Lettre ouverte de 7 organisations, institutions, réseaux et plateformes aux membres du Conseil électoral provisoire, en date du 27 juin 2016
Mesdames, Messieurs les Conseillers,
Les organismes suivants, signataires de la présente communication, SOFA, CNO, CONHANE, JILAP, CARDH, POHDH et RNDDH, tous impliquées dans l’observation électorale, prennent note des récentes initiatives prises par votre Conseil, en vue de parachever le processus électoral débuté en 2015 ; ce faisant, vous prouvez que vous tenez à respecter le mandat qui vous a été accordé.
Cependant, ces organismes estiment de leur devoir de vous rappeler que l’avenir du pays est aujourd’hui entre vos mains. Vous avez en effet la possibilité de prendre d’importantes décisions de nature à aider la nation haïtienne dans sa quête d’une société juste et démocratique, basée sur le respect des valeurs et principes de droits humains.
Mesdames, Messieurs les Conseillers,
Les organismes signataires de la présente ont appris qu’en réponse à votre invitation, et à l’expiration du délai imparti, vingt-sept (27) candidats ont confirmé leur candidature aux présidentielles prévues pour le 9 octobre 2016. La confirmation réalisée, aujourd’hui, il s’agit de savoir si ces derniers sont aptes à se porter candidats.
En ce sens, ces organismes vous rappellent que le candidat à la présidence doit être une personnalité respectueuse des lois et des principes, et placée au-dessus de tout soupçon. C’est d’ailleurs sur la base de ces critères que les électeurs auront à voter pour celui qui sera investi du pouvoir de décider du sort du pays pour les cinq (5) années à venir.
C’est pourquoi vous pouvez aider la population haïtienne à faire un choix judicieux en épurant la liste des candidats. Pour ce faire, ces organismes vous recommandent, sur la base de l’article 128 du Décret Électoral de 2015, de prendre en compte, dans votre analyse des dossiers, la remise ou non des rapports narratif et financier relatifs à la subvention électorale qui a été attribuée lors des joutes électorales de 2015, aux partis et regroupements de partis politiques. En effet, l’article 128 dispose ce qui suit :
« Trente (30) jours après la publication des résultats officiels, le parti, groupement politique ayant reçu une subvention de l’Etat est tenu de faire parvenir au Conseil Electoral Provisoire (CEP) et au Ministère de l’Economie et des Finances (MEF), le bilan financier détaillé, signé d’un comptable agréé, accompagné des pièces justificatives des dépenses se rapportant à ladite subvention dans le cadre des joutes électorales.
Faute par le parti ou groupement politique de se soumettre à cette obligation, il est interdit de toute activité politique pendant cinq (5) ans au moins et dix (10) ans au plus, à prononcer par le BCEN sur convocation du Président du CEP. Après le délai de trente (30) jours prévu à l’alinéa ci-dessus, le Conseil électoral provisoire ou l’Etat haïtien dénonce le fait, aux fins de poursuites légales au Tribunal Correctionnel pour détournement. »
L’argent des contribuables ayant servi à financer la campagne électorale de certains candidats, les contribuables sont en droit de convoquer ces derniers en reddition de compte afin de savoir comment a été dépensé leur argent.
La candidature de tous ceux qui n’avaient pas, dans le délai de l’article 128, remis leurs rapports au CEP et au Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) devra tout simplement être rejetée. De plus, leurs noms ainsi que les informations relatives aux partis ou regroupements de partis auxquels ils appartiennent, doivent être connus de tous.
Mesdames, Messieurs les Conseillers,
Le CEP, en décidant d’inviter les candidats à la présidence, à venir confirmer leur candidature, a choisi de continuer avec le processus. Ainsi, il ne s’agit pas d’un recommencement. C’est pourquoi il s’avère indispensable que l’organe électoral exige des candidats qui avaient été subventionnés, de fournir leurs rapports narratif et financier, condition sine qua non à leur participation à ces nouvelles joutes électorales.
Les organismes signataires de la présente restent convaincus que l’application d’une telle mesure aidera éventuellement à réduire le nombre de candidats à la présidence considéré par plus d’un, comme étant encore trop élevé.
Mesdames, Messieurs les Conseillers,
Depuis votre investiture, vous ne ratez jamais l’occasion de mentionner, lors de vos interventions publiques, que le CEP est en train de s’évaluer.
Aujourd’hui, la société en général et les organismes signataires de la présente, en particulier, attendent les résultats de cette évaluation car elle permettra à tous d’avoir une idée des conditions de fonctionnement de cette importante instance que représente l’organe électoral.
Mesdames, Messieurs les Conseillers,
Les organismes signataires de la présente profitent de cette opportunité pour vous rappeler que la Commission Indépendante d’Evaluation et de Vérification Electorale (CIEVE) a été créée dans un contexte marqué par une grande suspicion orientée contre les candidats de 2015, suspicion selon laquelle, ces derniers auraient fait usage de la violence et de la fraude pour accéder au pouvoir. Le fait que certains d’entre eux, savoir les Parlementaires, aient été intronisés n’enlève rien au caractère crapuleux des crimes électoraux perpétrés les 9 août et 25 octobre 2015, qui leur sont reprochés.
Suite à son travail, la CIEVE a recommandé la soumission d’au moins certains cas, à une nouvelle appréciation du Bureau du Contentieux Electoral National (BCEN). Une telle recommandation a toute son importance car l’acceptation par plusieurs, du mandat qui a été accordé à la CIEVE implique aussi la mise en application de ses recommandations.
De plus, le principe de la « Chose souverainement jugée » ne peut être utilisé en tant que bouclier pour faire obstacle à la manifestation de la vérité. Ces organismes vous rappellent d’ailleurs, qu’il s’agit d’un principe selon lequel la même demande entre les mêmes parties agissant en les mêmes qualités, portant sur le même objet, soutenue par la même cause, est à nouveau portée par devant une juridiction. Or, de nouveaux faits mis à jour par le travail de la CIEVE changent la donne notamment, des faits de corruption impliquant les membres de l’ancien BCEN. C’est pourquoi il est primordial qu’une structure nouvelle, dépositaire de la confiance de la population haïtienne, se penche sur des cas jugés mal jugés.
Ces organismes vous rappellent aussi que l’article 239 alinéa 1 stipule qu’« Au cas où il s’avèrerait qu’un candidat ou candidate, parti, ou partisan d’un candidat ou candidate avaient utilisé la fraude pour se faire élire, le BCEN, sur simple requête du CEP, invalidera le pouvoir de l’élu et ce, sans préjudice des poursuites pénales à engager par le parquet compétent contre les fautifs. »
Enfin, ces organismes vous exhortent à donner suite à la recommandation de la CIEVE relative à la révision de certains cas car sinon, l’histoire retiendra que vous n’avez pas contribué à épurer un tant soit peu la cinquantième législature, qui aujourd’hui fait figure de l’instance la plus éclaboussée par ce scandale de fraude et de corruption.
Espérant que la présente communication retiendra votre plus grande attention, les organismes signataires de la présente communication, impliqués dans l’observation électorale, vous prient de recevoir, Mesdames, Messieurs les Conseillers, leurs distinguées salutations.
Pour authentification :
Pierre ESPERANCE
Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains – POHDH
Suivent les signatures de :
Marie Eveline LARRIEUX – Solidarite Fanm Ayisyèn – SOFA
Patrick LABBE – Conseil National d’Observation Électorale – CNO
Edouard PAULTRE – Conseil Haïtien des Acteurs Non Étatiques – CONHANE
Jocelyne COLAS – Commission Nationale Episcopale Justice et Paix – JILAP
Emmanuel NAZARE – Centre d’Analyse et de Recherche en Droit de l’Homme – CARDH
Joseph Maxime RONY – Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains – POHDH