L’Edito du Rezo
Le portail officiel de la Présidence haïtienne apparaît aujourd’hui comme un espace institutionnel vidé de sa substance juridique. Depuis l’intervention publique de Fritz Alphonse Jean, aucune publication substantielle n’y a été versée, alors même que les usages républicains commandent une information régulière du public (officium publicandi). L’omission totale du 29 novembre 1987, date marquante de l’histoire politique nationale, manifeste un affaissement du respect historique exigé par la fonction. Alix Didier Fils-Aimé, réduit à « commémorer » au moyen d’un simple communiqué dépourvu d’assise institutionnelle, ne parvient même pas à se rendre à la ruelle Vaillant, lieu symbolique par excellence. Facta loquuntur: la vacuité de l’exercice montre un pouvoir sans autorité effective.
Ce contraste devient manifeste lorsqu’on observe des initiatives officielles disséminées hors du cadre protocolaire. La lettre de Laurent Saint-Cyr, jamais publiée sur le site présidentiel, révèle une rupture profonde entre les conseillers et l’espace officiel censé porter leur parole. Le cas de M. Vertilaire renforce cette impression. Après des mois de démarches pour obtenir une aide de 200 000 dollars destinée à la mairie du Cap-Haïtien, aucune information relative au contrôle et à l’usage de ces fonds n’apparaît sur les plateformes institutionnelles. Quis custodiet ipsos custodes? Dans un État de droit, un tel financement relève de la compétence de la Cour des comptes ou de l’organe chargé du contrôle financier (supervisio fiscalis). Le silence institutionnel alimente ainsi une suspicion légitime quant à la traçabilité des sommes engagées.
Les autres membres du CPT, intervenant de manière sporadique sur divers canaux non coordonnés, montrent une désarticulation du fonctionnement de l’organe lui-même. Le site officiel, censé constituer la vitrine constitutionnelle de leurs actes (lex scripta), demeure étrangement immobile. Cette apathie institutionnelle traduit l’effacement progressif du CPT comme entité politique cohérente. L’organe, pourtant présenté comme l’architecte de la transition, se retrouve réduit à une juxtaposition de voix dispersées, sans corpus décisionnel, sans communication consolidée, sans visibilité juridique. Non liquet: rien ne permet désormais d’identifier une centralité décisionnelle authentique.
Dans cette configuration, la parole numérique de chacun des membres — y compris celle d’Alix Didier Fils-Aimé — s’efface dans l’inconsistance. Ces déclarations isolées, souvent improvisées, ne possèdent plus de portée exécutoire ni d’autorité publique. Elles relèvent davantage d’une expression individuelle que d’un mandat institutionnel validé, presque deliramenta verbalia. Le jour où ces acteurs quitteront l’orbite financière et administrative de l’État, leurs messages épars ne laisseront dans les archives qu’une trace ténue. L’histoire retiendra cet épisode comme un interrègne sans gouvernance effective, un moment où le CPT, in facto, avait cessé d’exister avant même d’être remplacé.


