Jovenel Moïse a franchi le Rubicon, le peuple haïtien doit lui rendre la pareille

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Après toutes les dérives dont il s’est rendu coupable, ce dernier décret de Jovenel Moïse n’a d’autre objectif que d’assurer l’impunité à ses alliés et partisans, notamment les anciens hauts fonctionnaires de l’État épinglés dans le dossier PetroCaribe, Dermalog et tant d’autres, ainsi qu’à lui-même.

Edito de Haïti-Observateur
édition du 11 au 17 novembre 2020

New York, samedi 14 novembre 2020 ((rezonodwes.com))–Alors qu’on pensait qu’à la faveur de ses derniers décrets annonçant la création de son Conseil électoral provisoire (CEP) et la nomination de son Conseil consultatif indépendant, Jovenel Moïse était au bout du galvaudage des institutions du pays, il en a sorti un autre. Son dernier en date transforme la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif (CSC/CA), organe régulateur des dépenses publiques, en institution de nullité publique. Ayant ainsi franchi le Rubicon, le peuple haïtien a pour obligation de lui rendre la pareille. C’est le prix à payer par un chef d’État qui n’a cessé de violer la Constitution et de fouler aux pieds les lois du pays.

En effet, au moment où l’on s’y attendait le moins, le locataire du Palais national a publié son énième décret, instrument par lequel il gouverne le pays depuis janvier, date à laquelle s’ est terminé le mandat du Parlement, dans lequel il relève la CSC/CA de sa mission légale et constitutionnelle. À la lumière des nombreuses décisions du chef de l’État ayant déclenché la désapprobation quasi générale des citoyens, on peut conclure que cette dernière ordonnance de Jovenel Moïse constitue un défi lancé au peuple haïtien, sans doute se donnant l’assurance, par rapport à ce qu’il prend pour « la tolérance » de ses ouailles. Le décret en question qui, d’ores et déjà, déclenche un réflexe de rejet de la part des forces vives de la nation, rend l’organisme régulateur absolument non existant.

Certes, dans son article 1er, le décret sur la CSC/CA stipule : « La Cour Supérieure des comptes et du Contentieux administratif est consultée sur toutes les questions relatives à la législation sur les finances publiques ainsi que sur tous les projets de contrats, accords et conventions à caractère financier ou commercial aux-quels l’État est partie ».

Selon la récente disposition du chef de l’État mettant la CSC/CA hors-jeu, tel qu’exprimé dans ce même article, celle-ci a seulement un rôle consultatif sur les finances publiques lui réservant des attributions à posteriori. Comme c’est expliqué encore dans le même article : « La Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif est consultée sur toutes les questions relatives à la législation sur les finances publiques ainsi que sur tous les projets de contrats, accords et conventions à caractère financier ou commercial aux-quels l’État est partie ».

De cette manière, la CSC/CA n’est plus l’organe original créé par la législation haïtienne depuis des décennies, s’il faut seulement mesurer la durée de sa vie par rapport à sa remise en fonction, dans les années 30, après sa création, il y avait déjà plus de sept décennies. Aussi l’article 1 du décret précise-t-il le rôle attribué à la CSC/CA en ces termes : « En toute matière, l’avis de la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif est consultatif : s’il est obligatoirement requis, il ne lie ni la Commission nationale des marchés publics, ni les autorités du pouvoir exécutif, ni les ordonnateurs, et ne saurait para-lyser ou empêcher la conclusion des contrats, accords et conventions mentionnés au premier alinéa ».

Plus loin, l’article 1 du décret se fait plus contraignant à l’égard de la CSC/CA : « La Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif, dit-il, donne un avis consultatif dans un délai maximum de cinq (5) jours ouvrables à partir de la date de réception desdits questions et projets, autres que ceux intéressant la défense ou la sécurité nationale ».

De toute manière, ce communiqué n’ est qu’une simple formalité, puis -que les autres restrictions imposées à la CSC/CA étaient déjà mises en application illégalement par Jovenel Moïse. Par exemple, dans le cadre du contrat sur la création des cartes d’identité conclu avec la compagne allemande Dermalog, le Palais national avait passé outre à la recommandation de l’organisme régulateur. Car celle-ci n’avait pas donné son aval à la mise à exécution du projet. En tout cas, en ce qui a trait aux contrats et accords relatifs à la défense et à la sécurité, le der-nier décret se prononce ainsi : « Pour les projets de contrats, accords et conventions intéressant la défense ou la sécurité nationale, la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif donne un avis consultatif dans un délai maximum de trois (3) jours ouvrables à partir de la date de réception desdits projets ».

décret pour assurer l’impunité à ses alliés

Le document fait état aussi du caractère contraignant des restrictions faites à la CSC/CA, puisque la décision des entités étatiques, qui devraient, légalement, être concernées par un quelconque avis de cette dernière, ne saurait tenir compte de son opinion. D’où les décisions suivantes relevées dans le décret « Une fois les délais prévus aux troisième et quatrième alinéas expirés, la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif est réputée avoir rendu son avis consultatif et le processus se finalise.

« Pour tous les marchés publics, l’avis émis par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif est adressé à la Commission Nationale des Marchés Publics pour appréciation mais ne saurait remettre en question l’approbation de cette dernière préalablement donnée sur un contrat ».

Après toutes les dérives dont il s’est rendu coupable, ce dernier décret de Jovenel Moïse n’a d’autre objectif que d’assurer l’impunité à ses alliés et partisans, notamment les anciens hauts fonctionnaires de l’État épinglés dans le dossier PetroCaribe, Dermalog et tant d’autres, ainsi qu’à lui-même.

le peuple haitien impatient

En effet, ce décret s’inscrit dans la même logique que les précédents pris par l’occupant du Palais, national, préoccupé par le fait que la fin de son mandat constitutionnel, fixé au 7 février 2021, avance à grands pas. Voilà pourquoi que, nonobstant les protestations, qui menacent de se relancer et les nombreuses prises de position condamnant unanimement les décisions du pouvoir et sa politique générale, Jovenel Moïse fonce droit dans le mur de l’autodestruction. Mais à force de faire bouillonner de colère le peuple par ses politiques attentatoires aux lois et à la Constitution, il risque de se retrouver face à une population animée de l’esprit de vengeance dont les conséquences ont été, dans le passé, si désastreuses pour le pays, en termes de pertes de vies et de biens.

En clair, après tous les torts causés au pays, durant son quinquennat, Jovenel Moïse a fait tant et si bien que ses nombreuses victimes ont franchi le seuil de tolérance et décident d’attirer sur lui le châtiment que méritent ses crimes. Il est vrai que le chef de l’État a franchi le Rubicon. En revanche le peuple haïtien, lui aussi, se trouve au bout de sa patience.

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