Flashback | 22 avril 1971 : Jean-Claude Duvalier, président de doublure, prête serment à 19 ans; la vraie cheffe d’Etat était sa mère Simone, assistée par les dinosaures du régime

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A la mort de son père, François « Papa Doc » Duvalier, alors qu’il n’avait que 19 ans, Jean-Claude Duvalier, « Baby Doc », lui a succédé comme Président d’Haïti pour la vie, mais malheureusement mort en octobre 2014 pendant qu’il n’était plus président. Président de doublure, il prête serment le 22 avril 1971 ; mais la vraie chef d’Etat était sa mère assistée par les dynausores du régime. Après le mariage de Baby Doc, le vrai pouvoir a été exercé par sa femme, Michele Bennett, selon des déclarations de l’ex ministre Roger Lafontant au micro de la presse internationale

Vendredi 22 avril 2022 ((rezonodwes.com))–Jean-Claude est jeune, il est vrai; « mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend plus le nombre des années » ont parodié les courtisans de l’époque se référant au héros cornélien. Une toute autre histoire d’amour dans le Cid.

Les courtisans et les flatteurs, il y en a toujours dans les couloirs du Palais national, voulaient par là laisser entendre que le talent et les dons innés n’ont pas besoin d’attendre les années de maturité pour s’exprimer. Hélas ! Jean-Claude, un sempiternel jouisseur ne portait pourtant que le titre de « président à vie », car sa mère, l’infirmière Simone Ovide Duvalier qui veillait sur les nuits de papa Doc et de la garde prétorienne, était pendant longtemps la vraie chef d’Etat d’Haïti à vie jusqu’aux mois précédant le mariage « autorisé » de son fils avec la divorcée Michèle Bennet.

Jean-Claude Duvalier, président de doublure à vie, a gouverné du 22 avril 1971 au 7 février 1986, date à laquelle il a été contraint de s’enfuir. Il a dirigé Haïti sous les yeux vigilants de sa mère, plus longtemps que son père grâce au soutien sans faille des gouvernements occidentaux, et des institutions financières de l’ONU telles que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Celle-ci, par la suite, pour freiner l’épidémie de corruption, a parachuté Marc Bazin pour venir de mettre un peu d’ordre dans les dépenses sans compter du jeune dictateur.

Pendant des années, Jean-Claude, le jouisseur, a laissé l’administration du pays entre les mains de sa mère, l’imposante Simone, secondée par son amant caché de longue date, Luckner Cambronne, le redoutable chef du groupe traditionaliste connu sous le nom de Dinosaures, car à l’époque de Papa Doc, l’armée rentrée dans les casernes a cédé la priorité aux Volontaires de la Sécurité Nationale, les Tontons Macoutes.

Depuis le Palais National, fort du soutien de ses relations sentimentales « cachées » avec la Première Dame, Cambronne dirigeait une entreprise prospère qui exportait cinq tonnes de plasma sanguin par mois. Sous l’œil indulgent de François Duvalier, il l’achetait à 5 dollars le pint (0.48 litre) et le revendait à 35 dollars à des entreprises américaines comme Dow Chemical. On rapporte qu’il faisait également le commerce de cadavres, en particulier les corps des indulgents délaissés à la morgue de l’hôpital général.

Néanmoins, le Président à vie est devenu la coqueluche du peuple, en majorité analphabète. Jean-Claude était informel, amical, toujours prêt pour une partie de dominos avec ses sujets. Washington aussi est séduit et, encourage le Congrès à débloquer plus de fonds d’aide pour Haïti. Ainsi la subvention de 9,3 millions de dollars accordée en 1974 est passée à 35,5 millions en 1975 sous l’administration de Jimmy Carter.

Loin des feux de la rampe, baboukèt nan bouch la près, le régime torture et élimine ses ennemis politiques atrocement, notamment dans les cachots de Fort Dimanche de la capitale. Duvalier, une fois, raconte-on, aurait ordonné aux geôliers de transformer un prisonnier en ordures : « Faites-en un légume », a-t-il ordonné.

Durant l’administration américaine du président Ronald Reagan, Baby Doc a été présenté comme un anticommuniste convaincu et un rempart contre le castroisme. Ce point de vue, aussi bizarre soit-il, lui a assuré un soutien militaire et diplomatique. Il a également reçu tout l’argent dont lui et sa femme Michèle avaient besoin pour maintenir un style de vie prodigue dans l’un des pays les plus pauvres du monde.

Devenu maintenant chef, le vrai chef d’Etat d’Haïti, les courtisans et les flatteurs de la vieille garde remplacés, le 27 mai 1980, Jean-Claude épouse Michèle dans la cathédrale catholique au cours de célébrations qui coûtent environ 7 millions de dollars. Son mariage avec Alex Pasquet, avec lequel elle avait eu deux enfants, a été commodément déclaré nul par le Vatican à la demande de l’Archevêque Ligondé, qui a effectué les noces présidentielles.

Le mariage de Duvalier provoque une terrible discorde familiale, notamment avec sa mère, puissance derrière le trône de son père qui jouit du titre de Première Dame. Elle est mise à l’écart et dépouillée de ce titre, qui est donné à Michèle, oblige Jean-Claude à suivre un régime amaigrissant, menaçant le personnel qui ose lui fournir de la nourriture « qu’ils souhaiteront ne jamais avoir vu le jour », selon Elizabeth Abbott, historienne de la dynastie.

Alors qu’Haïti s’enfonçait dans la pauvreté et l’indigence, et que la « révolution économique » promise en avril 1971 ne se résumait qu’avec la multiplication des faktoris (industries de sous-traitance), Duvalier accorda à sa cour une latitude toujours plus grande pour l’escroquerie et la corruption, comme au temps d’Aristide, de Martelly et de Jovenel Moise. En 1982, par exemple, son beau-père s’est approprié 11 millions de dollars de pétrole brut fourni à bas prix comme aide du Mexique et l’a vendu au régime d’apartheid en Afrique du Sud et Nelson Mandela était encore en prison.

La chute du dictateur a été annoncée lors de la visite du pape Jean-Paul II en 1983. Il a appelé au changement, en encourageant le clergé vacillant. Le mois suivant, 860 d’entre eux ont signé une pétition demandant à l’Église de se concentrer sur les besoins de la majorité pauvre. Sept évêques ont été invités à Rome, où le pape les a exhortés à continuer. Malgré une répression sanglante, ses adversaires ont continué à saper le président d’un État où, comme l’a fait remarquer l’historien James Ferguson, pour chaque enseignant, il y avait 189 membres des forces de sécurité. Dans un pays largement analphabète, la Radio Soleil de l’Église était particulièrement efficace.

Dans la nuit du 5 février 1986, le Président à vie décide de partir et ordonne à Ernest Simon, un des houngans du palais, ou sorciers vaudous, de jeter un sort sur le lit présidentiel pour que le prochain occupant y meure d’une mort terrible. Le houngan aurait demandé deux nouveaux-nés, non baptisés, qu’il pouvait sacrifier dans le cadre du rituel. L’hôpital réclamait 400 dollars, mais l’un d’eux, une petite fille, fut renvoyé : les dieux, insistait le houngan indigné, avaient besoin de sang masculin. En présence de Duvalier et de sa femme, les bébés furent tués après des heures d’incantations et l’utilisation libérale de rhum et d’herbes.

Deux jours plus tard, soit le 7 février 1986, le gouvernement américain a envoyé un avion de transport depuis sa base à Guantanamo Bay, chercher le couple présidentiel et famille rapprochée mais, étaient transbordés entre autres malèt lajan en liquide, leurs bijoux, leur argenterie, leurs peintures, leurs antiquités, leurs fourrures, leurs chaussures, leurs tableaux et antiquités. L’avion a décollé au milieu de la nuit du 6 au 7 février 1986 pour la France. Là, l’ancien dictateur à vie a séjourné à l’hôtel de l’Abbaye de Talloires, au bord du lac d’Annecy, jusqu’à ce que le propriétaire aille en justice pour le déloger.

Mais l’exil irrite Jean-Claude qui se retrouve avec une succession de maîtresses acquises par les frères de sa femme. Michèle, réputée pour sa grossièreté et pour son manque de dévouement, sombra dans un ennui fébrile. Le couple divorce par procuration en République dominicaine en 1989. Michèle a obtenu la garde de leurs enfants Nicolas et Anya et un règlement mensuel de 7 500 dollars.

En 2002, M. Duvalier a déclaré qu’il avait la « ferme intention » de retourner en Haïti « dès que les conditions le permettront », un point de vue qu’il a répété lors de l’évincement de l’apprenti-dictateur Jean-Bertrand Aristide. En 2003, il a été dit qu’il manquait d’argent et qu’il vivait avec sa maîtresse Véronique Roy dans un appartement d’une chambre à Paris, mais en 2011, il est retourné avec Roy dans un pays ravagé par le récent tremblement de terre de janvier 2010, en insistant sur le fait qu’il voulait « aider le pays à se remettre sur pied« . Certains le soupçonnaient de vouloir contourner la nouvelle réglementation bancaire suisse destinée à empêcher les anciens dictateurs d’accéder à des fonds mal acquis.

Il a été arrêté et accusé de détournement de fonds et d’autres crimes, et il a été question qu’il soit accusé de crimes contre l’humanité, mais il est resté dans un hôtel dans les montagnes au-dessus de Port-au-Prince, où il est mort paisiblement d’une crise cardiaque, le 4 octobre 2014. Ironie de l’histoire, le président à vie qui portait l’écharpe présidentielle en noir et rouge le 22 avril 1971, à sa prestation de serment, avait son cercueil à sa mort recouvert du bicolore Bleu et Rouge et l’ex-président Michel Martelly qui ne cachait pas son amour pour le régime makoutiste des Duvalier a cherché un prétexte de voyage à l’étranger pour ne pas accorder des funérailles nationales à l’ancien dictateur dont certaines méthodes de gouvernement ont servi aujourd’hui au régime PHTK avec le président Jovenel Moise. Celui-ci dirige Haïti sans parlement et le système judiciaire sous sa présidence est d’autant décrié qu’il l’était de 1971 à 1986.

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