25 décembre 2025
Etzer Emile : Le budget rectificatif 2017-2018 n’est ni crédible ni au service de la population
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Etzer Emile : Le budget rectificatif 2017-2018 n’est ni crédible ni au service de la population

Le budget rectificatif 2017-2018, voté le 30 août et le 4 septembre 2018, respectivement à la Chambre des députés et au Sénat de la République, sera l’outil qui orientera les finances publiques légalement jusqu’au 30 septembre prochain.

par Etzer Emile

Port-au-Prince, samedi 22 septembre 2018 ((rezonodwes.com))– En fait, le budget rectificatif par définition est l’acte qui permet d’enregistrer les modifications des autorisations de dépenses et des prévisions de recettes afin d’ajuster le budget initial. Ces modifications doivent tenir compte des écarts dans la progression des recettes et des dépenses. Dans notre cas, avec des prévisions de recettes et dépenses qui ne sont ni crédibles ni sincères, la nécessité de rectifier le budget au cours de l’année fiscale devient une habitude.




En analysant ce budget rectificatif voté récemment par les deux branches du Parlement, nous voulons faire certaines considérations. D’abord, ce budget rectificatif régularise les écarts de gestion au cours de cet exercice fiscal qui ne se reflètent pas dans les agrégats financiers présentés dans le document budgétaire, À preuve, le déficit de 14 milliards de gourdes connu depuis juin dernier n’apparaît pas dans le tableau des opérations financières de l’État.

En effet, l’enveloppe globale du budget rectificatif est estimée à 145,6 milliards de gourdes contre 144,2 pour le budget initial. Les prévisions de recettes totales ont été revues à la hausse, pour passer de 93,44 milliards de gourdes à 99,16 milliards, soit une progression de 6,12%. Cette modification signifie que le gouvernement est encore plus optimiste qu’avant en termes de sa capacité à collecter des recettes.

Il faut dire que dans la réalité, durant les 9 premiers mois de l’exercice, ces ressources domestiques ont atteint 61,69 milliards de gourdes, soit 6,8 milliards de gourdes en moyenne mensuelle. Maintenant, tabler sur des recettes de 99,17 milliards veut dire que le gouvernement sera capable de collecter 38 milliards de gourdes en 3 mois. Un pari très hypothétique. Un fait en plus qui nous autorise à questionner la sincérité du budget.




Quand nous décortiquons un peu plus les recettes domestiques, nous constatons que les prévisions pour la rubrique « Autres recettes domestiques » comprenant l’apport des entreprises publiques, timbre, matricule fiscale et autres pénalités, frais d’arpentage, frais administratifs et autres recettes non fiscales sont estimées à 13,3 milliards de gourdes, alors que pour les neuf mois écoulés, les recettes encaissées dans ces catégories n’étaient autre que 294 millions de gourdes. Avec quelle magie le gouvernement va-t-il pouvoir compléter les 294 millions de gourdes pour atteindre 13,3 milliards de gourdes en seulement 3 mois d’exercice ? À noter que 3 des 13,3 milliards de gourdes prévues concernent la vente de concessions d’immobilisations incorporelles, qu’il faut réaliser en si peu de temps. Hypothétique !

Les fonds locaux d’aménagement et de développement du territoire des communes sont passés de 6,45 millions de gourdes par commune à 7,37 millions par commune, soit une augmentation de 129 millions de gourdes à décaisser en moins de 20 jours pour les communes.

Autre constat, la composante « Interventions d’urgence » est passé de 350 millions de gourdes dans le budget initial à 1,7 milliards de gourdes dans le budget rectifié, soit une augmentation de 385%. Le pays attend donc les interventions d’urgence de dernière heure. Plus loin, la ligne « Conception et mise en œuvre de projets de développement territorial » est passée de 150 millions à 616 millions de gourdes, soit une augmentation de 310 %. Ces crédits iront-ils aux collectivités ou aux parlementaires ?




Parlant de parlementaire, le budget d’investissement du pouvoir législatif a totalement été désaffecté de 1,53 milliards de gourdes. Simultanément, nous constatons une augmentation de 250 millions de gourdes du fonctionnement du pouvoir législatif et l’augmentation des 1,35 milliard de gourdes sur Interventions d’Urgence au ministère de la Planification. L’argent lâché par les parlementaires est peut-être retourné vers eux passant de la main gauche à la main droite. Bref, ces modifications suscitent des suspicions et des interrogations. Plus loin, la rubrique « Autres interventions publiques » a carrément doublé passant de 7,6 milliards à 14,7 milliards de gourdes. Une modification qui est justifiée en partie par les 3,8 milliards de gourdes de subventions pour la rentrée des classes, 2,8 milliards pour l’octroi du 14e mois aux agents publics, 1 milliard de gourdes pour la subvention de l’EDH et certaines dépenses liées aux contrats de production de carte identification nationale et de passeports.

Une autre considération: ce budget rectificatif exprime et renforce plus que jamais la domination des dépenses de fonctionnement au détriment de l’investissement où la masse salariale de la fonction publique avoisine la moitié des ressources domestiques de l’État. En effet, les dépenses de fonctionnement ont grimpé de près de 11 milliards de gourdes passant de 73,32 milliards du budget initial à 83,94 milliards de gourdes dans le budget rectificatif, soit une augmentation de 14,5% réduisant donc les marges de l’État pour intervenir en investissement au profit de la population. À noter que ces modifications ont porté les investissements à hauteur de 61,7 milliards de gourdes contre 70,8 milliards de gourdes prévus initialement, soit une réduction de 14,7%.

Cette situation dénote la gestion non prudente des finances publiques et aura un impact négatif sur le change dans un contexte où le dollar bat les records et sur l’inflation qui enregistre son 36e mois consécutif d’un taux à deux chiffres. Parallèlement, la dette publique s’alourdit et son service absorbe environ 10% du budget total, soit 14,4 milliards de gourdes. À noter que ce montant est supérieur aux crédits budgétaires cumulés accordés à neuf ministères réunis (Santé publique, Affaires sociales, Commerce et Industrie, Culture, Environnement, Tourisme, Jeunesse et Sport, Défense et Condition féminine).

Le gouvernement de Céant doit absolument faire mieux et surtout très vite pour soumettre un budget 2018-2019 réaliste, crédible, sincère, inclusif et qui soit au service de la croissance et du développement socioéconomique.

Etzer Emile
Économiste

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