Les « zombis » dans les listes électorales publiées pour le scrutin du 9 octobre…!

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Des noms des défunts de regrettée mémoire Garry Lissade, Henri Bazin, Sony Estéus, Ati Alcenat, Lencie Mirville… sur les dernières listes électorales du CEP de Berlanger

par Hans-Berry JACQUES, en étroite collaboration avec Claudy Briend Auguste pour Rezonodwes et Nouvelpam

Les prochaines élections que l’on voudrait être « déterminantes » pour la survie de nos institutions démocratiques, au deuxième lundi de janvier 2017, ne devraient être en aucun cas, entachées d’irrégularités pour éviter toutes formes de contestations regrettables.




Port-au-Prince, mardi 27 septembre 2016 (rezonodwes).- La hantise des « zombis » (nos chers disparus) ayant rempli au-delà de leur tombeau, « leurs devoirs civiques », selon la CIEVE, lors des présidentielles d’octobre 2015 dernier, nous poursuit encore jusqu’au point de pousser notre curiosité sur la pagination volumineuse des nouvelles listes électorales.

Le travail méthodique réalisé par un de nos collaborateurs sur le terrain, a permis de constater avec quelle légèreté le CEP de Berlanger, qui n’a cependant pas droit à l’erreur, a travaillé sur le dossier des « votes-zombis », le nœud gordien qu’a tenté de trancher la Commission-Benoit.




Des décisions politiques sont venues prendre le dessus sur ce rapport techniquement élaboré qui devait se servir comme instrument de guide des activités électorales d’octobre 2016. Mais, c’est Haïti où les coupables sont récompensés dépendant des individus avec lesquels ils s’asseyent sur le même tronc d’arbre. Si’w soti pou koupé branch bwa pa’m nan, pa’w la ap kasé tou.

Un homme averti en vaut deux. « Incroyable mais vrai », a constaté, très stupéfait, Hans-Berry JACQUES qui a sillonné plusieurs bureaux de vote où les listes sont affichées. Il rapporte à la rédaction de Rezonodwes que les noms de plusieurs personnes décédées se retrouvent encore, pour les élections du dimanche 9 octobre 2016, sur les toutes nouvelles Listes Electorales Communales (LEC) mises en ligne sur le site internet de l’organisme électoral.

Ces informations sont à jour depuis deux semaines et peuvent être à tout instant vérifiées par tous ceux qui prennent à cœur ces élections qui doivent en venir avec « cette transition qui ne finit pas ».

Le plus étonnant pour notre collaborateur qui a passé plusieurs listes au peigne fin, ce sont les noms des personnalités connues et disparues qui s’y figurent. Hans-Berry cite en exemple de regrettées mémoires Willems Edouard, ancien directeur des Presses Nationales; l’ancien Ati national, Zamor Alcénat et l’ancien ministre des Finances, Henri Bazin.

Tous ces illustres personnages sont disparues entre 2015 et 2016. Est-ce le retour des « zombis » s’interroge-t-il, fort de leur présence dans le registre électoral dit « mis à jour » ? Néanmoins, ils sont légion les voix qui s’élèvent de toute part pour saluer le regain de vie insufflée à la machine électorale par les actuels conseillers électoraux.




La dernière décision qui leur a valu des éloges, a été la publication dans le délai légal imparti des « Listes Electorales Communales » sur le site du Conseil et l’affichage dans les locaux des BED et BEC.Fouineur et incrédule, décrit Hans-Berry, nous nous sommes penchés sur ces listes pour vérifier si elles ont été effectivement mises à jour comme se targuent le CEP et la Présidence de nous donner des élections sans faute. Les recherches faites de façon méthodique, se limitaient à la recherche des noms de personnes connues, mais disparues pendant les années antérieures 2015 et 2016.

En ne ciblant que celles dont les noms de famille ou les prénoms sont peu communs, il a évité des cas d’homonymie. En effet, après seulement une heure à se complaire dans cette exercice, il a pu compter et relever les noms de pas moins de sept (7) personnalités décédées et très connues. Leur nom reste figuré dans le registre des potentiels votants pour les prochaines joutes du 9 octobre.

En filigrane, retrouver ci-dessus noms et prénoms des disparus ainsi que les centres et les bureaux de vote où ils sont « habilités à voter » dimanche prochain. Rien d’ironie. C’est à eux de questionner leur sens de professionnalisme pour cet acte avoué et inavouable dont eux seuls ont le secret :

          Des regrettés disparus appelés à voter…!

  • Louis Gary LISSADE : Ancien ministre de la justice et ancien bâtonnier de l’ordre des avocats, décédé le 9 mai 2016. Malgré cela, il est censé voter au prochain scrutin dans la commune de Pétion-Ville, centre de vote : Collège Méthodiste de Frères, bureau de vote no. 24 (Cf. page 5398). Willems EDOUARD : Ancien directeur des Presses Nationales et ancien professeur d’université, lâchement assassiné le 8 juillet 2016, à Pétion-Ville. Sur la liste électorale de la commune de Pétion-Ville, il est supposé voter au Collège Dominique Savio/Père Salésiens, Bureau de vote no. 10 (Cf. page 4242).
  • Henri BAZIN : Ancien ministre des Finances et économiste de renom, disparu le 4 août 2015, des suites d’un cancer du côlon. Ce qui n’empêche au CEP de le laisser sur la liste des potentiels votants pour la Commune de Port-au-Prince, centre de vote : Lycée Marie Jeanne, bureau de vote no. 2, (Cf. page 4727).
  • Ludovic BOOZ : Artiste-peintre et sculpteur, auteur entre autres de la statue de l’indien et de la statue de la paix et parti pour l’au-delà le 2 février 2015. Mais, pour le CEP, il devrait s’amener pour voter dans la commune de Port-au-Prince, au Lycée de Carrefour-Feuilles, bureau de vote no. 7, (Cf. page 538).
  • Zamor ALCENAT : Prêtre-vaudou, ancien « Ati national » qui a succédé à l’Ati Max Beauvoir et mort le 30 décembre 2015. Il est pourtant sur la liste électorale de la commune de Gros-Morne et devrait voter à l’école Notre Dame du Sacré-Cœur, bureau de vote no. 1 (Cf. page 1243).
  • Louis J. NOISIN: Médecin, éducateur, ancien sénateur, ancien-président du Sénat en 1998 et disparu le 5 août 2015. Malgré cela, le CEP l’habilite à voter dans la commune du Cap-Haitien, à l’Ecole des Frères de l’Instruction Chrétienne, bureau de vote no. 7 (Cf. page 4334).
  • Sony ESTEUS : Journaliste, ancien directeur-exécutif de la « Sosyete Animasyon ak Kominikasyon Sosyal » (SAKS), mort dans la nuit du dimanche 1er au lundi 2 mars 2016, en sa résidence à Delmas à l’âge de 50 ans. Par contre, le CEP l’a invité à voter dans la commune de Delmas, à l’Institut Classique des Frères-Unis de Delmas, bureau de vote no. 7 (Cf. page 2683).
  • Lencie Mirville, la jeune fille de 23 ans qui a été kidnappée, ensuite retrouvée sans vie le 7 décembre 2015 et dont la mort avait provoqué un émoi national, est elle aussi convoquée dans ses comices par le CEP puisqu’étant sur la liste électorale de la commune de Carrefour, centre de vote : Collège Cotubanama, bureau de vote no. 23 (Cf. page 6552).

Sommes-nous maintenant en droit de nous poser cette question. Si tel est le cas pour des disparus aussi connus, qu’en est-il du « mort lambda » ?

Certains pourraient se demander : ne serait-ce pas parce que ces disparus portent le même nom que d’autres citoyens encore en vie ? Quels faits coïncidents ! Ce qui nous parait très peu probable, s’empresse de répondre notre collaborateur, vu la complexité des noms et/ou prénoms des concernés mais aussi et surtout du fait qu’ils ont été assignés exactement à des centres de vote se trouvant précisément dans leur ancien lieu de résidence de leur vivant. Une preuve irréfutable, insiste-il.

Le directeur du registre électoral : « ni titre, ni qualité »

Interrogé par Hans-Berry JACQUES pour Rezonodwes et Nouvelpam, le directeur du registre électoral au CEP a commencé par se féliciter d’avoir mis à jour la liste électorale pendant la réouverture du registre électoral en 2016, jusqu’au 12 juillet : environ 317.000 citoyens y ont été ajoutés, avait-il déclaré.

Par contre, concernant l’épuration des listes, Philippe Augustin a admis, sans aucune hésitation, que « la liste d’environ 6 millions 190 mille électeurs n’est pas totalement épurée » et a-t-il poursuivi que ce nombre « ne correspond pas à une certaine réalité ». Comme pour se défendre, il dit n’avoir « ni titre, ni qualité » pour intervenir à ce niveau, il a implicitement attribué cette responsabilité à l’ONI qui, dit-il, devrait régulièrement enlever de la liste des noms des citoyens décédés comme l’exige le décret portant création de cette institution. Il a aussi pointé du doigt le Ministère de la Justice qui est l’instance de tutelle de l’ONI ainsi que les Bureaux d’Etat Civil.

Monsieur Augustin a regretté le fait que, jusqu’à présent, les officiers d’Etat Civil ne se préoccupent pas d’insérer dans les actes de décès les numéros de CIN des disparus. Ce qui fait que, quand les Archives nationales communiquent à l’ONI les noms de ces personnes décédées, cette dernière n’est pas en mesure de les enlever de la liste de citoyenneté, puisque n’ayant pas leur CIN.

Pour conclure, quoique admettant que cette liste non épurée va influencer négativement sur le calcul du taux de participation, Philippe Augustin se voulant « rassurant » a annoncé que le CEP a pris des mesures nécessaires pour empêcher que des électeurs puissent voter plusieurs fois ou voter ave le CIN de quelqu’un d’autre qui n’est pas présent. Enfin, pour solutionner définitivement le problème de l’épuration de la liste électorale, le directeur du registre électoral recommande le rapatriement par le CEP du processus d’identification des électeurs. Une opération qui, reconnaît-il, devra coûter pas moins de 50 millions de gourdes de plus à l’Etat haïtien.

A rappeler que dans son rapport final d’enquête et d’analyse, en mai 2016 dernier, la Commission Indépendante d’Evaluation et de Vérification Electorale (CIEVE) avait déjà dressé un sombre tableau, ce qui a valu l’annulation pure et simple de la présidentielle de 2015 où le CEP-Opont/Martelly plaçait Jovenel Moise, le candidat de Tèt Kalé/PHTK, en tête de classement. Toutefois, un sondage à la sortie des urnes effectué par une institution indépendante brésilienne, avait clairement prouvé tout le contraire.

Que faire pour éviter que la comptabilisation des votes-zombis ne parvienne à s’incruster et influencer les résultats dans les élections, la CIEVE en a fait les remarques suivantes : « Aucune articulation effective n’existe entre les municipalités, l’État Civil, l’administration des cimetières et l’ONI ; de sorte que les personnes décédées figurent encore, des années après leur mort, sur les LEP de leur dernière commune de résidence. Autre aspect de cette anomalie : la carte électorale de ces personnes n’ayant jamais été récupérées ou tout au moins désactivées peut être utilisée par des citoyens malhonnêtes qui se paieront le luxe de voter plus d’une fois. »

En conclusion, les mécanismes mis en place, pour le 9 octobre 2016, seront-ils assez forts pour parer à toute éventualité où des noms de nos chers disparus seront une nouvelle fois pris à défaut et exploités à dessein. Que de torts irréparables causés à la société quand les vivants continuent de troubler le sommeil des morts en faisant un usage abusif de leur nom.

La dernière chose dont Haïti aurait besoin aujourd’hui, c’est de prouver notre incapacité à se tenir seuls debout et prendre des décisions adéquates et mûrement réfléchies. Malheureusement, aujourd’hui encore, nos morts continuent de cohabiter avec nous même lors de nos élections et leur sommeil ne manque pas d’être tourmenté par des gérontes en mal de venir gouverner et à la recherche d’immunité. De quoi avoir la mort dans l’âme…

Hans-Berry JACQUES / Fondateur et rédacteur de Politiconneries
Texte édité pour Rezonodwes.com par Claudy Briend AUGUSTE (cba)

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