6 octobre 2025
L’Ing. Jacques Faubert Etienne, cet ancien élève du CIC des Gonaives, « s’affirmait, parfois sans aucun filtre et sans inhibition », se rappelle Dr. R.P. Nestor Fils-Aimé
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L’Ing. Jacques Faubert Etienne, cet ancien élève du CIC des Gonaives, « s’affirmait, parfois sans aucun filtre et sans inhibition », se rappelle Dr. R.P. Nestor Fils-Aimé

La Mort a des rigueurs à nulle autre 
pareille;
On a beau la prier 

La cruelle 
qu’elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.

François de Malherbe

Vendredi 4 mars 2022 ((rezonodwes.com))—Au seuil de sa vie, confronté à ce que l’homme a le plus barbare en lui, qu’est l’élimination physique d’un être humain, ce crime de trop commis à Port-au-Prince, dans l’après-midi du mardi 22 février 2022 contre le professeur universitaire Jacques Faubert Etienne, ne saurait laisser personne indifférent. La ville des Gonaives qui s’apprête à rendre samedi un dernier hommage mérité à l’Ingénieur Etienne, est encore sous le coup de l’émotion suscitée par cette disparition brutale et subite. Faubert avait un avenir si prometteur devant lui que ses proches, ses camarades, ses collègues ont du mal à accepter ce départ si prématuré.

Le passage remarquable de Jacques Faubert Etienne au Collège Immaculée Conception des Gonaives (CIC), pour ses années d’études secondaires, est souligné par le Reverend Père et Docteur Nestor Fils-Aimé. Celui-ci, un ancien directeur général et directeur des études, a eu l’occasion d’observer de très près les travaux d’évaluation académique de cet ancien étudiant du CIC qui s’était toujours distingué. Une distinction qui lui a garanti une transition en douceur de l’école à la vie professionnelle. 

En guise d’hommage à ce haut cadre de la BRH, professeur à la Faculté des Sciences, ancien élève du CIC, Docteur et Père Nestor Fils-Aimé de la congrégation religieuse de l’ordre de Saint-Viateur (csv), revient sur le brillant passé de Jacques Faubert Etienne. Il est interrogé par cba, également un ancien élève du CIC des années ’80.

cba : Vous êtes un religieux Supérieur de la congrégation des Clercs de Saint-Viateur du Canada et ancien directeur des études (1994-1998) et directeur général (2000-2002) du CIC, vous avez connu l’étudiant Jacques Faubert Étienne qui est devenu plus tard dans sa vie un grand homme, faites-nous le portrait de ce brillant élève qu’il fut?

Dr. Fils-Aimé : Merci mon cher CBA, mon frère et camarade de promotion au CIC, de m’offrir l’occasion de parler de l’Ingénieur Étienne et d’exprimer mes plus profonds regrets à ses proches, en particulier sa maman que je connais personnellement et avec laquelle j’ai développé une belle amitié depuis que son fils a fréquenté le Collège Immaculée-Conception des Gonaïves, notre alma mater.

En 1994, encore dans la vingtaine, j’arrivais frais émoulu du Séminaire et ma Congrégation me nomma directeur pédagogique au collège Immaculée-Conception, l’établissement que j’avais laissé neuf ans plus tôt après la classe de rhétorique.
Cette année-là, le collège accueillait en classe de sixième une nouvelle cohorte d’élèves arrivant de différents établissements primaires de la ville et des environs. Parmi ces élèves se signalait un garçon très éveillé, avec un esprit vif et très doué, un redoutable compétiteur qui prenait à cœur ses études. Il s’appelait Jacques-Faubert Étienne. Vite, il attira l’attention du jeune directeur que j’étais. Sa vivacité d’esprit ne me laissa pas indifférent.

Voyant son esprit compétitif et son goût des défis, j’ai résolu de le séparer d’un autre élève (Rouls-Mary Sterling) qui rivalisait avec lui d’intelligence et connaissait autant de succès scolaires. Jacques-Faubert était plus exubérant, un peu candide mais d’une gentillesse et d’une bonté insoupçonnées.

Je suis resté à la direction des études les quatre premières de son cours secondaire. En 1998, je suis parti pour des études de maîtrise en sciences de l’Éducation à Montréal. Jacques-Faubert était admis en classe de Seconde. Quand je suis retourné au collège, deux ans plus tard, il n’était plus là. Il avait quitté pour aller terminer son cours secondaire à l’institution Saint-Louis-de-Gonzague à Port-au-Prince.

Un charmant élève qui s’affirmait, parfois sans aucun filtre et sans inhibition. Il était l’élève que tout directeur aurait aimé avoir. Il avait le goût d’apprendre et éprouvait un plaisir fou à performer et à démontrer ce dont il était capable.

cba : Quel est le sentiment éprouvé en apprenant le départ prématuré de l’Ing. Étienne qui allait tout juste avoir 40 ans ?

Dr. Fils-Aimé : Dévasté. Je n’en croyais pas mes yeux quand j’ai reçu la nouvelle d’un autre ancien élève du CIC par whatsApp.

En général, les élèves que j’ai eu sous ma direction au CIC ont gardé un contact étroit avec moi et sont restés attachés à ma personne. Faubert était de ceux avec qui je communiquais régulièrement. Notre dernière conversation remonte au mois de décembre après la tentative d’enlèvement dont il a été l’objet. On s’était parlé. Je lui avais dit que j’appuyais sa décision de prendre un petit recul par rapport à Facebook et, du même coup, je l’invitais à faire autant pour le pays pendant un certain temps. Il m’a répondu : « Map panse ak sa wi monPè ».

Même après avoir reçu confirmation de son décès, je me suis accroché au fol espoir qu’il se réveillera et qu’on le verra écrire qu’il a, une nouvelle fois, échappé à la mort. Je n’aurai pas ce bonheur de revoir Fofo vivant, de le taquiner quand son Barça et son Argentine feront mauvaise figure au football. Comme des milliers d’autres personnes qui l’ont aimé, je le pleure comme un fils, un membre à part entière de mon cercle de proches. Je suis profondément troublé.

cba : La ville des Gonaïves s’apprête à rendre samedi un dernier hommage à ce fils de la Terre Salée qui a laissé ses empreintes à Port-au-Prince, avez-vous un message particulier à l’endroit de sa mère ?

Dr. Fils-Aimé : Je ne crois pas qu’il y ait une parole qui puisse véritablement réconforter sa maman. Comme il se plaisait à le répéter : yon selman manman, yon sel pitit. C’était beau de voir l’amour qu’ils se vouaient l’un envers l’autre. Fofo était la passion de Tante Nénette et vice-versa. Comme c’est une femme de foi, puisse-t-elle puiser à la source de sa foi en Dieu pour surmonter cette épreuve innommable. Qu’elle regarde Marie au pied de la Croix qui voit mourir son fils, innocent, assassiné, victime de la barbarie humaine. Le Dieu de tendresse saura la consoler. Hillary et Coralie, les deux filles de Fofo, sauront lui apporter cette étincelle de vie qui lui rappellera son fils si cher à son cœur.

cba : Et pour finir, comment le CIC compte-t-il garder vivant le souvenir du passage de Faubert en son sein?

Dr. Fils-Aimé: Je ne saurais te dire ce que compte faire la direction du collège pour perpétuer la mémoire de ce brillant élève. Je peux seulement encourager mes confrères à connaître et à faire connaître ce modèle d’élève qu’a été Jacques-Faubert Étienne.

À son retour d’Europe en 2017, il m’avait traduit son désir d’entrer la bibliothèque du collège dans l’ère du numérique. Il voulait le faire bénévolement en reconnaissance pour ce qu’il a reçu du collège. Il n’a pas eu le temps d’exécuter ce projet. Si d’autres pouvaient donner vie à ce rêve qu’il portait, ce serait une belle façon de le garder éternellement vivant dans nos souvenirs.

cba : Merci Dr. Fils-Aimé.

Dr. Fils-Aimé : C’est moi qui te remercie, mon frère. Je te félicite pour le bon travail que tu accomplis en qualité journaliste et écrivain.

cba
4 mars 2022

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