Face à une confusion entre immunité parlementaire et impunité parlementaire en Haïti, Hugues Sanon demande un amendement constitutionnel pouvant modifier la question d’immunité”:
Il est clair qu’en Haïti, on connaît déjà qui sont les zombies, les kidnappeurs, les corrupteurs, les gangs/bandits, les trafiquants, mais ni la police ni la justice se gardent d’entamer des actions légales puisque les personnes impliquées, seraient couverts d’une immunité parlementaire, quelle impunité! Alors, pour mettre de l’ordre dans ses actions arbitraires, ne devra-t-on pas proposer un amendement constitutionnel pouvant modifier la question d’immunité, car l’immunité est un privilège octroyé à nos honorables parlementaires pour qu’ils exercent leurs mandats convenablement.
Cependant, nos parlementaires confondent l’immunité parlementaire d’avec impunité parlementaire. Oui la liberté de l’exercice de son mandat doit être garantie, car le Parlement, comme pouvoir de contrôle, doit être performant dans l’exercice de ses missions de souveraineté. Mais, l’immunité parlementaire ne leur permet pas de s’affranchir de toutes les règles, sans jamais être inquiété. Car, l’immunité, dont les parlementaires jouissent, n’a pas été instaurée pour leur permettre de se situer au-dessus des lois. S’il est formellement interdit à tout juge d’instruction, à tout commissaire du Gouvernement ou à tout officier de police de procéder à l’arrestation d’un député ou d’un sénateur sans l’autorisation de la chambre des Députés ou du Sénat et que toute violation d’une telle disposition serait un acte arbitraire et devrait entraîner des sanctions prévues par la loi pour son auteur, un parlementaire serait un tout-puissant.
Les parlementaires haïtiens, tout leur est-il vraiment permis? En cas de flagrant délit, l’autorisation du pouvoir législatif est-il nécessaire? Quand est-il pour un accident de la circulation ou le non-paiement d’un loyer, ne pourront-ils pas être convoqués par-devant les tribunaux? L’immunité protège la personne du parlementaire; mais protège t-elle son véhicule, son bureau, et son entourage? Un juge, ne peut-il pas débuter une instruction contre un parlementaire sans autorisation s’il ne décerne un mandat d’arrêt contre lui?
En attendant que les hommes de loi, nous donnent les bonnes réponses, découvrons ensemble le monde des parlementaires Prérogatives et Immunité Députés et Sénateurs bénéficient de certains privilèges attachés à leur fonction. Outre l’indépendance et la liberté nécessaires à l’exercice de celle-ci et les avantages matériels (passeport diplomatique, indemnités de voyage, allocation et frais de fonctionnement pour les membres du Bureau, pour le Bureau du Parlementaire dans sa circonscription, pour les fêtes patronales, etc. …) qui en découlent, Députés et Sénateurs jouissent d’une protection spéciale,
l’Immunité Parlementaire reconnue par la Constitution elle-même. L’Immunité, c’est le principe qui reconnaît dans les articles 114,114-1, 114-2 et 115 de la Constitution l’inviolabilité de tous les membres du Corps législatif « du jour de leur prestation de serment jusqu’à l’expiration de leur mandat », l’impossibilité de les « attaquer ou de les poursuivre pour leurs opinions ou leurs votes » , d’exercer aucune contrainte contre eux ou de les arrêter « en matière criminelle, correctionnelle ou de police pour délit de droit commun » si ce n’est en flagrant délit ou avec l’autorisation de la Chambre à laquelle ils appartiennent. Devoirs, Obligation et Ethique: La reconnaissance d’un statut spécifique octroyant prérogatives et privilèges au Parlementaire ne va pas sans contrepartie. Celui-ci est soumis à des devoirs impliquant obligations et à des interdictions supposant auto-censure.
Le respect de la bienséance dans les rapports avec les autres: Le Parlementaire doit s’astreindre à une obligation de courtoisie, de politesse, de respect et surtout de mesure vis-à-vis de ses collègues auxquels l’opposeront des discussions parfois vives en Assemblée et surtout des membres du gouvernement qu’il est appelé à convoquer, à interpeller dans l’exercice de sa fonction Un comportement exemplaire: Le Parlementaire digne de ce nom doit projeter une image respectable, avoir un comportement irréprochable en tous lieux publics et à tous moments qui requièrent cette image et ce comportement. Il doit être le premier à donner le bon exemple en les respectant. Par sa courtoisie et son encouragement vis-à-vis des agents de la fonction publique et surtout de la police dans l’exercice de leurs fonctions. Il ne doit pas être un obstacle à l’application de la loi par ces derniers. Un devoir d’éthique: Faire preuve de moralité dans son comportement de Parlementaire représente un exemple pour les citoyens et surtout pour les jeunes avides de modèles à suivre et à imiter.
Etant un leader pour la communauté, son exemple, bon ou mauvais, ne sera pas sans conséquence : il aura un impact positif ou négatif. Au Parlement, le Parlementaire évitera de pratiquer l’absentéisme. Il se fera un devoir de lutter contre la corruption, de respecter la parole donnée, évitera de marchander sa voix et changer de couleur politique en fonction de ses intérêts personnels liés à la conjoncture politique du moment, elle-même favorable à tel parti politique. De même, il commettra une faute contre l’éthique si, après être allé aux élections sous la bannière d’un parti, il l’abandonne une fois élue pour un autre, toujours en fonction des intérêts politiques immédiats. Au Parlement, le sentiment d’appartenance en faveur du parti politique sous la bannière duquel le Parlementaire élu s’était présenté aux élections témoigne de sa moralité (respect de la parole donnée), et de son sens de l’engagement.
La fidélité des Parlementaires à leurs blocs ou groupes politiques facilite la solidarité au sein de chaque groupe et entretient entre ceux-ci une saine opposition démocratique. Un minimum d’éthique devra contribuer à barrer la route à l’opportunisme politique, à l’unanimisme, ennemi de la pluralité démocratique. Les immunités parlementaires Si la justice est le garant de l’égalité de tous devant la loi, il faut quand même faire remarquer que les immunités parlementaires assurent aux membres du Parlement un régime juridique dérogatoire au droit commun dans leurs rapports avec la justice.
Donc il s’agit de privilèges liés à la protection de la fonction. Les immunités parlementaires sont de deux ordres. Il s’agit de l’irresponsabilité parlementaire et de l’inviolabilité parlementaire. L’irresponsabilité parlementaire Le privilège de l’irresponsabilité parlementaire est accordé par la Constitution haïtienne de 1987 en son article 114-1 : « Il ne peuvent être en aucun temps poursuivis et attaqués pour les opinions et votes émis par eux dans l’exercice de leur fonction. » Le fondement de cette immunité est de garantir la liberté d’expression des parlementaires. Donc, le parlementaire est appelé à parlementer et à voter sans avoir à craindre des poursuites judiciaires.
Le texte constitutionnel précise expresis verbis qu’ « ils ne peuvent être en aucun temps poursuivis et attaqués. » Cela fait bien ressortir le caractère absolu de cette immunité. Elle est perpétuelle et doit suivre à l’expiration du mandat. De plus, elle couvre tous les actes de la fonction parlementaire (les votes, les rapports, les discours). Les paroles et actes qui ne sont pas liés à l’exercice de la fonction ne sont pas ici pris en compte. L’inviolabilité parlementaire Cette immunité, prévue aux articles 114 et 115 de la Constitution de 1987, couvre le parlementaire contre des poursuites intentées pour des actes étrangers à l’exercice de sa fonction parlementaire. Le régime de l’inviolabilité est plus restrictif que celui de l’irresponsabilité.
Les parlementaires sont en principe inviolables jusqu’à l’expiration de leur mandat. Néanmoins, une dérogation majeure vient tempérer la rigueur de ce principe, car l’engagement des poursuites est toujours possible pour délits de droit commun même lorsque le Parlement est en session. Toutefois, l’autorisation de l’assemblée à laquelle appartient l’intéressé constitue un préalable nécessaire à toute mesure d’arrestation. Il n’y a pas lieu à soumettre la mesure d’arrestation à l’autorisation de l’assemblée seulement en matière de flagrance pour faits emportant une peine afflictive et infamante. B. Le régime des incompatibilités Les incompatibilités constituent, aux côtés des immunités, une modalité de protection du mandat parlementaire.
C’est un gage d’indépendance. Elles permettent, entre autres, d’empêcher que les parlementaires soient sous le contrôle direct du Pouvoir Exécutif. En Haïti, le mandat parlementaire est incompatible avec toute autre fonction rétribuée par l’État, sauf celle d’enseignant. C’est que la fonction d’enseignant, même lorsque rétribuée par l’État, le cas échéant, échappe à la suspicion de dépendance à l’égard du Pouvoir Exécutif. Cela permet aussi de faire face à la carence en ressources humaines qualifiées disponibles sur le marché.
De plus, la fonction de Premier Ministre et celle de membre du Gouvernement sont incompatibles avec tout mandat parlementaire. Donc un parlementaire désigné pour être ministre doit opter pour l’une ou l’autre fonction. Ici, la Constitution marque son attachement au principe de la séparation des pouvoirs. Par ailleurs, à la différence de l’inéligibilité, l’incompatibilité joue après l’élection. L’inéligible ne peut pas être candidat, alors que l’incompatibilité ne vicie pas l’élection.
Pourtant, les constituants de 1987 ont commis la grosse erreur de regrouper des cas d’inéligibilités sous la rubrique des incompatibilités, aux articles 131 et 132 de la Constitution du 29 mars 1987.
Hugues Sanon


1 Comment