«Familles haïtiennes, la famille de Nazareth vous interpelle.» par Bellita BAYARD

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Comment la famille de Nazareth peut-elle servir de modèle aux familles haïtiennes ?

Lundi 6 mars 2017 ((rezonodwes.com))– Les spécialistes en sociologie de la famille, dans leur diagnostic, ont constaté depuis près de 40 ans environ qu’il y a une transformation quasi profonde au sein des familles dans le monde. L’individualisme moral façonne son style de vie, en lieu et place de la stabilité de l’institution familiale.  Les normes implicites «modernes»  tentent de s’imposer sur les normes explicites (les lois, les textes bibliques) et dominent sur les façons instables et inégales les comportements dans les familles.

Dans cette situation, nous avons l’impression que les institutions de régulation et moralisatrices «ont rendu la serviette» dans leur lutte pour une société familialement plus vertueuse et moralement plus stable. Dans le courrier des lecteurs de «Pain de vie», il nous est demandé de faire valoir notre réflexion sur : «Familles haïtiennes, la famille de Nazareth vous interpelle.»  En d’autres termes, comment la famille de Nazareth peut-elle servir de modèle aux familles haïtiennes ? Que pouvons-nous dire ?




La conception de la famille est généralement  comprise sur deux angles : privé et public. L’angle privé est quand nous considérons les relations culturelles, sociales et éducatives existant entre les membres d’une même famille au regard de la société. L’angle public quant à elle,  est prise dans un cadre institutionnel par l’accompagnement moral, spirituel et religieux des responsables religieux et également lorsque la famille fait l’objet d’une politique publique par l’Etat sur le plan instructif et régulateur.

En Haïti, environ 60%[1] des familles sont «monoparentales». Selon cette statistique, elles sont très nombreuses, les femmes, pour des raisons multiples, qui  sont seules à élever  leurs enfants. Elles sont également les plus pauvres économiquement. C’est une  situation assez répandue dans tout le pays entraînant ainsi un développement socio-économique et spirituel inégal. Nous comprenons pourquoi il est difficile de regarder la famille haïtienne à travers le prisme de la famille spirituelle de Nazareth : Jésus, Marie et Joseph.

La procréation fait de l’homme et de la femme des collaborateurs de Dieu dans l’accueil et la transmission responsable  de la vie. En procréant, l’homme et la femme comme époux et parents, coopèrent d’une façon unique à l’œuvre du Créateur. Les problèmes économiques, sociaux, la démission des parents, des institutions sociales, religieuses et d’éducation  auxquels confrontent les familles haïtiennes ont des répercussions  sur le comportement socio-culturel de leurs progénitures.

Des fois, nous nous demandons si les enfants ne sont pas la  propriété de leurs parents?  Leur avenir intéresse t-il les parents? C’est difficile à concevoir, et surtout à vivre, si nous tenons compte de  la pléthore de délinquants juvéniles constatée dans le pays et des dichotomies existant  dans les familles. Contrairement à Joseph, le père de Jésus, qui s’était montré  responsable;  il y a une déperdition des obligations des hommes  dans les familles haïtiennes.  Les hommes sont pour la plupart absents dans l’éducation de leurs enfants en Haïti.

Or, il revient aux parents (père et mère)  de  faire prendre conscience à leurs enfants qu’ils ont une place dans la société et un rôle irremplaçable à jouer. Ce mode d’éducation devrait se faire dès leur première enfance. Les parents et l’Église ont aussi une responsabilité spirituelle  d’aider les enfants à accomplir la volonté de Dieu et à apprécier son amour envers eux, tel que cela a été dans la famille de Nazareth.




La famille doit également occuper une place importante dans les politiques publiques. Des actions publiques doivent être consacrées aux questions familiales. C’est là que l’Etat doit intervenir  sur le plan social, sanitaire, économique et  éducatif.    Le Sociologue Emile Durkheim dit que : « l’État doit être  de plus en plus présent dans la famille, surtout en ces temps de grave crise économique, et pour panser les maux familiaux sur le moyen terme, on lui demande de repenser l’habitat, l’école, le travail.» L’Etat doit  intervenir dans la vie familiale dans le but de la réguler sur le plan socio-économique et éducatif. Il est de la responsabilité de l’État de défendre et de protéger les familles par la redistribution des revenus et en tenant compte des besoins sociaux.

Parler de la famille de Nazareth sous-entend une réflexion sur  la famille «humaine» de Jésus, natif de Nazareth. Celui-ci est le fils de Joseph et de Marie,  une  jeune fille qui vivait dans la simplicité et la spiritualité. Jésus  est connu comme un simple «charpentier», «fils de charpentier», selon Marc 6 v. 3 et Matthieu 13 v. 55. Cette famille vivait modestement, elle n’était ni pauvre, ni riche, mais  elle gagnait sa vie à la sueur de son front. Nous nous imaginons que cette famille donnait à César ce qui lui était dû, c’est-à-dire, elle s’adhérait aux exigences fiscales et sociales de son pays comme de  bons citoyens et   fonctionnait d’après les normes, us,  coutumes,  et  les pratiques religieuses de la société de l’époque.

Jésus en tant qu’«homme» était un enfant comme tous les autres. Il avait une vie sociale, éducative et spirituelle. D’ailleurs, le témoignage de la recherche au temple du «petit» Jésus par ses parents montre qu’il n’était pas un laisser pour compte. Nous avons pour preuve les paroles de Marie dans l’Évangile selon Saint Luc au chapitre 2 v. 39: «Ton père et moi, nous te cherchions» dit Marie à Jésus enfant resté au Temple.» Joseph, en tant que père responsable,  donnait  à Jésus une «carte d’identité», une famille, un pays, un métier. Jésus vivait un amour partagé avec ses parents et particulièrement l’amour de Dieu. Cette «famille nucléaire» nous  enseigne le recueillement, l’intériorité, la disposition à écouter les bonnes inspirations et les paroles de la bible. Elle doit interpeller la société haïtienne sur les besoins spirituels, les valeurs intrinsèques et morales,   la discipline sociale, culturelle et religieuse des familles,  l’éducation, la méditation, la prière en famille etc.




En clair, pour que la famille de Nazareth puisse servir de modèle aux familles haïtiennes, il faut la responsabilité partagée du «Triumvirat» : les Parents, l’Eglise et  l’Etat. Les parents ont pour rôle de transformer les familles par l’éducation et l’instruction de leurs progénitures. L’Église est suggérée d’animer bibliquement des  pastorales familiales. Elle devrait intervenir dans toutes les circonstances où elle est appelée à prendre soin des fidèles, dans un cadre  familial. C’est une occasion pour que l’Évangile de la famille soit annoncé, appliqué et apprécié. Là où sont les limites des parents et de l’Eglise sur le plan éducatif des enfants, l’Etat  doit agir  par  l’adaptation des politiques publiques en prenant  des mesures légitimes de soutien aux parents qui sont économiquement vulnérables.

 

Références bibliographiques

SEGALEN, Martine, La famille à travers les générations, Éditions Odile Jacob, 2007, 360 p.

 

Bellita BAYARD

[1] Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes.

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