Haïti : Sous un appel du Palais, la conviction politique s’effrite

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par le Prof. Jean-Rony Monestime André,
BA-en Conn. Générales, BS en Médecine Nucléaire ; Master in Healthcare-MHA ; PhD-Doctorant en Science de la santé Introduction

La conviction est une responsabilité (Tenzer, 2007). Elle traduit la certitude d’une idéologie qui se veut gagnante. Et pour cause, toute conviction requiert la persévérance et la cohérence.

South Orange, New Jersey – samedi 25 janvier 2020 ((rezonodwes.com))–Néanmoins, dans le firmament politique d’Haïti, la conviction demeure une vertu précaire. Dans tout le paysage contemporain de la politique haïtienne, les hommes intègres se font rares. L’opinion publique censure souvent l’amateurisme, l’irresponsabilité et l’inculture idéologique parmi les variables qui peuvent rayer la conviction politique du terroir presqu’insulaire.

• L’Énoncé du problème
Le chômeur qui médit sur son camp, l’adhérent qui trahit son allégeance et le patriote qui se convertit en agent-double prolifèrent dans cette Haïti d’aujourd’hui. Et, ce phénomène du manque de conviction influe négativement sur le bien-être de la politique républicaine. La pérennisation du sous-développement, l’instabilité chronique et la culture de trahison qui couvrent le pays de leurs ombres sont dues, en partie, à une crise de conviction.

Le Palais National est ciblé. Dans bien des cas, un appel du Palais National suffit pour rayer toute conviction politique.

Questionnement

Quel est l’impact d’une offre du palais national sur la conviction politique en Haïti ?

Le Cas-R.F. en est-il une bonne illustration ?

Le But de l’Étude

Cette étude consiste à décrire un phénomène socio-politique qui fait mauvaise école dans le pays. L’ombre du manque de conviction nous lègue une génération de politiques décriés qui peuvent arpenter une variété de partis dans une courte période de temps. Dans cette étude qualitative sur la conviction et la cohérence idéologique, on essaie d’analyser le constat des répercussions d’un appel du palais national sur les convictions idéologiques et le positionnement politique.

L’Importance de l’Étude

L’Étude est très importante. Elle permet d’examiner, en profondeur, le phénomène de l’effritement de conviction dans le contexte politique. Le recours à cette méthode qualitative, pour mieux comprendre le Cas-R.F., obéit à des normes scientifiques et être empreint d’une rigueur capable d’offrir une analyse circonspecte de la perception sur le problème du manque de conviction. Voilà l’importance de l’usage de « l’étude de cas », ce guide de recherche qui procure une démarche intégrée où la crédibilité et l’affinité des données sont établies (Moreau, 2019). Fondée sur un exemple pratique, cette étude décrit les méandres d’un militant qui se laisse souiller par un pouvoir très contesté. Sa conviction s’est évaporée.

Étude de Cas : R. F.

R.F. est un citoyen haïtien, il est né dans une ville du Sud du pays. Celle qui héberge le Saut-Mathurine. Jeune, figure très connue, aux accents nationalistes ; il a rejoint l’écho du murmure de la Rue qui demande la restitution du fonds du Petro-Caribe (kòb Petro Karibe a) qui aurait été dilapidé par trois régimes politiques dont deux gouvernements du PHTK. Le citoyen R.F., étant le porte-parole de son organisation (NPK), s’est fait un nom sur les réseaux sociaux. Son militantisme s’apparente plus à un mouvement mené par la jeunesse qu’il s’allie à la tradition.

Pourtant, il allait être l’objet de sévères critiques. R.F. qui a uni sa voix à celles d’une pléiade de gens pour chanter un libera contre la présidence de Jovenel Moise, a surpris tout le monde par son geste de rencontrer le président réprouvé par le plus grand nombre d’haïtiens. Plus tard, R.F. a tenté en vain de se défendre (Rezo Nòdwès, 2020).

Revue de Littérature

Nombreux sont les documents sur le manque de conviction politique en Haïti. La plupart sont plus précis que d’autres, mais ils sont en général de véritables aveux qui affirment l’existence de ce fléau. Dans « Réflexions Stratégiques sur Haïti », Luc Remy pense que le manque de sincérité et le manque de conviction et de suivi dans la conduite du projet Nouveau Contrat Social (NCS) sont les facteurs de son échec en 2005 (Remy, 2013).

Autrement dit, s’il y avait eu de la conviction, Haïti aurait connu un Nouveau Contrat Social. De l’avis de l’ex-président Prosper Avril, sur le plan de sécurité, bien des haïtiens se sentent comme des bêtes traquées peu importent leurs convictions politiques (Avril, 2004). Ici, l’auteur voudrait argumenter que la conviction politique est un acte de foi qui n’assure pas tout. Wilson Décembre ne pouvait être plus franc quand il écrit que : « La fonction d’homme politique est prestigieuse en Haïti non pas parce que gérer la res publica serait une activité jugée noble, mais parce que le statut officiel de fonctionnaire de l’État est synonyme d’ascension socio-économique ou d’enrichissement pur et simple » (Décembre, 2006).

Dans cet essai, l’auteur indexe le mal psychologique qui féconde le manque de conviction. C’est que le politique haïtien est souvent motivé par des intérêts. Selon lui, le politique est devenu l’état une fois admis dans la fonction publique. « Il a accompli le rêve qui bouillonne dans le cœur de l’Haïtien moyen : Être l’État » (Décembre, 2006).
Le problème du manque de conviction est analysé par beaucoup d’écrivains, essayistes et journalistes. Cependant, il reste un problème abordé avec légèreté.

Les auteurs n’ont pas su se référer à un cas précis. La littérature caresse encore un grand vide. Il n’y a pas eu d’études de cas spécifiques. L’exemple du cas-RF nous aidera à mieux illustrer un aspect important du problème : le rôle du palais. Un appel du palais aura causé la disparition progressive de la conviction politique.

Analyses de données

R.F. est un exemple phare pouvant illustrer le déficit de conviction dans cette Haïti post-duvaliériste. Certes, la littérature sur les hommes intègres du pays offre une multitude d’essais dans lesquels d’autres figures sont censurées, mais le cas de l’homme du terroir de Saut-Mathurine ne peut pas être plus précis. Avant leur rentre, R.F. n’a jamais cessé de décrire la personnalité du Président Jouvenel. Selon lui, un homme sans caractère, un corrompu. Il défend toujours la mission de son groupe de pousser à un procès sur le Petro-Caribe qui garantirait la restitution des sommes empochées. R.F. s’est fait passer pour un militant exempt de toute souillure.

Le vendredi 3 janvier 2019 est historique. R.F. a fait un revirement le plus soudain de l’heure : Il a rencontré celui qu’il considérait comme l’un des plus corrompus de l’histoire. À l’insu de son groupement qui lui conseillait de bouder la rencontre. « Si tu vas au Palais rencontrer Jovenel Moise, c’est ta démarche personnelle, tu seras après exclu du groupe » (RezoNodwes, 2020), scandait le comité central de son Petro-Challenger Association.

Dans un communiqué de Presse, le groupe fixe sa position stratégique sur la rencontre Jovenel Moïse-/R. F.

Port-au-Prince, le 4 Janvier 2020
NPK

Communiqué de presse
Il est porté à la connaissance de la presse parlée, écrite, télévisée, les médias en ligne et le public en général que le nommé R. F. n’est plus porte-parole de N. P. K. et que celui-ci n’a reçu aucun mandat ni autorisation du groupe pour rencontrer le président Jovenel Moïse.

Nous ne comprenons toujours pas le sens de cette initiative de rencontrer un chef d’Etat indexé dans un rapport de la Cour des Comptes pour son implication dans la dilapidation des fonds du programme Petrocaribe. Cette démarche est contraire à nos valeurs, à nos convictions et à notre combat contre la corruption.

Les actes posés par R. F., sa rencontre avec le président Jovenel Moïse, ses récentes déclarations et prises de position dans les médias, n’engagent que lui et lui seul.

Le Comité exécutif de N. P.K. informe le public également que, Mr R.F fait l’objet d’une enquête interne pour soupçon de corruption. Par conséquent, il n’est autorisé à prendre la parole ni à agir au nom de N. P. K.

La décision d’écarter R.F s’inscrit dans le cadre des efforts entrepris par le comité exécutif du NPK, en vue d’assainir l’organisation qui se veut un modèle d’intégrité dans la lutte contre la corruption et pour l’établissement d’un système juste et inclusif en Haïti.

Le comité exécutif du NPK désapprouve aussi les démarches entreprises par R.F. auprès de la direction de l’ULCC en vue de la nomination de quelques-uns de ses proches au sein de cette institution. Notre combat ne consiste pas à en la recherche et l’obtention de petites faveurs personnelles, mais à pousser la justice à sévir contre tous les pétro-dilapidateurs.

NPK, pap janm konplis okenn kòwonpi ni koriptè!

Pour le comité exécutif :
Evens Ciril, Porte-Parole membre fondateur ;
Stevenson Tivil, Membre-Fondateur Porte-Parole ;
Herold Saintelus, Porte-Parole ;
William Evens Josma, Relation Int/ port Parole ;
Pierre Camissa ; Secrétaire adjoint ;
Smith Beaucejour, Responsable Stratégie ;
Jean-Renel C Masson, Membre ;
Bommier Woodson, Conseiller ;
Bernard John Pecker, Délégué

En réalité, ce communiqué du NPK annonçant la mise à l’écart de R.F., confirme la condamnation de la faute qu’il aurait commise contre l’opposition politique actuelle. R.F. est un prototype du genre de politique instable. Celui qui se laisse mener par la circonstance. Avant l’appel du palais, il était un furieux opposant, après cet appel il devient un agneau docile. D’un coup, R.F. est un moraliste contre les manifestations de rue ; un dénonciateur des autres qui étaient réunis avec le président avant lui.

Évaluation du Questionnement

Le Palais National semble pouvoir dévier le sentiment convictionnel. Le pouvoir trompe et divise avec ses appels ; ses réunions planifiées et ses manœuvres politiciennes. R.F. est un nouvel homme au lendemain de la réunion. S’il n’y avait pas eu d’appels, y aurait-il eu un éclatement au sein de NPK ? L’appel est un facteur de division. R.F. a été blâmé par l’opinion publique : sur les réseaux sociaux, dans les médias en ligne, à la TV, dans les journaux traditionnels, le mot conviction est devenu viral. Autrement dit, le problème du manque de conviction ne cesse d’être soulevé.

R.F. est un cas très important pour mieux interpréter la conviction politique contemporaine dans le pays. Cette difficulté de garder une conviction est une croix pour la politique moderne dans ce pays. R.F. est un échantillonnage d’une habitude qui fait souffrir : la conviction s’effrite sous un appel de la présidence.

Résultats :

L’analyse des données montre une nette validation de la perception qu’un appel de la présidence peut influer sur la conviction politique. Le citoyen R.F. n’est plus l’homme d’hier. Il a changé de discours et d’orientation politique quelques heures après sa rencontre avec le président Moïse. Le poids des appels du président vient de se révéler très lourd dans la culture politique de bien des gens. Le cas-R.F. en est une bonne illustration.

Limitation de l’Étude

Cette étude se limite dans la validité du jugement des évidences. D’une part, on ignore ce qui a été discuté dans la réunion. Il se pourrait que le comportement de R.F. ne s’apparente pas directement à la rencontre avec le président. D’autre part, l’opinion publique et les jugements de valeur sont trop biaisés. Pour cause, ils ne peuvent pas être des variables scientifiques. Autrement dit, les réseaux sociaux, seuls, ne sont pas compétents à homologuer un constat. Le besoin pour d’autres études se fait sentir pour de plus crédibles résultats.

Recommandations :

Le problème du manque de conviction ne date pas d’hier. L’histoire d’Haïti lègue de nombreux cas de revirements spectaculaires. Cependant, de nos jours il y a une répétition incessante de cas d’effritement de la conviction politique liée aux appels et/ou offres du Palais National. Dans ce contexte, seule la culture politique peut apporter la solution idoine. Haïti a grand besoin d’écoles idéologiques pour former les politiques et les militants.

Conclusion

Cette étude est une tentative d’éclaircissement d’un problème de société qui a fait son lot de victimes. On part du cas de R.F. pour illustrer l’effritement de la conviction politique en Haïti. Jeunes et politiques traditionnels tiennent difficilement pour long feu leur appartenance politique. Dans cette Haïti d’aujourd’hui, la conviction politique est l’objet de sérieux doutes. L’évaluation du cas-R.F. montre combien le Palais National peut jouer le rôle de dérangeur de conviction.


Références

Avril, P. (2004). Haïti 1995-2005 : le livre noir de l’insécurité. Boca Raton, USA
Décembre, W. (2006). Sur la pathologie dite morale de la politique haïtienne : restaurer l’état
contre les individus-états. Alterpresse, tiré de : https://www.alterpresse.org/spip.php?article5288#.XhiCUchKhPY
Moreau, E (2019). Phrase d’accroche pour une dissertation : comment faire ?
Scribb (le 31 juillet) tiré de : https://www.scribbr.fr/author/emma/
Remy, L. (2013). Réflexions stratégiques sur Haïti : sauvons un patrimoine universel en péril.
USA
Rezo Nòdwès. 2020. Nou Pap Konplis à Ricardo Fleuridor. Rezo Nòdwès tiré de :
https://rezonodwes.com/2020/01/05/nou-pap-konplis-a-ricardo-fleuridor-si-tu-vas-au-palais-rencontrer-jovenel-moise-cest-ta-demarche-personnelle-tu-seras-apres-exclu-du-groupe/
Tenzer, N. (2007) Éthique de responsabilité et éthique de conviction : l’intellectuel et le politique
dans les démocraties modernes. France. P. 123-124. Tiré de : https://www.cairn.info/pour-une-nouvelle-philosophie-politique– 9782130560302-page-103.htm#

2 COMMENTS

  1. 1ere partie

    Devoir de Mémoire…
    Je prends plaisir à bien savourer votre étude. Rien ne m’échappe au cours de “cette longue transition qui n’en finit pas.” Une fois une personne a été active dans sa spécialité et elle avait l’habitude d’occuper les espaces médiatiques, INDIGÈNE connait ses démêlés. Il m’arrive de suivre votre trajectoire politique, il y a des Erreurs de jeunesse, comme l’historien Gérard Pierre Charles et la multitude, ou te Pran kk pou bon Bè. Mais, je dois vous rendre cet hommage, vous n’êtes pas comme tes amis : J.V et H.M. Je veux marcher dans vos pas en utilisant que des initiales tout au long de mon texte. Il était une fois non pas Bruce Lee (quand j’étais gosse), mais la PERSPECTIVE HAITIENNE. Ou wè R.F. se tibebe. Je ferme la parenthèse.

    Dans le cas de R.F. et de la quasi-totalité des autres, il est trop facile de mettre en exergue, “une crise de conviction.” Connaissez-vous ces individus à fond? Connaissez-vous leurs familles? Connaissez-vous leurs écoles de pensées?

    Savez-vous pourquoi, “Le problème du manque de conviction est analysé par beaucoup d’écrivains, essayistes et journalistes.” Dans la majeure partie des cas, non seulement ils des lâches, mais parfois ce sont leurs amis, leurs frères et soeurs qui se comportent comme des crevards. À la suite de la mort de l’ancien dictateur Jean Claude Duvalier, au micro du journaliste Lesly Jacques, le journaliste et écrivain M.S. n’allait pas par quatre chemins en vue d’affirmer, “Baby Doc n’était pas le fils de son père, en parlant des Exactions et autres (Dimanche Magazine, RHAI, le 5 octobre 2014). Assurément, ce qui faisait plaisir au journaliste Jean Léopold Dominique. Je ne sais pas pour sa femme qui voulait s’en prendre à Baby Doc, tout en tissant des relations de bons voisinages avec les complices des assassins. C’est le moins que l’on puisse dire!

    Il est nécessaire de passer en revue certaines vos énoncées et les analyser à la lumière des FAITS HISTORIQUES, “Le Palais National est ciblé. Dans bien des cas, un appel du Palais National suffit pour rayer toute conviction politique.” Il ne faut pas assimiler un (e) journaliste, un prêtre ou un compatriote qui fait de la vocifération à « des convictions politiques. » Pour vous dire R.F. est un bébé par rapport à tous les Carl Lambert, les FAUX PROPHÈTES et PSEUDO-DÉMOCRATES. Se pa konsa Martelly, PHTK ak Jovenel rete yo sot tonbe sou tèt nou. Ils ont été mis en Selle par les pseudo-démocrates et par une certaine presse. Cette dernière est très active… Elle fait la promotion de ses ordures. !

    QU’est-ce que ça signifie, “Un appel du palais aura causé la disparition progressive de la conviction politique.” R.F. est très lon d’être un cas d’espèce. Au cours de son second mandat, le marasa RP avait démantelé tous les “partis politiques,” d’utiliser leurs cadres pour atteindre ses objectifs personnels et de bien servir le « groupe de Bourdon. » En deux temps trois mouvements, RP n’hésitait pas à demander à son ami et compère P.D. de penser plutôt à sa vieillesse, d’accepter d’être le ministre de la justice, d’abandonner sa boite à Rats (ou konn istwa yo tout: AR, AFJ, JHA, MH, elatriye) et de ne jamais faire référence à son rapport administratif (2001-2004). Il ne fait aucun doute, le petit frère de Petro Caribe. Le premier acte de Préval, a été de mettre fin à la poursuite judiciaire contre son frère siamois JB Aristide. Aujourd’hui, des associes des pouvoirs d’hier ne peuvent pas montrer les témoins historiques et patriotes ceux qui sont de bons grains et l’ivraie.

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