par Jonel Juste
« Eh, j’ai rencontré l’un des Chiliens l’autre jour », lance un Haïtien à un autre à Miami devant un grand supermarché. » Il me racontait sa galère pour arriver jusqu’ici, comment il avait traversé des forêts et grimpé des montagnes. Je lui ai dit de m’appeler pour l’aider à avoir des papiers légaux ici », poursuit l’homme. Par Chilien, il faut entendre ici un Haïtien qui a immigré aux USA en passant par le Chili, le Brésil ou tout autre pays de l’Amérique latine ou centrale. C’est un fait, les Chiliens (ou les Brésiliens) débarquent.
Une nouvelle vague de migrants haïtiens arrivent aux Etats-Unis depuis quelques temps, la presse en fait écho et leurs histoires font sensations. On peine à croire les nombreuses péripétiesendurées par bon nombre de nos compatriotes pour fouler le territoire de l’Oncle Sam en quête d’un mieux-être. Certains bravent les éléments, parcourent des distances incroyables, affrontent des bêtes sauvages, grimpent de hautes montagnes, se perdent dans des vallées profondes, traversent les frontières de plusieurs pays pour arriver à celui des opportunités et des rêves qui sont censés se réaliser. Leur parcours relève de l’Odyssée d’Homère.
Vous l’aurez vite compris, les nouveaux migrants n’empruntent pas la voie aquatique pour entrer aux Etats-Unis comme bon nombre de compatriotes avant eux. Il fut un temps pas si lointain oùbeaucoup d’Haïtiens affrontaient les vagues assassines et les dents de la mer pour échouer sur les côtes floridiennes. Il s’agissait des fameux boat-people qui prenaient la mer sur de frêles embarcations pour fuir la misère atroce d’Haïti, et leurs aventures épiques faisaient sensation dans la presse internationale. Chaque coup d’état, chaque turbulence sociopolitique a poussé des milliers d’Haïtiens vers les côtes et renforcé le phénomène du « kanntè » comme on l’appelle en Haïti.
Après le tremblement de terre de 2010, depuis l’annonce faite par le Brésil d’accorder la résidencebrésilienne aux Haïtiens, bon nombre tentent leur chance au pays de Neymar. Les lignes d’attentes devant l’ambassade du Brésilà Port-au-Prince n’en finissent plus de s’allonger. Cependant arrivés en terre brésilienne, les choses ne sont pas toujours roses pour nos compatriotes ; certains doivent carrémentdéchanter. Déçu, ceux-ci « font la route » comme on dit et mettent le cap vers les Etats-Unis. Aujourd’hui en Haïti, à part le Brésil, c’est le Chili qui tente beaucoup d’Haïtiens qui sont prêt à tout laisser pour y aller. C’est devenu le nouvel El Dorado, on ne pas trop pourquoi.
La voie terrestre
C’est un fait certain que desHaïtiens prendront toujours la mer pour sortir d’Haïti et d’entrer aux USA. Mais un nouveau phénomène migratoire se développe depuis quelques temps, celui de gagner l’Amérique par la terre. Au lieu de braver les dangers de la mer, les nouveaux migrants optent pour la voie terrestre. Celle-ci, non moins dangereuse, consiste à traverser une bonne partie du continentsud-américain avant d’arriver au Mexique qui partage sa frontière avec les Etats-Unis. Les Haïtiens ont découvertdepuis peu qu’il n’y a pas que la voie maritime pour arriver à fouler le sol américain. Depuis ils s’aventurent croyant en leur bonne étoile. Un homme aurait traversé une dizaine de pays de l’Amérique du sud et de l’Amérique centrale avant d’arriver au Mexique.
Depuis quelques temps, plusieurs migrants haïtiens arrivent dans la ville de San Diego en Californie. Là, ils bénéficient de la bonté d’un pasteur haïtien de la zone, Jean Elise Durandisse, qui leur offre provisoirement le gîte et le couvert et leur empêche de dormir dans la rue. Certains sont amenés en Floride par des parents vivant ici. A Miami, on les appelle des Chiliens, des Brésiliens, leurs histoires de survie et le récit de leur voyage émeut lacommunauté. De bons prochains se proposent de les aider à se refaire une vie au pays qui offre aux immigrants une deuxième chance de recommencer.
A Miami, où vit l’une des plus grandes communautés de la diasporahaïtienne, le sort de ces nouveaux arrivants interpelleaussi des leaders communautaires comme Marleine Bastien, responsable de FANM (FanmAyisyen nan Miami), une organisation à but caritatif ayant l’habitude de travailler avec des refugiés. Mme Bastien y voit d’abord une nouvelle crise migratoire à l’horizon et pressent que bon nombre de ces nouveaux arrivants vont se diriger vers la Floride.
« Cela va être de notre responsabilité d’aider ces compatriotes à s’adapter à leur terre d’accueil en dépit de nos maigres moyens », confie celle qui a passé sa vie à défendre les nouveaux migrants et les réfugiés. « Les plus grandes victimes dans ces genres de situation sont toujours les femmes dont certaines se font violer par des hommes (les passeurs) qui profitent de leur détresse », indique la responsable de FANM qui s’est rendue elle à San Diego pour établir l’état des lieux. Une fois sur place Mme Bastien a constaté la précarité extrême dans laquelle vivent les nouveaux arrivants. Elle rapporte que près d’une centaine de migrants arrivent chaque jour aux USA en provenance des pays de l’Amérique latine.
Jonel Juste
Miami
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