Dimanche 19 avril 2020 ((rezonodwes.com))– L’École n’a pas seulement pour mission de construire des savoirs et des savoir-faire, elle participe à la formation du futur citoyen. Dans un contexte de mondialisation, les finalités civiques et culturelles de l’école se trouvent réinterrogées, en lien avec le déclin des états-nations et les médiacultures de masse qui se mettent en place à l’échelle mondiale.
Les technologies numériques occupent une place prépondérante au sein de ces nouvelles pratiques culturelles et sociales, particulièrement pour les adolescents qui ont un usage intensif d’Internet et des réseaux sociaux. Différents auteurs mettent en avant l’intérêt d’une éducation au numérique et à la citoyenneté mondiale, en lien avec les formes d’échanges et le nouveau rapport à soi et aux autres construit par les adolescents.
Ces compétences numériques dépassent largement la maîtrise technique des outils et interrogent directement la manière de former les jeunes au nouveau modèle de citoyen qui est en train de naître sous nos yeux. Les technologies de l’information et de la communication débouchent sur une culture plus critique et introspective où les citoyens ont un plus grand pouvoir par leur capacité à publier leurs propres opinions sur une série d’enjeux. En même temps qu’elle uniformise les cultures et les pratiques sociales, la mondialisation conduit, à travers la société mondiale de l’information qu’elle met en place, à construire une citoyenneté plus active, plus sociale et tournée vers le « vivre ensemble ».
La question est de savoir comment l’état Haïtien peut accompagner l’émergence de cette nouvelle société civile et les formes de citoyenneté qui se développent à travers les réseaux numériques dans un contexte marqué par l’inflation des discours politiques, institutionnels, médiatiques et pédagogiques d’une part, et un profond remaniement des logiques curriculaires de l’autre.
En tant qu’un passionné de la littératie Numérique, nous allons analyser 5 vecteurs clés pour une transformation digitale au niveau du système éducatif Haïtien.
Les 5 principes directeurs peuvent être considérés comme les prérequis contextuels nécessaires à la citoyenneté numérique.
- L’accès aux technologies numériques est une condition préalable à la citoyenneté numérique. Sans cet accès, la citoyenneté démocratique non numérique elle-même devient difficile dans la mesure où les TIC font aujourd’hui partie intégrante du quotidien de la société. Selon l’ITU, seulement 12,23 % de la population haïtienne sont connectés à l’internet1. C’est un chiffre maigre puisque 49,2% de la population mondiale utilisait internet à la fin du premier trimestre 20172.
- Une alphabétisation fonctionnelle et numérique de base constitue la deuxième condition préalable, sans laquelle les citoyens sont incapables d’avoir accès, de lire, d’écrire, de saisir et de télécharger des informations, de publier, de participer à des sondages ou de s’exprimer d’une manière leur permettant de participer à la vie numérique de leur communauté. Encore trop d’enfants en Haïti, sont privés, ou tout du moins ne bénéficient pas pleinement, d’une éducation de base pour des raisons liées à la pauvreté, au sexe, au lieu d’habitation. Ainsi, d’après les estimations parmi les enfants en âge de scolarisation en Haïti, un nombre important ne fréquente pas un établissement scolaire. Le groupe d’âge ayant le plus d’enfants qui n’ont jamais fréquenté une école se situe entre 6 et 9 ans. 21 enfants sur 100 dans cette catégorie, pour tout le pays, n’ont pas accès à l’école3. Les chiffres sont beaucoup plus élevés en milieu rural que dans les villes. Un autre défi à relever pour arriver à l’éducation à la Citoyenneté Numérique. C’est ce qu’a révélé l’Enquête mortalité, morbidité et utilisation des services (EMMUS VI) paru en août 2018, couvrant la période de novembre 2016 à avril 20174.
- Une infrastructure technique sécurisée qui permet aux citoyens de tous âges de se sentir suffisamment en confiance pour participer aux activités en ligne de la communauté, telle est la troisième condition préalable qui vient parachever le premier niveau des principes directeurs fondamentaux qui s’appliquent à la citoyenneté numérique. Ce critère, parce qu’il est plus subjectif, est plus difficile à mesurer : il évolue dans le temps et subit l’influence d’un certain nombre facteurs comme, notamment mais pas seulement, les systèmes politiques, la multiplication des problèmes liés à la cybersécurité et les nouvelles tendances en matière de technologie comme l’internet des objets.
- Le taux de pénétration de l’internet à haut débit pour favoriser une connexion stable, sure et sécurisée. une nouvelle étude de la Banque interaméricaine de développement (BID), sur la pénétration de l’internet haut débit au niveau du continent américain, sur 26 pays de la région Amérique Latine et les Caraïbes, le Chili vient en tête avec un indice de pénétration de haut débit de 5,57 sur 8. Tandis qu’en deuxième position l’on retrouve la Barbade avec un indice de 5,47, ce qui fait d’elle la championne dans les Caraïbes en termes de niveau de pénétration de l’internet a haut débit. On n’est pas surpris qu’Haïti est bel et bien en 26ème et dernière position dans la zone avec 1,71.5
- L’accessibilité en énergie dans tous les recoins du pays. En Haïti, Seulement 30 % de la population y a accès, ce qui fait d’Haïti le plus faible consommateur d’électricité au monde selon la Banque mondiale6.
Le rôle des parties prenantes en matière d’éducation à la citoyenneté numérique pour un Haïti numérisé et connecté:
- Les enfants et les jeunes sont à l’évidence des acteurs centraux des initiatives de citoyenneté numérique et s’emploient, conjointement avec les enseignants, à faire évoluer les politiques. Les élèves ont le droit voir dans quelle mesure ils deviennent des citoyens numériques actifs et responsables, grâce à un ensemble de repères qui leur sont adaptés et à la mise à disposition d’outils d’auto-évaluation qui les aideront dans ce cheminement. L’idée que les élèves puissent être les concepteurs et les architectes de leur environnement d’apprentissage peut sembler déstabilisante en soi même si l’idée est de travailler en collaboration avec les camarades de classe et les enseignants pour construire ensemble un apprentissage.
- Dans un environnement connecté multi-écrans, qui, pour une large part, n’est pas réglementé, les parents doivent protéger leurs enfants et les aider à se prendre en charge, et ce rôle est à la fois fondamental et plus exigeant. L’engagement des parents dans ce qui touche au numérique est une source de difficultés et on pense souvent qu’il se résume à limiter l’utilisation des technologies. Les études montrent que les parents ont peur et s’inquiètent de ce qui a trait aux activités de leurs enfants en ligne, ce qui a une très grande incidence sur leur façon d’appréhender les notions de citoyenneté numérique. Des efforts supplémentaires sont donc nécessaires pour sensibiliser davantage les parents aux enjeux et significations de la citoyenneté et favoriser un environnement familial reposant sur la confiance, la compréhension et une vision commune d’une utilisation responsable des technologies.
- Une chose est certaine, la société est en constante évolution et il est impératif que les enseignantes et enseignants soient formés aux technologies de l’information et de la communication pour bien diriger les jeunes. En France, le Certificat Informatique et Internet niveau 2 pour les enseignants (C2i2e), devenu obligatoire pour exercer le métier d’enseignant depuis 20107.Les enseignantes et enseignants jouent un rôle essentiel en développant et en renforçant les capacités des élèves à interpréter et à créer des médias numériques et en les aidant à comprendre les droits et les limites du citoyen numérique responsable. Ils sont les mieux placés pour guider les jeunes et leur donner des occasions de participer activement à la société, tout en insistant sur la valeur de l’apprentissage et sur le rôle des technologies dans leur vie. S’ils veulent pouvoir guider les apprenants sur cette voie, les enseignants doivent cependant de plus en plus être eux aussi au fait des pratiques, aptitudes et ressources nécessaires à la citoyenneté numérique. Des ressources adaptées et une formation continue sont donc nécessaires pour les accompagner dans ce rôle.
- Les chefs d’établissements jouent un rôle essentiel dans l’élaboration de politiques, notamment d’orientations sur un usage acceptable et de lignes directrices sur la citoyenneté numérique, pour que l’utilisation des informations et des technologies numériques dans la classe soit sûre, légale et éthique. La formation professionnelle des chefs d’établissements doit être renforcée, en particulier dans le domaine de la protection des données à caractère personnel où elle viserait à présenter les questions essentielles touchant au rôle du contrôleur des données et au traitement des données à caractère personnel en tant qu’élément de bonne gestion de l’établissement.
- S’agissant du secteur privé, à l’heure actuelle, son rôle principal est de sensibiliser et d’informer les utilisateurs/consommateurs. Sa participation à la citoyenneté numérique doit être véritablement favorable à une approche multipartite de la responsabilité partagée, en d’autres termes une approche qui reconnaît que les conditions appropriées à une citoyenneté numérique efficace ne peuvent être créées que par une collaboration entre tous les partenaires pertinents au niveau de l’État, la société civile, les éducateurs et les communautés d’utilisateurs.
- De même, les autorités de réglementation ne se contentent pas de « superviser » mais jouent également le rôle de médiateurs, d’auditeurs, de consultants et de conseillers en politiques. Toutes ces activités ont comme objectif commun l’amélioration du niveau de protection et l’éducation publique est à ce titre essentiel. L’intégration de questions touchant au respect de la vie privée dans les programmes scolaires au niveau national relève in fine de la compétence de l’État.
- Le secteur de la société civile s’emploie de diverses manières à encourager les élèves à exercer leurs aptitudes de raisonnement dans de nombreux environnements, notamment à travers des mises en situation qui leur permettent de développer leur conscience citoyenne. Internet a également favorisé la création de communautés locales vouées à l’inculcation des valeurs de la culture démocratique, de la pensée critique et du comportement éthique. On assiste à l’essor de ce que l’on appelle la « technologie civique », qui utilise la technologie pour traiter les différents aspects de la citoyenneté numérique.
Enseigner la citoyenneté numérique est une tâche qui revient à toute la société et différents acteurs doivent impliquer dans cette mission. En effet, toutes les parties prenantes doivent jouer un rôle et prendre des mesures afin de le responsabiliser face à l’utilisation des Technologies de l’information et de la Communication. ENGAGEONS-NOUS afin de devenir des citoyens numériques éclairés et responsables et pour que notre chère pays (Haïti) puisse bénéficier gracieusement les atouts de la technologie.
Kindy Vereus MONTREUIL
montreuilkindyv@gmail.com
+50948218540
Ressources Consultées :
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_pays_par_nombre_d%27utilisateurs_d%27Internet
- https://wearesocial.com/fr/blog/2018/01/global-digital-report-2018
- Enquête Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services EMMUS-V HAÏTI 2012
- https://www.unicef.org/haiti/recits/lenqu%C3%AAte-emmus-vi-officiellement-lanc%C3%A9-par-le-gouvernement
- https://issuu.com/idb_publications/docs/anreports_fr_21758
- http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/791721516635425309/Haitian-cities-actions-for-today-with-an-eye-on-tomorrow
- https://c2i.enseignementsup-recherche.gouv.fr/enseignant/le-c2i-niveau-2-enseignant