23 décembre 2025
A chacun son Haïti : Alors, c’est quoi le peuple haïtien ?
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A chacun son Haïti : Alors, c’est quoi le peuple haïtien ?

par Aristilde Deslande

Lundi 16 juillet 2018 ((rezonodwes.com))– La sociologie linguistique de la politique haïtienne a tendance à relativiser le mot peuple à la classe la plus défavorisée. C’est le peuple qui a faim, c’est lui qui doit avoir droit à l’éducation, la santé et ça et là. C’est lui qui se révolte. C’est pour lui qu’on se bat, il est la grande victime.

Sur plusieurs angles on devrait constater que nos classes économiques, sociales, culturelles et intellectuelles ont du mal à se synchroniser pour se plonger dans une forme d’homogénéité pour la vue d’ensemble. Le peuple devrait être l’ensemble des haïtiens. Nous ratons le marchons unis.




Le principe du Droit international pour avoir un État est clair, nous avons besoin de trois éléments fondamentaux à savoir : Le territoire, un groupe de personnes manifestant la volonté de vivre ensemble et au final les institutions juridico-politiques. Nous sommes certains d’avoir deux de ces éléments mais, l’absence de la volonté de vivre ensemble nous prive de l’un des angles du triangle. Historiquement nous n’avons jamais cherché à nous doter concrètement d’une vision commune nous permettant de nous identifier à travers celle-ci.

Sur une base conjoncturelle, les affranchis (mulâtres conçus d’union de blancs et d’esclaves) se sont entendus avec les nègres pour chasser les blancs de la colonie et en faire un pays. Une volonté de construire un État se manifeste de la planification de la bataille pour l’indépendance jusqu’à la proclamation de l’indépendance. Après, la conjoncture a changé, les intérêts aussi. La vision de Dessalines n’est pas celle de Pétion, le père de l’indépendance assassiné, le pays est scindé en deux puis en trois. Une guerre ethnique froide nous ravage et nous donne deux groupes hétérogènes « nègres et mulâtres ».

Plus tard, vers la fin du 19e siècle nous allons accueilli des réfugiés arabes fuyant l’empire Ottoman qui les dominait à l’époque. Nous n’étions pas capables de nous entendre, nous voilà maintenant mélangés à ces étrangers en quête d’une terre d’accueil et d’opportunité sans penser à quoi ressemblera notre futur collectif. Jadis ils étaient des va-nu-pieds, aujourd’hui c’est quasiment eux qui constituent l’élite économique du pays. De fait et de Droit ils sont des haïtiens mais, n’étant jamais dotés d’un projet de société le sujet reste sceptiquement tabou. Nous continuons à vivre ensemble dans la plénitude de notre hétérogénéité.




Inversement, depuis François Duvalier, la circonstance socio-politique pousse de nombreux citoyens à fuir le pays. Nous avons un grand pourcentage de la population vivant dans la diaspora. Dans le sentiment d’appartenance, sont-ils encore des haïtiens ? La réponse ne peut être que : Peut-être ! Ce qui est flagrant, c‘est que leurs enfants eux dans l’espoir d’un meilleur lendemain sont devenus des étrangers. Aujourd’hui ce que l’on devrait appeler classe moyenne devrait dans un avenir pas lointain avoir comme langue maternelle « l’anglais ». Au lieu de chercher une solution collective à ce problème sociétal qu’est :

« Qu’est-ce que le peuple haïtien ? » Cette classe a choisi de créer une couche de la diaspora haïtienne en Haïti même.

Nous ratons le marchons unis à cause de notre éducation qui fonctionne avec une pluralité de vitesse. Nous le ratons aussi parce que nous avons le pays et le « Pays en dehors ». Nous ne ressemblons pas à un peuple parce que nous sommes trop riches en contraste et contradiction. Nous ne le ressemblons pas non plus parce que nous ne nous définissons pas mais nous nous laissons définir. Nous ratons notre propre pays lorsque nous nous sentons étrangers chez nous. Nous ratons notre pays lorsque le sentiment d’appartenance, le désir de vivre ensemble et la fierté que nous devrions avoir pour lui nous allons les prostituer pour le bien-être d’un autre pays avec conviction que c’est la meilleure solution.




Notre devise devrait être : « Haïti n’ira nulle part mais, je peux partir !

Cicéron écrit dans La République : « Par peuple, il faut entendre, non tout un assemblage d’hommes groupés en un troupeau d’une manière quelconque, mais un groupe nombreux d’hommes associés les uns aux autres par leur adhésion à une même loi et par une certaine communauté d’intérêt.

» C’est quoi le peuple haitien si chacun de nous a un Haïti ?

Aristilde Deslande

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