Pour un procès symbolique sur l’assassinat de l’empereur Jacques 1er

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par James St-Germain

Mardi 5 octobre 2021 ((rezonodwes.com))–

On a beau entendre et dire sur la vie de Jean Jacques Dessalines, celui qui a libéré le pays sous le joug de l’esclavage, et ce ne sera jamais toute son histoire. L’histoire rapporte l’exemplarité de ses prouesses guerrières, la portée de son projet politique tout comme les dessous de sa réforme agraire. 

Même s’il est présenté comme un « Bloc » par le président Sténio Vincent, l’histoire de sa vie est encore entourée de mystères. Jusqu’à nos jours, on n’a pas encore assez de preuves évidentes concernant sa date et son lieu de naissance. Il n’y a pas si longtemps de cela que le Dr Jerry Gilles [1] a contesté avec la plus grande rigueur la date du 20 septembre 1758 soudainement récemment déclarée officiellement sa date de naissance. Concernant la date de sa mort, on a trouvé aussi certains points d’ombres. Sachant que l’histoire est écrite par les vainqueurs on se demande s’il y a eu volonté de camouflage s’il est vrai que ses dates de naissance et de décès ont été manipulées et dans quel dessein ? 

215 ans après son assassinat, des mystères persistent encore sur la nature de ce crime qui a souillé l’image de notre république. Les livres d’histoires n’ont pas tout précisé sur les causes, les auteurs, co-auteurs et complices de l’assassinat de l’empereur Jacques 1er ; nous trouvons très peu d’arguments convaincants. Selon la version officielle de l’histoire rapportée par Thomas Madiou [2], Jean Jacques Dessalines est pris dans une embuscade et assassiné. Par qui ? Aucune réponse valable. Pour quel motif ? On a évoqué plusieurs. On parle de sa lutte pour une répartition équitable [3], de son radicalisme, de sa mauvaise gouvernance ou de son penchant à réprimer dans le sang tous ceux qui se sont opposés à sa volonté. Si la première cause élucidée est compréhensible et paraît raisonnable et rationnelle, les autres semblent être montées de toutes pièces pour avilir la personnalité de ce grand homme qui s’est révélé lors de la guerre du sud. 

Sans trop ambages, tout laisse croire que Madiou a falsifié à dessein les faits. Sa volonté serait de cacher à la postérité toute la vérité. Il semblerait qu’il voulait tout bonnement dédouaner les hommes de sa classe sociale ayant les mains trempées dans ce crime. C’est aussi à dessein dit-on que c’est la version officielle de Thomas Madiou qui est enseignée à l’école avec comme conséquence que des générations de haïtiennes et haïtiens ont appris une version faussée de l’histoire de premier chef d’état de la nation haïtienne. On est malheureusement de nos jours en face d’une telle situation. Si les prouesses de l’empereur sont indiscutablement reconnues, son projet social est parfois banalisé. 

La technologie moderne et la curiosité historique de certains chercheurs ont fait ressortir des éléments nouveaux concernant la mort de l’Empereur. Elle est relatée principalement par Jowel Erns David Jean Pierre [4] qui rapporte que l’empereur est assassiné par des sbires sur ordre de Pétion alors qu’il prenait part à une réception chez Pétion.  Plus loin, il est précisé que l’assassinat n’était pas la première option des comploteurs, que c’était de préférence son empoisonnement. Comme le poison ne pouvait avoir effet sur l’empereur Jacques 1er, a-t-il fait remarquer, ils ont donc décidé de l’assassiner, et c’est ainsi qu’en dépit de sa garde rapprochée, il fut poursuivi après le diner jusqu’au Pont Rouge ou les assassins ont eu raison de lui. Dans cette version, la thèse de l’embuscade est tout bonnement rejetée. Jowel Erns a donc largement accusé Pétion comme étant l’instigateur de ce crime odieux eu égard se basant sur une lettre que Pétion aurait adressée à Christophe en date du 24 décembre 1806 dans laquelle Pétion revendiquerait ce meurtre au nom du peuple haïtien. 

Dans ce même ordre d’idées, le site internet Universalis [5] relate dans un de ses articles postés, sans donner des détails, que l’empereur est assassiné alors qu’il tentait de mater une rébellion conduite par Alexandre Pétion.  

Aucune des versions ne fait jusque-là l’unanimité. S’appuyant sur la polémique qui y règne, cela a fait quelqu’un dire que « les causes de la mort du fondateur de la nation haïtienne restent dans la mémoire collective une sorte de tour de Babel » [6].

L’assassinat de l’Empereur représente le tout premier crime politique d’une longue série de crimes politiques depuis 1806. L’impunité semble faire loi dans notre pays et c’est ce qui porte certains leaders d’opinion de clamer haut et fort qu’il faut au pays la tenue d’un procès sur ce crime odieux qui a souillé l’image de la nation haïtienne, –qui a plongé le pays dans une succession de crises sociopolitiques récurrentes et dans une spirale d’assassinats sommaires– soit-il tout simplement symbolique, pour sortir le pays dans cette pratique d’impunité sans pareil. Après l’assassinat de l’Empereur Jean-Jacques 1er en 1806 et jusqu’en Juillet 2021 avec l’assassinat du président Jovenel Moise, d’autres elites politiques qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition tels que Capois La Mort, de Boisrond Tonnerre, de Cincinnatus Leconte, Sylvain Salnave et tout récemment Me Guy Malary, Me Monferier Dorval (Bâtonnier de l’ordre des Avocats) pour ne citer que ceux-là mais bien de nombreux autres encore, ont été tous assassinés et il n’y a jamais eu aucun suivi judiciaire.  

Il faut que ce cercle vicieux s’arrête car jusqu’à nos jours, le pays en paie les frais, ce qui a porté quelqu’un à écrire que  » la république d’Haïti est une nation mort-née à cause du parricide de l’empereur Jean-Jacques Dessalines  » [7]. De toute façon, la tenue d’un procès sur l’assassinat de l’empereur aurait une grande portée historique. Son verdict serait une réponse juridique à l’impunité qui jalonne notre histoire. Ce procès participerait en premier lieu à donner justice en quelque sorte à la nation haïtienne; en second lieu, ce serait un moyen de réhabiliter le personnage dans sa dignité et dans sa dimension de chef d’État ; troisièmement, ce serait aussi un moyen de faire le procès du système nommé à tort et à raison «sistèm peze souse» inauguré avec cet assassinat et construit sur des fossés historiques et enfin il servirait à laver l’affront de la justice haïtienne qui ne s’est jamais prononcé sur de pareils cas depuis 1804. Il n’y a pas de risque à affirmer que l’assassinat de Dessalines est l’événement qui a débuté le cycle d’impunité jamais bouclé dans le pays.

Heureusement, aujourd’hui, Il y a moyen, grâce à la technologie d’en finir avec les flous qui entourent l’assassinat de l’empereur. Dr Jerry Gilles [8] a déjà fait cette mention dans un texte qu’il a récemment publié dans les colonnes de Le National. On peut se servir des tests appelés « ISOTOPE » pour déterminer exactement la nature réelle de ce crime.

Mes références 

  1. Mezanmi ki kote Desalin moun, kilè l fèt ? Publié dans Lenational en date du 23 septembre 
  2. Histoire d’Haiti (1803-1807),T3
  3. https://lepatriote.com.ht/actualites/les-7-causes-de-la-mort-de-lempereur-jean-jacques-dessalines/
  4. Jean Jacques Dessalines en vérité publié dans Lenouvelliste en date du 29 /10/2009
  5. https://www.universalis.fr/encyclopedie/jean-jacques-dessalines/
  6. 6. https://randovia.fr/yn1gotnj/les-causes-de-la-mort-de-dessalines
  7. Le symbolisme de l’Empereur Jean Jacques Dessalines et son assassinat publié sur Rezo Nòdwès en date par Kerlens Tilus 01/24/2018)
  8. 8. Yon lot apwoch sou orijin Desalin publié sur Lenational en date du 24 septembre 2021 

James St Germain 

Sociologue et professeur de philosophie 

jamesstgermain19@yahoo.fr

1 COMMENT

  1. Ou pa genyen anyen pou fe si wap mande prose istorik pou Gran Anpere Jan Jak Premye. Peyi se yon kanse ki preske pa ka geri ou vle ajoute sou male li.

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