son choix. Encore, sous la garde de l’ONU, il a transformé la nouvelle PNH, à son image. Et, foncièrement rancunier à l’égard de ses ennemis politiques, réels ou imaginaires, il a recruté des criminels dans la PNH, réussissant à contourner le processus d’ enquête de sécurité (« vetting ») requis pour chaque candidat.

Ces policiers œuvraient, main dans la main, à la solde du prêtre défroqué, avec des membres des « organisations po-pulaires », les précurseurs des gangs armés, créées par ce dernier. Aussi les assassinats commandités par lui ont-ils été per-pétrés soit par des policiers dévoyés, ou des criminels patentés par Aristide. Comme c’était le cas des frères Arbouet (assassins de l’avocate Mireille Durocher Bertin et son client, Eugène Baillergeau jr, intégrés illégalement au sein de la PNH); ainsi que le journaliste Jean Léopold Dominique et Jean-Clau de Louissaint, le gardien de sa station de radio, du pasteur Emmanuel Leroy et du Dr Harry Bordes, pour ne citer que ceux-là.

Si la période d’accalmie introduite, tant soit peu, sous René Préval, avait donné un peu de répit au pays, l’insécurité commençait à reprendre ses droits avec l’arrivée de Michel Martelly au pouvoir. La Mission de l’ONU, en Haï ti, sous les appellations successives « Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti » (MINUJUSTH) et la présente n’ont pu empêcher les massacres orchestrés par les sicaires des régimes PHTKistes, à Cité Soleil, La Saline, Bel-Air et Carrefour-Feuil -les. Ni ceux perpétrés par les gangs armés, dans le Sud de Port-au-Prince; ou présentement par les groupes mafieux « 400 Mawozo », dont le chef intérim est Wil son Joseph, surnommé Lanmò Sanjou durant la période d’incarcération, au Pénitencier national, de son vrai dirigeant et créateur, Ger mine Jolly, faisant présentement face à une inculpation fédérale, pour kidnapping, importation illégale d’armes et de munitions, en sus de blanchiment d’argent, à Washington, D.C. aux États-Unis.

L’ONU s’est révélée totalement insignifiante dans la prolifération d’armes et munitions introduites illégalement en Haïti. Car, autrefois, les forces de l’ordre avaient le monopole de la possession d’armes dans le pays. Tandis que les dernières statis-tiques disponibles font état de plus de 600 000 armes illégales entre les mains d’autres secteurs indépendants de la PNH et des Forces armées remobilisées par Jovenel Moï se.

À la barbe des différentes missions onusiennes, en Haïti, et l’organisation que celles-ci ont créée, la « Commission nationale de désarmement et réinsertion » (CNDDR), les gangs armés se sont approvisionnés, sans aucune restriction, en armes et munitions de tous calibres. Tous ces faits prouvent qu’il n’y avait aucune volonté, ni politique mise en place, en vue de contrôler les facteurs contribuant à l’insécurité. Que ceux qui en ont les responsabilités les assument.

Mais l’insécurité, qui caractérise la vie sociopolitique d’Haïti, en général, serait l’opposé de ce qu’elle représente aujourd’hui, si l’ONU avait vraiment à cœur de servir en toute objectivité le peuple haïtien.

L’ONU affiche son mépris par rapport au peuple haïtien, également dans le dossier du choléra. La manière dont les familles des victimes de cette pandémie sont traitées, par l’organisme mondial, démontre clairement qu’il n’en a cure des Haïtiens. Pour avoir une idée claire des reproches dont il est coupable, des enquêteurs de l’ONU, s’exprimant dans le jour-nal anglais The Guardian, ne font pas dans la dentelle. Treize observateurs des droits de l’homme ont critiqué de manière virulente les Nations Unies pour leur incapacité « profondément décevante » à faire amende honorable, pour avoir apporté le choléra en Haïti, causant « la mort d’au moins 10 000 personnes ».

Dans une lettre adressée au secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, les observateurs indépendants reprochent à l’organisation mondiale d’avoir fait « des promesses illusoires » au peuple haïtien. En ce sens, ils soulignent : « après avoir promis 400 millions de dollars pour une mission de nettoyage du choléra, l’ONU n’a récolté que 21 millions de dollars et dépensé 3 millions de dollars ». Ils qualifient cette façon d’agir de « pitoyable ».

Et les propres observateurs de l’ONU de conclure : « Il s’agit d’un résultat profondément décevant, après la perte de 10 000 vies ».

The Guardian, dans son édition du 4 mai 2020, rapporte : « Des preuves scientifiques ont démontré, de manière concluante, que le choléra a été importé dans le pays par des casques bleus népalais ma-lades ». Et le journal anglais, dans la même publication, d’ajouter que ces derniers « ont été transférés, en 2010, en Haïti, pour aider à faire face à un tremblement de terre dévastateur. L’ONU n’a pas procédé au dépistage de la maladie chez les soldats népalais, ce qui aurait pu être fait avant leur déploiement à partir du Népal, pour moins de 2 000 dollars ».

Étant le bras politico-diplomatique et militaire des grandes démocraties formant le CORE Groupe et d’autres structures internationales, qui mènent les autres pays par le bout du nez, il serait normal qu’elle traite Haïti selon l’ordre reçu. Mais il serait tout à fait légitime que le peuple haïtien cherche réparation là où il serait possible de la trouver. Sans nullement lésiner sur les moyens juridiques et légaux !

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