La kokoratisation est à son paroxysme dans nos institutions privées et publiques

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Le Parlement, la Primature, la Présidence, la Banque Centrale, l’Université,  des églises, des écoles, le virus de la kokoratisation fait des ravages au sein de nombreuses institutions publiques et privées, anciennement classées prestigieuses au sein du pays.

Mercredi 25 septembre 2019 ((rezonodwes.com))– « Pito Nou lèd nou la[1] », est un titre provocateur de l’éditorial du 11 septembre 2019, du célèbre écrivain Gary Victor, paru dans les colonnes de « Le National ». Ce texte, épicé d’anecdotes et de paroles à la mode, campe la triste réalité de l’effritement et le sabotage des vertus, des valeurs, de l’esthétique, du travail bien fait et de l’esprit de compétition qui ternissent la lumière et la qualité dans nos pratiques quotidiennes.

Les comportements « kokorat » des acteurs alimentent et amplifient le « menfoubinisme », le nivellement par le bas, et brisent les mentalités de gagnant, l’esprit de l’effort, la recherche de l’excellence et la culture de grandeur d’âme qui devaient être les boussoles pour éclairer et illuminer nos actions, nos intuitions, nos inspirations et guider nos cerveaux dans les meilleures pensées et réflexions.

Le kokoratisme, couronné par ce régime politique indécent

Galvaudages effrénés des vertus et des valeurs, aujourd’hui, n’importe qui, venant de n’importe où, faisant n’importe quoi, et de n’importe comment, peut devenir ministre, directeur général ou parlementaire en Haïti. Les attitudes démocratiques et l’esprit de compétitivité ne sont plus les références sacrées et indémontables pour recruter et plébisciter les hommes et les femmes au timon des affaires. Il suffit d’un serment d’allégeance pour faire obstruction à la vérité, au procès Petrocaribe, à la justice, à la lumière sur les contrats louches de Dermalog, sur les connivences avec les bandits et les mercenaires, alors le jeune ou le vieux, honnête ou malhonnête, digne ou indigne, peut être désigné au poste de ministre, de premier ministre ou de conseiller spécial.

Le virus de la kokoratisation a atteint toutes les institutions, autrefois nobles au pays. La présidence, la primature, la Banque Centrale (BRH), le FAES, le BMPAD, le FDI, l’AGD, l’ONA et les ministères sont kokoratisés non seulement à travers des formes de recrutements déloyales et sans éthique ; mais aussi par le détournement de leurs magnanimes missions. Nos institutions, prises en otage par des parlementaires, des conseillers officiels, vivent de scandales et de comédies. Hier le FDI, le FAES, le CAS et l’ONA défrayaient la chronique dans des subventions et des prêts iniques versés à des parlementaires qui ne pourront les rembourser que lorsqu’ils auront atteint 120 ans, 140 ans ou 150 ans. L’ONI, le BMPAD, et l’APN perdent leur prestige et leur crédibilité en ouvrant leurs caisses à des cupides du pouvoir et en planifiant des missions opaques avec des firmes étrangères pour assurer l’identification des citoyens vivant sur le territoire.

Lorsqu’un une Première Dame a les mains trempées dans les malversations « dermalogues » et qu’un ancien Premier ministre, hypocrite du serment d’Hippocrate vous lance « Nous avons ce pouvoir pour 50 ans », on est en droit de douter très tôt de la crédibilité des résultats des scrutins à venir. Hier, la mission magouilleuse était dévolue à Ostos Sola ; aujourd’hui, le Dermalog n’étant pas en odeur de sainteté avec les concurrents politiques, la stabilité politique et sociale préélectorale et postélectorale est hypothéquée. Le jeu des urnes semble être vicié à la base. Les scandales continuent ; une toute récente, une des plus remarquables, un contrat de plus de vingt (20) millions de dollars est signees entre l’Etat Haïtien et une firme étrangère, sans l’approbation de la Cour des Comptes, violation flagrante des principes de passation de marché.

En plus de son impotence à faire respecter des mesures de dédollarisation, à freiner l’hémorragie de la monnaie nationale et assainir les transactions dans le système bancaire, la BRH s’afficherait aujourd’hui comme une véritable alliée de la gabegie financière. A en croire les investigations du sénateur de dossiers, Youri Latortue, la BRH serait de connivence avec la présidence pour alimenter la mauvaise gouvernance et la corruption officielle en pactisant avec une certaine Sofidai, une cousine d’Agitrans qui remplit ses caisses pour assurer des intermédiations entre la Banque des banques avec le secteur agricole. La Sofidai obtient-elle effectivement des prêts de la BRH au taux de 1% pendant qu’elle octroie des prêts aux entreprises agricoles au taux de 6% ? Ce serait un désordre financier d’importance capitale dans le système financier qui accorderait des privilèges à une certaine firme de s’enrichir juste à travers des trafics d’influence.      

Les universités publiques et privées piquées, à l’hypophyse, par le virus de la kokoratisation

Institutions élitistes dont la vocation consiste à réaliser des recherches, proposer des pistes de solutions aux gouvernants et assurer la formation des cadres du pays, l’université devait jouer un rôle crucial dans le prestige et l’image de la République. L’espace universitaire devait être une référence des pratiques de l’esthétique, de la promotion du savoir, des valeurs et de la compétitivité.  Les principales figures de cette prestigieuse entité, recteurs, doyens, professeurs et étudiants devaient ainsi se présenter à la société comme des symboles et des exemples pour nourrir les réflexions, les pensées critiques et les débats contradictoires. Ce n’est pas ce que l’on observe au pays. A l’inverse, l’université s’écarte des thématiques sociales. Petrocaribe, mercenaires, parlement, médias, coopérations internationales, justice sociale, ce sont autant de sujets sur lesquels devaient porter les réflexions cognitives à l’université. Les contributions de l’université dans la résolution des problèmes de la société sont quasiment nulles ou insignifiantes. Au lieu d’accompagner les étudiants dans la rédaction de leurs mémoires, des professeurs s’amusent à les rançonner, à travers un menu présentant des supports partiels ou des plats complets avec des prix respectifs, pour leur permettre d’obtenir leurs licences.

Au lieu de se concentrer sur leurs études et leurs recherches pour les boucler dans la durée normale, en général de quatre ans, des éternels étudiants sont devenus des pyromanes et des chronophages. Ils obtiennent des expertises en cassure de vitres de véhicules, en brûlure de pneus pour créer des congestions et des frustrations sociales.

La cerise sur le gâteau, l’université recrute des professeurs n’ayant même pas atteint la licence pour accompagner, former et préparer des étudiants à mettre sur le marché du travail. Des Instituts privés d’enseignements supérieurs accueillent des jeunes étudiants dans des surfaces restreintes qu’ils baptisent d’université.

Sans cour de récréation, sans espace de loisir, sans laboratoires, sans bibliothèques, un sous-ensemble important de ces écoles de cycles universitaires préparent l’avenir du pays. Des cours d’informatique sans ordinateurs, des sessions et des vacations du soir sans électricité, des professeurs sans niveaux, la kokoratisation s’assoit confortablement dans les salons élitistes du pays.

Les économistes du développement, Robert Lucas, William Easterly, Theodore Schults, Daron Acemoglu, etc. sont unanimes à confirmer qu’aucun pays ne peut emprunter la trajectoire de la croissance et de la prospérité s’il n’accorde pas une grande importance à la formation de ses élites. Jusques à quand les institutions du pays vont-ils dresser des plans stratégiques pour enterrer ces pratiques aveugles et inefficientes de destruction des valeurs, des vertus et des talents ?

Carly Dollin
carlydollin@gmail.com


[1] http://lenational.org/post_free.php?elif=1_CONTENUE/edito&rebmun=923

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