Une semaine de l’agriculture à l’École Technique d’Agriculture et de Gestion de l’Environnement

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Pour célébrer la journée internationale du travail et de l’agriculture, l’École Technique d’Agriculture et de Gestion de l’Environnement (ETAGE), entité de la coopérative de l’agriculture biologique et l’économie locale (CoopAgribel), a réalisé une semaine d’activité allant du 28 Avril au 01 Mai 2021 sur la ferme AGRIBEL à Trois-Rivières, commune de Port-de-Paix. Proclamée « Journée du Travail et de l’agriculture » selon l’article 139 de la constitution de 1946, la date du 1er Mai a été consacré à ETAGE pour analyser et questionner l’impact de la politique foncière haïtienne, l’accès à la terre, le changement climatique et la biodiversité, l’abattage systématique des porcs à la fin des années 1970 et l’épidémie « Ren kase ou Teschen» sur l’agriculture haïtienne.

Jeudi 6 mai 2021 ((rezonodwes.com))– Le centre de formation ETAGE a baptisé la période allant du 28 avril au 1er mai de « Semaine de l’agriculture à l’ETAGE». Toute une série d’activités commémoratives était organisée et tournait autour de séances de formations, de conférences-débats pour les etudiant.e.s.  Pour débuter cette série d’évènements, le 28 Avril 2021, l’ingénieure-Agronome Vasthi Rose-Murielle Romain, détentrice d’un master en Pêche et Aquaculture a présenté une conférence sur le cycle de vie des Anguilles, cette espèce de poisson dont les bébés (appelés civelles) font l’objet d’un trafic international depuis Haïti en passant par des pays voisins jusqu’à atterrir en Asie où elle est élevée dans des fermes puis revendus à prix d’or avec les restaurants. Très menacées au niveau mondial, en Haïti les civelles sont pêchées de façon sauvage partout où il y a une rivière qui se pointe dans la mer, sans aucun contrôle de la part de l’autorité publique. Vasthi a pris le soin d’expliquer à partir de graphiques que les populations d’anguilles ont décru de manière très spectaculaire ces dernières années, ce qui peut entrainer la disparition de l’espèce. C’est à l’issu de cette journée de formation sur la pêche que1000 alevins (Tilapia) ont été introduits dans le bassin aquacole de la ferme AGRIBEL.

Le 30 avril c’était le tour de Julien DEROY, également agronome et membre fondateur de la coopérative agricole AGRIBEL, qui a animé une séance de travail en analyse de projets de développement. Il explique son choix : « J’ai choisi, dans le cadre de cette formation, d’analyser de grands projets de développement agricole dans le pays surtout dans le Nord-Ouest parce que beaucoup de fonds sont injectés dans cette région pour résoudre des problèmes liés à l’agriculture mais on en connait très peu ou pas du tout de résultats. La majorité de la population n’a toujours pas d’accès à l’eau potable ni à l’assainissement; le nord-ouest fait toujours partie des zones du pays où l’insécurité alimentaire est à un niveau très critique; en dépit des multiples projets de reboisement et conservation de sols, l’environnement physique de la région est très dégradé, voire désertique », regrette-t-il.Dans sa présentation, il cherche à développer les capacités des jeunes du Nord-ouest en élaboration de projets mais surtout à les outiller de façon à savoir remettre en question les démarches traditionnelles et souvent infructueuses d’identification et de mise en œuvre des projets.

Pour commémorer la journée du 1er mai, trois spécialistes ont intervenu sur des sujets liés à l’agriculture. L’ingénieur-agronome Kenson HYPOLLYTE, spécialiste en production et santé animale a présenté autour du sujet : « L’éradication des cochons créoles fin des années 70 et début 80 et maladie couramment appelée Ren kase, quels impacts sur la production nationale d’Haïti? ». Exalien EXATUL, détenteur d’un master en aménagement du territoire et développement régional et enseignant à l’ETAGE a fait son intervention sur « La politique foncière haïtienne et d’accès à la terre, quelles influences sur l’agriculture? ». Jeff GARÇON, doctorant en hydrogéologie, et spécialiste en gestion de risques de catastrophes a débattu sur « Gestion de l’environnement, biodiversité et changement climatique, quel lien avec l’agriculture haïtienne? »

A tour de rôle, les experts ont expliqué que les problèmes fonciers ont des impacts considérables sur l’agriculture en prenant pour appui l’indivision, les divers et multiples cas de conflits mais surtout le cadre légal très désuet et inapproprié. Parmi les grands problèmes du secteur, la maladie teschen (ou ren kase) a été pris pour cible comme deuxième gros malheur qui arrive aux paysans haïtiens après l’abattage systématique et politique des cochons créoles il y a 40 ans de cela environ. C’est un fléau qui ne cesse d’appauvrir la paysannerie haïtienne alors qu’il n’y a pas grand espoir d’éradiquer le virus responsable de cette fièvre léthale des porcs. Enfin vient ce phénomène global qui affecte tous les pays dans le monde, le changement climatique ! Les petits États insulaires, comme Haïti, en sont les premières grandes victimes. En provoquant des augmentations de température, ce phénomène agit sur la réduction des rendements agricoles, l’augmentation de la fréquence des évènements extrêmes comme les sécheresses et les inondations, etc. Autant de problèmes qui ont le mérite d’être débattus au sein d’une coopérative agricole et d’un centre de formation en agriculture dans un pays où plus de 60% des besoins alimentaires sont couverts par l’importation, détaille Agronome Déroy, spécialiste en Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE). Il ajoute que ces séances de formations et de débats permettent de mieux aider les etudiant.e.s à comprendre le contexte fragile du métier, de développer l’esprit critique, de réfléchir sur des éléments de propositions et de participer dans les processus de décisions par rapport à ces problèmes. « Un technicien agricole n’est pas juste quelqu’un qui sait planter des patates », ajoute-t-il.  

CoopAGRIBEL est une coopérative qui vise à libérer les jeunes et les communautés rurales d’Haïti de la pauvreté par la formation professionnelle en agriculture durable, la promotion de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), et le financement d’entreprises exploitant durablement les ressources locales. Ses membres fondateurs misent sur le développement de modèles (systèmes de production intégrés, rentables et durables) réplicables dans les communautés afin de servir d’inspiration pour les politiques, les organisations de la société civile, les ONG et les donateurs dans le but de créer un effet de levier dans l’éradication de la faim et de la pauvreté au niveau mondial.

Widelie Carlvanie OLIBRICE
widelie122@gmail.com

Crédit photo : Déroy – 1er mai 2021

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