14 novembre 2025
Nelson Mandela n’a pas réussi là où Jean Jacques Dessalines a échoué! par Endy Frédéric
Actualités Société

Nelson Mandela n’a pas réussi là où Jean Jacques Dessalines a échoué! par Endy Frédéric

par Me Endy Frédéric

Jeudi 12 janvier 2017 [[]]– Les premiers tempéraments à faire in limine litis apparaître dans ce texte est qu’il fallait dans un premier temps le titrer autrement : Le contraste des barrières socio-économiques et les rêves gâchés de Mandela et de Dessalines. Le second est qu’il ne fallait pas mettre dans un même panier Afrique du Sud et Haïti. Celle-ci a goûté depuis plus de deux siècles la saveur de la liberté avec une population de plus 10 millions d’habitants contrairement à Afrique du Sud qui a connu la liberté, un quart de siècle après l’apartheid, avec une population de plus de 50 millions d’habitants.




De surcroît, elle dépasse Haïti en termes de croissance et de production. Selon la Banque Mondiale, elle a un PIB par habitant (pays à revenu intermédiaire) de : 6 800 USD (2014) pour 829,6 USD par habitant (2015) en Haïti. Mais dans une perspective d’anthropologie dynamique au sens de Georges Balandier, cette mise en relation s’est forgée une place dans notre production réflexive pour nous aider à comprendre les retombées de la décadence sociale non sous-jacente de la cohabitation des quartiers riches et pauvres dans une même société. De surcroît, ils se croisent au concert des notions de liberté, égalité, pauvreté et sous-développement.

Jean Jacques Dessalines et Nelson Mandela ont les deux sacrifié leur vie contre des acquis à valeur inestimable: La liberté et l’égalité des concitoyens avec les mulâtres ou les blancs. Dessalines s’est battu corps et âme contre les blancs coloniaux pour l’abolition de l’esclavage. Nelson Mandela, devenu premier Président noir de l’Afrique du sud en 1994 après être sorti de la prison après plus d’un quart de siècle, soit 27 ans derrière les barreaux, s’est fait victime pour voir une Afrique du sud libre et égalitaire: une nation arc-en-ciel où cohabitent des ethnies multiculturelles. Les acquis de liberté et d’égalité juridiques dans l’histoire de ces deux pays ont-ils fait tomber les barrières socio-économiques et politiques du passé?

  • Ironie de la liberté et de l’égalité Juridiques

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, après l’intelligibilité dessalinienne de l’Homme qui croit que personne n’est né esclave si ce n’est dans la tête de l’oppresseur, a entériné la liberté et l’égalité des Hommes en Droit. Cependant, la légalité juridique de l’égalité et de la liberté certes a consacré la jouissance de certaines prérogatives tels que le droit de vote et le droit à la liberté d’expression, mais ne lâche pas les verrous des privilèges socio-économiques ayant une importance accrue et considérable dans le réalisme sociétal. Voter comme certains autres et de connaitre les grands auteurs de l’histoire en restant incapable de manger à sa faim et de se tirer du marasme économique récurrent ne porte pas de si grands bonheurs. 

La formation sociale haïtienne et sud-africaine dénote qu’il n’existe aucune différence au point de vue dimensionnel entre les barrières sociales et les grattes ciels de Chine et de Singapour. L’index pointé sur la cohabitation des quartiers riches et pauvres tant en Haïti qu’en Afrique du sud affiche derechef les inégalités socio-économiques que la liberté et l’égalité juridiques ne peuvent jamais éradiquer. Un tel constat se traduit par un fait doublement soutenu : Le sous-développement attaché à la genèse des sociétés et pérennisé par un petit groupe de courtiers ligués à une bourgeoisie cosmopolite.




  • Infrastructures du sous-développement

La compréhension générale de la liberté et les manifestations de la passion ou de la tentation égalitaire (A ce titre nous citons, Fritz Dorvilier et Alexis de Tocqueville) sont hypothétiques et ont remué la réalité de la dynamicité du développement par le travail de notre angle de vision. Dans la crise haïtienne du développement, Fritz Dorvilier a montré que dans le pays en dehors de Gérard Barthélemy, la passion excessive de l’égalité se manifeste dans les modes de production et reproduction des biens matériels et symboliques. Cette vision de l’égalité est brutalement manifestée par l’émiettement des terres agricoles en portions presqu’égales et par l’autonomie de survie. Ce qui est contraire au développement lié au travail et à l’investissement de capitaux. A la suite de l’abolition de l’esclavage et de l’apartheid, tout le monde est inconsciemment obsédé par les éléments concourant au sous-développement du pays. Deux groupes ethniques se livrent dans une rivalité antagonique interminable. En Haïti, l’un s’entête à faire obstacle à l’organisation verticale de la société et l’autre (des possédants mulâtres ou assimilés à ce groupe) cherche à entretenir le statu quo par le préjugé de couleur, outil de domination et d’exploitation du nègre, en voulant se substituer aux maîtres blancs comme le souligne Benoit Joachim dans Les Racines du sous-développement en Haïti. Les sud-africains noirs, de leur côté, nouvellement libres se complaisent de profiter régulièrement des anciens espaces de loisirs des blancs déjà fortunés au lieu de s’adonner et s’imprégner de la culture du travail. Le tout entrave le développement global et durable du pays.

Aucune production d’éléments d’existence et de progrès (La poursuite des buts et objectifs communs dans un sous-système socio-politique) n’est possible dans une société en crise sociale, toujours en désynchronisation avec le développement et les nouvelles technologies. Tous les pays en pleine croissance fulgurante aujourd’hui, la suisse, la chine, le Singapour et autres, tous ces nouveaux eldorados pour se tailler une place sur l’échelle de développement et passer du moins bien au mieux pour leurs citoyens, se dotent d’un tissu compact et viable au changement social au sens de Guy Rocher. Dans ces pays en analyse, la loi a tenté de trancher. Elle a contraint la naissance d’une classe moyenne en Afrique du Sud et a rejeté d’un revers de main le préjugé de couleur en Haïti (Nous citons ici, la constitution dessalinienne de 1805 en son article 14 qui reconnait tous les haïtiens sous la dénomination générique de noirs), mais la grande majorité, des noirs, croupit dans la misère la plus abjecte et lugubre où certains, le peu qu’il soit, auraient préféré le passé à aujourd’hui.




  • Superstructures du sous-développement

Le sous-développement d’Haïti, alimenté par le caractère nonchalant et apathique des détenteurs des moyens de production, n’a subi les conséquences d’aucune initiative privée durable et génératrice d’emploi de masse. La vision du développement est incarcérée derrières les fers. Les progrès démesurés de certains pays jadis pauvres laissent indifférente la capacité créative de l’élite économique haïtienne. En moins de trente ans, la Chine se positionne comme le deuxième leader économique mondial avec un taux de croissance annuel de 8%. Le Singapour en cinquante ans devient l’un des pays les plus convoités de la planète. Le Qatar, sans famille pauvre, s’octroie en peu de temps une place économique dans le monde. Le Dubaï de Tchec Mohammed, le pays le plus luxueux de la planète en moins de 20 ans, avec une démesure inconsidérée. La Suisse s’est développée en un clin d’œil par l’industrialisation et un système éducatif basé sur l’apprentissage (Professionnel dans notre pays). Tous ces pays qui ont changé le cours de l’histoire pour se frayer une place le font par l’initiative privée, par l’investissement de capitaux, par la formation d’une main d’œuvre adéquate et par la production.

Au contraire, en Haïti, la pauvreté est musclée par l’importation des biens et l’exportation des capitaux. Le contrôle d’une frange de la classe moyenne au sein de l’administration libère les barrières fiscales au niveau de la douane sur les produits importés, mais les évasions fiscales sont opaques et touffues. Les capitaux transférés dans les banques suisses, Bank of American, banque du Canada, etc… servent à financer leurs petites et moyennes entreprises qui deviennent en moins de 30 à 50 ans des multinationales volatiles. 

A constater sans loupe qu’aucun de ceux qui détiennent les 90% de la richesse nationale ne construit des édifices à grandes superstructures dans le pays, aucune industrie de production, aucun investissement dans la formation par apprentissage d’une main d’œuvre quelconque. Celle-là n’est guère importante. Elle existe ailleurs chez la bourgeoisie d’affaire cosmopolite. Tout est importé. Benoit Joachim l’appelle bourgeoisie industrielle rachitique sinon son inexistence tient au fait qu’au lieu d’investir leurs fonds dans une activité durable, de s’adonner à la facilité et aux dépenses infertiles lors des visites des pays où l’argent coule à profusion. Or, le développement d’une économie durable s’articule autour de l’investissement de capitaux, la production, la compétitivité, l’efficacité et la bonne utilisation des matières premières.

De surcroit, les mécanismes de réduction du taux chômage leur semblent être méconnus. La construction d’usine et la formation des professionnels adéquats tombent dans l’oubli. Il n’existe aucune masse critique de mains d’œuvres qualifiées en Haïti. En suisse, elle est encouragée et produite par le secteur privé. Et ces simples ouvriers dans ce système peuvent devenir de vrais patrons d’entreprises, contrairement aux théories marxistes. Dans les veines de la pensée du Responsable du département de l’Economie, du travail et de la formation professionnelle suisse, Johann Schneider-Ammann, notre système éducatif a au même titre que la métropole économique ses mains trempées dans l’échec des jeunes. Elle est en partie responsable de l’augmentation continue du taux de chômage dans le pays encore pauvre. « Plus il y a des bacheliers, plus il y a de chômeurs ».

Le système éducatif haïtien forme plutôt des salariés, des médiocres, au sens déneaultien du terme, prêts à reproduire un système déjà corrompu (Alain Déneault, la médiocratie, déc. 2015, dispo en PDF). Jamais la dynamique d’entreprise et d’entreprenariat industriels n’a été encouragée. L’avidité du profit facile, du pillage et de gaspillage est la motivation première. Par ailleurs, les portes de l’Administration publique sont ouvertes à la classe moyenne. Les salariés ou fonctionnaires s’occupent d’un simple chèque par contre les vrais contrats d’achats de voitures, du café, de l’énergie, des matériels de bureau, même du papier toilette sont monopolisés. Tout est importé. Corruptions active et passive, activités rentables en pile-face. Et le peuple gît encore et encore dans la boue, dans la misère et dans la crasse hormis la jouissance de la liberté et de l’égalité octroyées par Dessalines et Nelson Mandela. Aujourd’hui, aucune construction d’édifice social capable de réduire la dimension des inégalités sociales et économiques consolidées n’est en gestation. Si la responsabilité du sous-développement d’Haïti n’est pas à sens unique, la classe moyenne est donc coupable de corruption, de ne pas gérer au profit de tous la caisse publique. Celle-là est certes incapable de subvenir aux besoins de tous mais l’utiliser de manière efficace et efficiente aiderait à arracher le pays du gouffre 

Me Endy Frédéric, Av.

endyfdse08@yahoo.fr

Référence:

Balandier Georges, sens et Puissance, les dynamiques sociales, Puf 2004 ;

Déneault, Alain, la médiocratie, déc. 2015 ;

Dorvilier, Fritz, La crise Haïtienne du développement, Essai d’anthropologie dynamique, Ed. UEH, 2011 ;

Joachim Benoit, Les racines du sous-développement en Haïti, Prix Deschamps 79, 1979 ;

Rocher Guy, Introduction à la sociologie générale 3- le changement social, 2e éd. HMH 1969.

Tocqueville, Alexis, De la démocratie en Amérique, Classiques des Sciences sociales, 1840.

Rapports 2014 et 2015 Banque Mondiale

Déclaration Universelle des Droits des Droits de l’Homme de 1948.

La constitution dessalinienne de 1805.

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