A l’approche de la date fatidique du 9 octobre 2016, les élections hantent la population haïtienne. La pendule semble être à l’heure et par devant le Conseil Électoral Provisoire, s’ouvre un boulevard propice à la réalisation des élections. Les esprits se convergent désormais sur les rassemblements populaires et la bataille dialectique dans les médias. Plus de temps pour mettre en accusation la crédibilité du CEP et la fiabilité du processus électoral.
Le gouvernement de facto réalisera-t-il en quelques mois ce que le pouvoir de Michel Martelly n’a su faire durant cinq années de règne ? En l’occurrence l’établissement d’une atmosphère sereine où tous les acteurs peuvent y puiser au moins un bris de confiance dans les institutions étatiques.
Plus les jours passent, plus la caverne s’installe. L’on cherche incessamment de la lumière quant à l’issu de ces élections. Comme Diogène, porter une bougie en plein jour pour trouver le futur président du pays ne serait pas une opération schizophrénique. L’écart entre les têtes de séries devient de plus en plus étroit et cela ne peut que décrire la passion qui emballe les produits politiques et électoraux.
Même le dernier débat organisé par le GIAP n’arrive pas à changer les données. Les pronostiques ne se font point rares et les commentaires font la rage. Parmi les 27 candidats en lice pour les présidentielles, quatre seulement arrivent à défaire le labyrinthe (Jude Célestin, Jean-Charles Moïse, Maryse Narcisse et Jovenel Moï00se).
Ce dernier, Jovenel Moïse, est un fils illégitime de Michel Martelly. Bien qu’il ait occupé quelques fonctions au niveau de la région du Nord, le candidat du Parti Haïtien Tèt Kale a été inconnu du public haïtien avant qu’il n’ait été choisi comme candidat à la Présidence du PHTK. Dénué d’une pratique politique et d’expériences dans la sphère étatique, Jovenel a toutefois évolué dans le secteur privé. Aujourd’hui, candidat sous le tutorat de Martelly, il doit indubitablement endosser et faire face aux innombrables passifs du régime Tèt Kale, qui a exercé, de 2011 à 2016, un leadership très controversé et qui n’aura pas sorti le pays des ornières du mal développement ainsi que l’a promis le Président Martelly.
Au départ de ce dernier, les indices se dessinaient négativement, le bilan révélait un Etat chaotique et ingouvernable durant son mandat. Ce qui devrait sans ambages nuire à sa succession. Pourtant, Jovenel Moïse demeure le candidat à la Présidence le plus médiatisé dans la course électorale. Tant dans les médias traditionnels qu’au niveau des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Entre les quatre candidats favoris pour la Magistrature Suprême de l’Etat, il existe de la part des trois autres une certaine tendance à pointer du doigt le candidat de PHTK. En matière de communication électorale, cela ne fait qu’agrandir la visibilité du sujet en question, accentuer l’attention des électeurs à son égard et accroitre la curiosité sur sa personne. La sociologie électorale en Haïti démontre que ceux-là qui vont aux urnes votent généralement en fonction de la tendance, donc pour les candidats les plus prisés. L’on a vécu cela en 2010 avec Michel Martelly. Au lieu de mettre le cap sur leurs programmes, des candidats s’en prenaient inlassablement à Sweet Micky. C’est ainsi que les dernières sorties de Jean-Bertrand Aristide, faisant des jeux de mots avec Tèt Kale/Kale Tèt, peuvent être préjudiciables à l’objectif que l’ancien prêtre s’était fixé au départ.
Dans le même temps, Jovenel Moïse, qui ne se fait plus accompagner de l’ex président Martelly, comme ce fut le cas dans les élections avortées de 2015, connait actuellement beaucoup de difficultés à créer des évènements. Mis à part quelques rassemblements du type traditionnel, ce n’est guère l’attraction. Il va sans dire que le potentiel électoral du PHTK repose essentiellement sur la personnalité du chanteur. Ainsi, son absence sur le béton peut conduire à un désenchantement de bon nombre de partisans. A cet effet, la décision de mettre Martelly en quarantaine au cours de cette campagne serait-elle un aveu d’échec du régime de ce dernier ? Comment un président sortant du pouvoir pourrait-il se permettre une telle passivité par rapport à son dauphin s’il pouvait s’enorgueillir d’un bilan positif ?
Tout compte fait, la candidature de Jovenel se situe entre le morcellement des secteurs progressistes du pays, l’héritage honteux légué par le régime Tèt Kale, et les contradictions liées à sa personnalité, vue à la fois comme un élément issu de la petite bourgeoisie paysanne et un véritable pion de l’oligarchie traditionnelle du pays. L’actif de Monsieur Moïse s’apparente tout à fait à une opération à somme nulle tant que ce qui saurait expliquer sa force (Agritrans, Nèg bannann nan) constitue l’un des plus grands points d’ombre autour de sa candidature. En effet, Agritrans est résolument une réalisation mitigée. Si le PHTK voit ce projet comme une source de création d’emplois et de richesses, l’on est en droit de poser la question sur l’opacité de ce projet mais aussi les scandales qui en découlent comme son éventuel rapport à la corruption, au trafic illicite de la drogue et à l’exploitation des travailleurs réclamant en vain de bonnes conditions de travail dans la compagnie du candidat du Parti Haïtien Tèt Kale. Sans compter son manque de retombée pratique au sein de la société haïtienne qui continue à dépenser plus d’argent pour consommer de la banane. Dans le débat du 20 septembre, l’attitude du candidat ne laisse-t-elle présager un défaitisme probant vu qu’en 2105 Nèg Bannann nan avait fait montre de plus de sûreté dans ses interventions ?
Par ailleurs, les élections de 2016 en Haïti représentent un enjeu plus que jamais majeur pour l’avenir politique de certaines figures de proue de la société. Michel Martelly ne peut pas s’arroger le droit d’aliéner aussi vite le pouvoir, Jean-Bertrand Aristide ne peut pas se permettre le luxe de perdre la face, Jean-Charles Moise doit se rendre à l’évidence que la politique est aussi une question de momentum, et Jude Célestin ne ressuscitera plus de ses cendres suite à deux élections ratées. A regarder la façon dont le panorama politique est établi, tout se jouera dans les détails. Ce qui est évident, ce ne sont pas seulement la popularité et l’argent qui vont dénouer ces joutes électorales, c’est plutôt la capacité de jouer sur les contradictions au moyen d’une équipe électorale cohérente, dévouée et expérimentée.
Nervens VERSAILLES



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