Y a-t-il des raisons d’avoir honte en Haïti ?

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Par Vitalème ACCÉUS

Lundi 14 mars 2022 ((rezonodwes.com))–

« La honte est l’affect majeur de notre temps », affirme le philosophe Frédéric Gros dans son dernier essai, La honte est un sentiment révolutionnaire. Aujourd’hui en Haïti , on ne crie plus à l’injustice, on « hurle à la honte », comme pour marquer au fer moral les comportements des uns ou des autres.

Fermez la balle ou l’éternel carnaval ? Pas tout à fait, propose Frédéric Gros : car il y a un bon usage de la honte en Haïti, un usage révolutionnaire au plan intime comme au plan sociétal, que nous serions mal avisés de lancer…

Il existe tellement de raisons et de façons d’avoir honte…

D’abord, on ne peut pas parler de la faiblesse de l’État, mais de sa faillite. L’État haïtien est démissionnaire et perd complètement le contrôle du territoire.

Des politiciens et les hommes d’affaires ont armé des jeunes et ont financé les gangs des quartiers populaires et maintenant, ces gangs sont hors de contrôle. Les gangs s’intensifient davantage et ils continuent de gagner de plus en plus  de territoire dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, parce qu’ils sont désormais plus forts, plus armés, plus équipés, plus riches que la Police Nationale d’Haïti.

Depuis presqu’un an, les affrontements armés entre des groupes de bandits rivaux utilisant des armes de guerre ont forcé de nombreuses familles paisibles et sans secours à fuir les quartiers de Martissant et de Fontamara. Parmi ces personnes, certaines n’avaient même pas une destination finale avec des enfants en bas âge.

Jusqu’à présent, les gens ne peuvent toujours pas retourner chez eux après environ 9 mois en déplacement forcé. La guerre qui se poursuit entre bandes armées rivales continue de faire des victimes et des organisations dénombre plus de 650 morts en un an.

Le kidnapping est réapparu en 2019. Désormais il s’installe dans le quotidien haïtien au même titre que le blackout, la pénurie de carburant et la corruption dans l’administration publique. Les kidnappeurs ont  exigé des rançons dépassant parfois le million de dollars, les gangs n’hésitent pas à réclamer des décennies de salaire à des familles vivant sous le seuil de pauvreté.

Dans cet hémisphère, Haïti est le pays qui se trouve dans les conditions les plus précaires et qui entraîne la migration que la République Dominicaine ressent plus que tout directement, mais elle touche déjà le Chili, le Panama, le Mexique et la frontière sud des États-Unis.

Les vidéos et images de gardes-frontières américains à cheval poursuivant des migrants (et brandissant de longues rênes comme un fouet) près du fleuve Rio Grande au Texas n’ont  suscité aucun sentiment de honte au sein des élites du pays.

Un premier ministre de facto, Ariel Henry s’est emparé des rênes du pouvoir après l’assassinat du président Jovenel Moïse. Aujourd’hui le Premier ministre s’accroche à son poste malgré les soupçons qui le lient à ce crime crapuleux.

Selon le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique de facto, Me. Berto DORCE, la délocalisation du palais de justice dans un autre endroit  est en cours de discussion.

Cette décision serait une nouvelle victoire pour les bandits dans leur stratégie de contrôle du territoire. Chaque conquête des bandits constitue un pas vers le dépérissement de l’Etat. On avait la honte Monsieur le Ministre, chacun s’est regardé dans le miroir.
En septembre 2021, environ 4,3 millions d’Haïtiens étaient en situation d’insécurité alimentaire aiguë, dont 1,3 million en situation d’urgence, et les projections indiquent que ce nombre atteindra 4,6 millions en mars 2022.

Aujourd’hui en Haïti nous vivons une  ingérence étrangère de plus en plus insupportable. Le peuple haïtien doit être respecté au même titre que les autres nations… Ce temps est révolu où les Haïtiens étaient traités comme des sous-hommes !

La corruption est un élément récurrent du système social et politique en Haïti. La nation a évolué sans qu’on ait vraiment eu le souci d’enrayer le phénomène qui s’est enraciné jusqu’à survivre comme un fait quasi naturel.

Nous possédons ce pays qui manque de leaders, c’est donc à eux d’avoir honte aujourd’hui.

Honte aux Haïtiens et Haitiennes qui refusent de dénoncer  et de lutter contre cette situation en Haïti.

Honte pour cette lâcheté qui se traduit par le silence  des Haïtiens qui nous rappelle un peu celle affichée par certains Allemands dans les années 1930.

Y a-t-il des raisons d’avoir honte  ? Ce qui se passe en Haïti est une honte. Haïtiens ayons honte, soyons fiers ! Éloge de la honte pourrait être un moteur révolutionnaire en Haïti aujourd’hui.

Vitalème ACCÉUS
acceus2009@gmail.com

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