Le temps des Caciques! Par Daly Valet

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Par rapport aux événements d’hier (16 septembre 2016) aux Gonaives et au Cap-Haïtien, je me bornerai à l’analytique.

A quoi peut-on attribuer cette fragmentation du système politique haïtien en caciquats ? Justement à l’effondrement des partis, disons à l’échec de l’idée de partis en Haiti, et au populisme providentiel de droite et de gauche.

Le développement des « partis régionaux  » structurés autour d’un « parrain » ou « baron » local est l’expression de l’incapacité des formations politiques dites « grands partis » à s’implanter durablement au-delà de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. L’absence en leur sein d’une vie politique réelle et compétitive fondée sur de grandes valeurs idéologiques, la mobilité politique interne, la promotion experte de projets de transformation économique à partir des clivages sociaux, a fini par rendre insignifiants les partis à prétention nationale.




Il en est résulté une forte érosion de leur aura couplée à la désertion de leur base militante. Il s’établit ainsi un rapport inversement proportionnel entre le parti et son importance au plan national : plus le parti dépend d’une puissante oligarchie interne inamovible, plus le parti s’affaiblit avec le temps sur l’échiquier national. Les cadres déçus et confinés à des jeux formels de pure représentation, désertent les lieux pendant que les militants de base, à l’exception notoire d’une poignée d’inconditionnels, se font marchander leur appartenance au parti. Le fossé s’est ainsi élargi entre les élites politiques régnantes et le reste de la communauté politique dominée et désenchantée.

C’est sur ce terreau fertile qu’ont prospéré les barons locaux, ces chefs de partis régionaux, lesquels ont transformé des circonscriptions électorales en fiefs non partagés et en citadelles déclarées imprenables. La férocité de la campagne electorale actuelle est d’abord une lutte entre des seigneurs locaux qui récusent aux dirigeants des « grands partis  » de Port-au-Prince toute prétention à la domination politique non négociée et non partagée à l’échelle nationale.




Cette tendance lourde de la « régionalisation » de la vie partisane a conduit au renforcement des pratiques de type patrimonialiste déjà très pregnantes dans nos moeurs politiques. Tel baron local se réclame tel département du pays. Tel autre proclame sa toute-puissance sur tel autre département. Tout pour le département devenu fief passe par un individu ou un groupement politique qui revendique une zone entière comme étant son patrimoine personnel. Distribution de faveurs et de postes politiques aux membres du clan. Cooptation.

Le tribalisme politique dans tous états. Le pouvoir central tend à se conformer, pour sa survie et s’octroyer un tant soit peu de reconnaissance locale, à cette fragmentation du pays en caciquats politiques menés par des ayatolllahs intraitables, des chefs de guerre insatiables et ouverts à toutes les perversions.




Les contestations politiques localement exprimées participent d’une remise en question des élites politiques de la République de Port-au-prince. L’adhésion très marquée des communautés régionales à des dynamiques politiques proprement tribales et clientélaires traduit l’embarras de l’espace socio-culturel haitien à s’approprier les outils de la modernité politique. Le pouvoir central et les élites qui le pilotent paraissent très éloignés de nos agglomérations rurales et urbaines dépossédées de leur humanité. La contestation les concerne essentiellement et se manifeste par un repli identitaire sur des figures localement connues et reconnues.

Les soubresauts sociaux et politiques incessants qui ponctuent notre quotidien révèlent la nature profonde de la crise de représentation politique en Haïti.

Tout le paravent institutionnel dissimule mal les mensonges de notre système partisan. Tant qu’on ne consentira à créer de vrais partis politiques autour desquels se structurera la vie parlementaire et gouvernementale, les caciques locaux continueront de s’octroyer pour longtemps encore, au prix de nombreux crimes et de multiples perversions, des portions du territoire pour y régner en maîtres…et en intouchables.

Daly Valet
17 sept 2016

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