13 novembre 2025
« Le Grand Bluff »! par Me Serge H. Moise
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« Le Grand Bluff »! par Me Serge H. Moise

Vendredi 11 novembre 2016 (rezonodwes).- Déjà en 1843, Victor Schœlcher faisait le constat de la triste réalité haïtienne : « Au milieu du désordre administratif de ce pays où toutes les formes empruntées à la civilisation sont des simulacres… » Gustave d’Alaux, de son côté affirmait, sans ménagement aucun, que si les Haïtiens élaboraient des constitutions absurdes, ils excellaient dans l’art de les violer.




La semaine dernière, Teddy Thomas nous rappelait les propos de ce philosophe du nom de Parménide, précurseur de Socrate, qui disait : « Plus les choses changent, plus elles restent les mêmes ». Durant l’occupation américaine, de 1915 à 1934, le colonel John Russel confiait à ses amis que l’Haïtien, quelle que soit sa formation intellectuelle a la mentalité d’un gamin de sept ans. L’histoire tumultueuse de la première république nègre semble s’être donné pour mission de confirmer ce qui précède avec une arrogance, pour le moins déconcertante.

Á la fin de l’année deux mille trois (2003), Le Nouvelliste reproduisait un article rédigé par Dr Rosalvo Bobo vers la même période de l’année mil neuf cent trois (1903). Ce dernier était d’une telle acuité qu’on aurait dit qu’il venait d’être écrit. Les mêmes propos, mot pour mot, auraient pu être tenus par un observateur contemporain. Qui plus est, si d’autres pays du tiers-monde ou du quart-monde affichent depuis un certain temps, une stagnation qui explique qu’ils soient largement dépassés par les autres, en vertu du principe : « qui n’avance recule » Haïti pour paraphraser le professeur Leslie Manigat, recule à une vitesse vertigineuse.




Certains y voient une espèce de fatalisme, comme quoi, selon la loi du karma, pour avoir assassiné le père fondateur de la patrie, la famille haïtienne en paierait le prix ad vitam aeternam. D’autres demeurent convaincus qu’après deux cent cinq ans d’indépendance, la minuscule république traîne encore le poids de la soi-disant dette de l’indépendance sous différentes formes et qu’elle serait victime d’un complot international, avec la complicité, cela va de soi, des Konzé, des L M Joseph, des Laquinte et autres apatrides, recrutés dans toutes les strates sociales.

La version officielle de la geste héroïque de mil huit cent quatre (1804) ne semble pas pouvoir résister à l’exégèse des historiens scientifiques, soucieux de l’authenticité des faits événementiels. Au fil du temps, il s’est avéré évident que la seule préoccupation de nos vaillants ancêtres était le départ des colons esclavagistes afin de recouvrer leur liberté, mais qu’il n’existait pas un véritable projet de société qui tenait compte de leurs spécificités propres. Vivre libre ou mourir, excellent leitmotiv, mais nettement insuffisant pour construire une nation forte et prospère. Encore, faut-il souligner à l’eau forte, que depuis cette glorieuse victoire, haut fait d’armes, s’il en est, légitime fierté de tous les Nègres de la planète, la face du monde a changé.




Certains y voient le point de départ de ce mouvement d’émancipation de la race qui a conduit Barack Obama à la première magistrature de la plus puissante nation du monde. Au lendemain de notre indépendance, nos génies militaires qui n’étaient pas des plus férus en sciences humaines telles la sociologie, la psycholinguistique, décidèrent de s’approprier la langue française, la plus belle langue parlée et écrite, selon plus d’un au pays, ignorant qu’une langue charrie forcément les valeurs culturelles du peuple qui l’a inventée.

Aussi, les Haïtiens, dès leur jeune âge, récitaient par cœur et à tue-tête, les textes qui leur faisaient dire, entre autres : Nos ancêtres les Gaulois ou de parler des marrons dans le pot au feu, sans avoir la moindre idée de ce que cela pouvait être. Il s’ensuivit donc une dichotomie, créant par la force des choses, deux « haïtianités » distinctes, celle des scolarisés à la française et celle des laissés pour compte, des analphabètes pas bêtes, des sans aveux, des gros orteils des sans voix ni avenir, générations après générations.

Le jeune Haïtien apprend de façon insidieuse et inconsciente à mépriser le créole, sa langue maternelle, toutes ses racines et valeurs africaines pour s’enorgueillir bêtement le cas échéant, de ses origines européennes, expression à nulle autre pareille de la fascination du maître. Vers la fin de la deuxième guerre mondiale, une jeune mère haïtienne, adulant son rejeton, tout ce qu’il ya de plus nègre, répétait à qui voulait l’entendre, que son fiston, à sa naissance, était tellement beau qu’il ressemblait à un Allemand. Imaginez la stupéfaction du jeune homme de découvrir vers treize ou quatorze ans qu’il n’avait rien en commun avec un Aryen. Il dut supplier sa petite maman pour qu’elle mette un terme à cette stupide référence.

Nos rythmes trépidants : yanvalou, ibo, pétro, rara, intimement liés au vodou, précieux héritage de la terre de nos aïeux, d’une telle vitalité et d’une incommensurable richesse qui ont survécu envers et contre tous, étaient juste bons pour les goujats dans la nouvelle France, l’ancienne Hispaniola. L’œuvre picturale n’était que la peinture primitive et notre succulent créole, un vulgaire patois nègre, indigne de la haute société aux raffinements les plus huppés, cultivant avec un soin particulier les mièvreries de toutes sortes et devenant ainsi la risée des anciens colons. Affreuse déception pour des millions de sœurs et frères pour lesquels Haïti pouvait représenter une espèce de phare pour l’émancipation de la race.

Jean-Jacques Dessalines s’est fait proclamer gouverneur-général à vie, puis sacrer empereur. Faustin Soulouque n’y échappera point et pourquoi pas Henry Christophe dans le nord du pays avec sa cohorte de ducs et duchesses, de comte et comtesses; des dynasties qui dureront l’espace d’un cillement. Alexandre Pétion sera président à vie; Jean-Pierre Boyer, son alter ego et successeur à plus d’un titre, dotera le pays de codes de lois importés textuellement de la France après, avoir accepté de payer la soi-disant dette de l’indépendance. Duvalier, lui aussi, selon le vœu de la chambre des députés, voués entièrement à sa personne, deviendra président à vie, avec le pouvoir de choisir son successeur, ce qu’il fit d’ailleurs en la personne de son fils. Papa Doc, singeant la France, créa la Cour des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA), laquelle en cinquante ans d’existence n’a rendu que trois (03) arrêts de débet et encore…

Après la fuite du dernier président à vie, la constitution de 1987 élaborée dans les conditions que l’on sait, nonobstant ses multiples faiblesses, suscitait tous les espoirs pour un nouveau départ. Hélas, elle fut violée, comme les vingt deux (22) autres qui l’ont précédée et pour cause. Un juriste fort en gueule, professeur, frappé de verbomanie n’hésita pas à accoucher, sur les ondes d’une station de radio que – la constitution a été appliquée en partie.

Le ridicule ne tue pas ! Ces considérations et beaucoup d’autres qui auraient pu s’y ajouter interpellent n’importe quel observateur objectif à se demander si depuis l’accession à l’indépendance, les Haïtiens ne se sont pas confinés à faire semblant, se constituant ainsi leurs propres ennemis, les premiers artisans de leurs malheurs, en dehors des catastrophes naturelles dont plus s’évertuent à en tirer profit, au détriment des véritables victimes. Il n’est pas question de prétendre que l’histoire d’Haïti n’est qu’une suite d’accidents plus ou moins fâcheux, comme semblait me le reprocher mon illustre cousin, il n’y a pas si longtemps.

En effet il y a eu des efforts plus que louables, d’énormes sacrifices ont été consentis par de nombreux compatriotes, mais force est de constater qu’en dépit de tout, le pays est en faillite et continuer de faire semblant que nous n’en sommes pas les premiers responsables, c’est simplement afficher le comportement de l’autruche. Le chômage affecte soixante dix pour cent (70%) de la population, la création d’emplois devrait être la priorité des priorités, mais personne n’en parle. Le (FHS) Fonds Haïtien de Solidarité, solution simple et combien pratique pour faire face à cette situation infra-humaine demeure l’objet du plus triste complot, celui du silence.

Les jeunes cerveaux formés au pays se retrouvent pour la plupart dans les pays industrialisés et ne sont d’aucun apport pour la terre natale. La Justice, les droits humains sont méprisés, foulés aux pieds, les tribunaux ressemblent plus à des boites de Pandore qu’à des temples de Thémis. La compétence et l’intégrité semblent être des virus à extirper coûte que coûte du corps social. La culture est devenue une denrée de pacotille et personne ne s’en émeut.

Á défaut d’une élite nationale, les éléments d’élite sont dispersés à travers la planète. Et comme le tribunal de l’histoire ne dispose de force coercitive, si rien n’est entrepris de manière efficace et efficiente, dans les plus brefs délais, pour qu’Haïti renaisse de ses cendres, il constatera avec désolation que cette « magnificente » épopée de la Perle des Antilles n’aura été après tout, qu’un long et lamentable bluff.

Me Serge H. Moïse av. Barreau de P-au-P.

3 Comments

  • Mario Caonabo 12 novembre 2016

    M panse ke li vreman nesesè pou nou ta dokimante atravè listwa peyi d Ayiti tout mal ki fèt a Pèp Ayisyen an de jenerasyon a jenerasyon. Pa ekzanp, Se sèten nou te rive akonple yon kokenn ak istorik mondyal ak inivèsèl lè nou kwape lesklavaj ak kolonyalism zam a la men. Nou vin lib ak endepandan. Desalin te gen yon vizyon de pwodiksyon nasyonal pou konsomasyon entèn, kote tout moun sway o te rantre nan lame oubyen yo te sou chan plantasyon pou avanse pwodiksyon nasyonal la. Sepandan, te gen tout yon seri aloufa kit e gwo jeneral nan lame endijèn la tankou Petyon, Kristòf ki yo menm te plis wè anrichisman pèsonèl sitou nan komès ak ansyen peyi kolon yo. Yo tap poze la pat sou de gwo plantasyon, pami meyè yo pou tèt pa yo. Oryantasyon pa yo se te pwodiksyon pou leksteryè. Te gen gwo divejans ak Desalin sitou lè te di “e ti Nèg d Afrik yo, kisa nap kite pou yo?” Sa te sifi pou yo te fè konplo pou asasinen l e kanta sa, yo te reyalize l, 17 Oktòb 1806, dapre listwa, nan Pon Wouj.

    Kidonk, nou gen pou nou chache konnen orijin eksklizyon sosyal kote nouvo klas dominan yo ekskli mas popilè yo de lavi peyi a tou bònman. Eksklizyon sosyal la se premye gwo flewo ki frape peyi a. Nou ka lokalize debi destriksyon peyi a depi la, si nou vle, ou menm anvan. Èske te gen de siy avankourè? Men la ankò, apre lesklavaj, nou vin devan yon lòt kalite estratifikasyon sosyete a an klas sosyal antagonik ki pèmèt nou ka pale de kontinyasyon lit de klas la nan nouvo nasyon an, Ayiti.

    Apa de sa, sou administrasyon Janpyè Bwaye, eksklizyon sosyal la te kontinye pi rèd; men vin gen yon lòt dimansyon ki ajoute. Se dèt lendepandans la ke Lafrans vin enpoze sou nouvèl nasyon an. Gouvènman Bwaye a asepte peye dèt lendepandans la men se Pèp Ayisyen an gouvènman pral kofre, peze-souse jouk nan zo nan peye taks tout kalite pou peye dèt sila a. Sa se 2èm flewo ki frape peyi a ak Pèp Ayisyen kote se Pèp la yo fòse peye po kase a. E tout gouvènman ki vini apre Bwaye yo vin fè li yon abitid ak tradisyon pou kontinye kofre ak peze-souse Pèp la swa pou peye dèt lendepandans la ak tout lòt fòm anrichisman pèsonèl. E sa rete yon koutim ak tradisyon pou klas dominan yo ak tout gouvèman ki pase yo jouk jounen Jodi a.

    Okipasyon Amerikèn la 28 Jiyè 1915 la ki dire jiska 1934 vin domestike klas dominan yo ansanm ak de dirijan nan leta Ayisyen an. Domestikasyon klas dominan yo ak dirijan politik Ayisyen yo se 3èm gwo flewo ki frape Ayiti byen fò. Domestikasyon sa a vin bay yon bann ak pakèt dirijan sousou, souflantyou, popetwèl ki toujou panse pou yo vin opouvwa se a lafavè enperyalis Meriken an. Sousou sila yo jwe yon gwo wòl nan pasifye Pèp Ayisyen an sou plizyè fòm ki enkli represyon sovaj.

    Kidonk, depi apre Asasina kont Desalin la an 1806, leta-nasyon an, nan esans li menm, (klas dominan yo, politisyen yo, entèlektyèl yo, sa nou ta ka rele Blòk opouvwa a) monte kont Pèp Ayisyen an. Pi devan, Divalye ak ekip sanginè parèy li yo pral itilize leta a pou anrichisman pèsonèl pa yo tou, toujou kont Pèp Ayisyen an.

    Alò, nou ka di gen yon tradisyon ak listwa opresyon, eksplwatasyon, kraze-zo, matrakaj, eksklizyon absoli kont Pèp Ayisyen an, apre trèt sanwont yo te sansinen Desalin depi 1806. Se repwodiksyon flewo sila yo depi 200 tan mete ansanm ak katastwòf natirèl yo peyi a anrejistre yo ki kontinye ap detwi peyi a jounen Jodi a.
    Nou gen pou chanje tout sa radikalman. Sa dwe koumanse nan koupe fache ak fòs fè nwa kap trennen tradisyon ak listwa opresyon, eksplwatasyon, kraze-zo, matrakaj ak eksklizyon absoli kont Pèp Ayisyen an. Fòk koupe fache a total. Sa mande yon revolisyon kiltirèl, ideyolojik nan Pratik sosyal nou ak nan konpòtman toulejou nou nan sosyete a. Nou dwe òganize an komite lit politik pou nou reflechi sou estrateji ak taktik nan tout katye, kominote, rejyon, plantasyon, faktori, toupatou nan peyi a. Sa mande nou apwopriye yon nouvo doktrin politiko-ekonomik pou peyi a ki pa sistèm kapitalism-enperyalism peyi etranje kolon enperyalis yo ap enpoze sou nou depi dikdantan. Se sa ki tach tout Ayisyen konsyan ak konsekan nan moman an. Fòk nou sezi moman an e fè diferans la.

    • Alceste Benjamin 12 novembre 2016

      Komante’ sa a Mwen Denye l pou Kamarad
      mwen WEBERT ADRIEN ki te tonbe sou BAL CHIME’ (Operation Bagdad 2004-2006) nan dat 18 Novanm 2004.

      Mwen pa toujou we’ sa byen le’ yon KOMANTATE’ fe’ Referans a Duvalier, epwi boum mwen pa we’ lot non Mafekte’ yo site nan Analiz la. Se pa posib. Li prouve mil fwa, sekte’ yo rele demokratik la ak chef yo lavalasyen marassa Aristide-Preval fe’ peyi a pase anpil TRAY. Si yo te sou peryod Duvalier, yo tap toujou fe’ ALOUFA-GRAN MANJE’, men yo ta fe’ yon IMALAYA KADAV. Tankou Istoryen Anthony Georges Pierre di, si DUVALIER-PAPA DOC, te gen Mwayen Ekonomik tout Malpouwont sa yo, a la fe’ li ta fe’. Mwen pat ka dil anyen. Sekte’ yo rele demokratik la ak marassa Aristide-Preval Redwi peyi a vre. Okipasyon CharlemagnePeraltement, GWO VOL, tout Vale’ yo ale, zak Sasinay, e Kom DEGI, ECHEK yo bay MARTELLY an granjan. Leta a pran Denye KOUB AVADRA a.

      Mwen we’ tout lot Konsiderasyon ou fe’ nan Konklisyon Analiz la. Men gen yon Remak Avoka Serge H. MOISE fe’ nan atik la ki Fondamantal se kesyon CORPS SOCIAL la. Se pa posib, pandan 30 lane, tant KRIZ la apwofondi-kale se Ato’ se menm VLEN yo li rekale ak lot RESKIYE’ ki monte Abo’ pou sove tet yo. Nome Preval fe’ ekol, « Naje Pou Soti. » Jodi a anko’ se menm Vomisman Chen yo k ap goumen pou pouvwa. Menmjan se menm moun Echek CIRH 2010 kap jere Matthew. ALAREMO’.

      Fek kare gen Rel Kay tipye’, tijozep, tijak…ak timakorel yo. Yon Sosyete BLOKE paske Vlen yo sanble piplis. Se yon Konsta mwen te fe’ nan lane 2003 ak Lanmo’ nan nanm mwen. Koman rive Defet Vlen sa yo pou Avenman yon Nouvel Sosyete Ayisyen, mwen pa divino’.

      Obsevatwa Zafe’ Ayisyen

      Alceste Benjamin, ansyen etidyan Inivesite Syans Sosyal Moscou (Inyon Sovyetik)

  • Albert Massillon 12 novembre 2016

    Excellent article. Bien écrit et fait sortir l’âme de notre histoire. Je le partagerai seulement avec mes amis qui prendront le temps pour le lire, le savourer et en mesure de l’apprécier.

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