La Municipalité des Cayes serait-elle un État dans l’État ?

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« Le Billet de la Rédaction » par Claudy Briend Auguste

Lundi 10 octobre 2016 (rezonodwes).- Moins de 48 heures après le passage dévastateur de l’ouragan Matthew qui a privé le Grand Sud de tout contact téléphonique avec le reste du pays, la municipalité des Cayes était déjà entrée en action, malgré toutes ses rues inondées à presque hauteur d’homme. Comme si tout d’un coup l’autonomie des institutions, une loi sur la décentralisation des pouvoirs existeraient, Gabriel Fortuné décrète l’état de « calamité de la commune des Cayes ».




A l’article 1 de cet arrêté, la ville des Cayes est en « état de calamité » pour trois (3) mois, soit précisément le 10 janvier 2017 prochain. Donc 3 mois suffiraient, avec une baguette magique, selon l’ancien-sénateur Fortuné, pour faire sortir la Cité d’Antoine Simon de sa léthargie. Quoi de plus responsable, une telle action posée ferait penser d’un dirigeant. Un rude travailleur conséquent.

Mais là où le bas blesse, dans cet arrêté municipal daté du 5 octobre 2016, qui n’est rendu public que le lundi 10 octobre 2016, avec presqu’une dizaine de « considérants” » et de 4 articles dont le 3ème avec 7 alinéas, nous nous sommes posés deux (2) questions pertinentes.




1.- Pourquoi M. Fortuné dont la municipalité est incorporée à l’Association Nationale des Maires Haïtiens, est jusqu’à présent le seul à prendre cette décision ? Pourquoi cet empressement, nous-demandons nous ? Tandis que d’autres agglomérations urbaines et avoisinantes, ayant été sous le poids des rafales de Matthew, et ayant subi autant de dommages incalculables que la ville des Cayes dont une bonne partie avait été incendiée en décembre 2010, par des individus se réclamant des partisans de Tèt Kalé/PHTK, n’ont pas emboîté le pas.
2.- La deuxième interrogation ne viendrait cependant pas à être posée si l’arrêté en son article 2, était spécifique, clair et net, avec des garde-fous, pour empêcher le déséquilibre de l’échelle entre les candidats, conformément à la loi électorale. Nous lisons : »Le Conseil municipal des Cayes requiert, à toutes fins utiles, les services de l’État central et départemental, (..) la diaspora et les « citoyens » à manifester leur solidarité envers la population extrêmement affectée ». Le mot, “les citoyens » retient l’attention car ils peuvent être également des candidats à la présidence « intéressés » et c’est de là découle notre seconde interrogation. Qui est et sera ce candidat ? Si le gouvernement central est réticent dans la déclaration d’un État d’urgence, de son côté, Gabriel Fortuné, le Maire principal de la commune des Cayes a pris les mesures qui s’imposent.




Probablement les justes et adéquates, pour le bien-être de sa commune qu’il voudrait être forte et prospère. Mais par contre, sans l’existence d’une loi organique régissant la décentralisation, ainsi, a-t-fait de la municipalité des Cayes un État dans l’État. La Mairie des Cayes ne peut et ne pourra en aucun cas réclamer du Bureau des Impôts régional les recettes du mois.

Quel serait donc le but inavoué et inavouable de cet arrêté municipal ? Et si la nomination vite par le pouvoir central, lundi après-midi, d’un Coordonnateur spécial servant de courroie entre les ONGs, les institutions caritatives et l’État et tout autre organisme intervenant dans le Grand Sud, serait-elle de nature à décourager cette entreprise?

Si l’on approfondissait un peu cette réflexion, interrogeons-nous sur le mode de fonctionnement de la commune qui se « nourrit » de petits impôts, ne dotant d’aucun budget réel pour réaliser des petits travaux d’infrastructure de la zone. Aucune activité à main-d’œuvre intensive n’est possible sans le décaissement des fonds par l’État central. Et le pire, les cartels municipaux, à leurs prestations de serment, ont déclaré avoir trouvé des caisses vides, une conséquence résultat de la présence illégale et inconstitutionnelle d’un groupe d’hommes appelés agent exécutif intérimaire, au bureau de la Commune.

Qu’est-ce qu’en réalité pourrait bien permettre au Maire Gabriel Fortuné de voler de ses propres ailes quand il dirige une commune sans de trop grandes ressources. Une mairie endettée. Pas d’aéroport international, la Centrale sucrière Dessalines est démantelée depuis belle lurette et aurait servi de camp d’entraînement. Le taux de chômage, à l’instar des autres grandes villes, y est très élevé. En d’autre termes, toutes les Municipalités du pays ont presqu’à 100% leur budget de fonctionnement dépendant du pouvoir central, via le Ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales.

L’initiative est louable dans la mesure où elle ne permet pas à un groupe donné d’individus ou d’un groupe de personnes travaillant sous la couverture d’œuvre de bienfaisance quelconque, de venir prendre avantage de la misère du peuple en médiatisant les distributions et interventions dans un domaine quelconque. Et quoique les élections se trouvent en « mode de continuité », tous les moyens sont bons pour apparaître au devant de la scène comme « papa bon kè » “padoudou” et en Haïti, la course au Palais national est viciée à la base car cette compétition de haut niveau exige un investissement remboursable une fois les règnes et les emprises du pouvoir légués et consacrés.

Tout compte fait, accordons le bénéfice du doute à la fortunée formule trouvée tout soubresaut pour voir si elle est contagieuse car une rencontre des associations des maires, est pour très bientôt, cette semaine même. Sinon la perfidie serait extrêmement difficile à mesurer surtout quand elle est infinie et ficelée et institutionnalisée.

cba

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