Le 28 novembre 1980 reste gravé comme le jour où l’appareil d’État lança une vague d’arrestations visant journalistes, militants et professionnels engagés dans la défense des droits. Les salles de rédaction furent perquisitionnées, plusieurs stations de radio contraintes au silence, et de nombreuses voix critiques expulsées ou emprisonnées. Cet épisode mit fin à une phase d’ouverture fragile qui avait permis l’émergence d’un espace public animé, avant que la peur ne réinstalle son règne.
Cinq ans plus tard, le 28 novembre 1985, la contestation lycéenne éclata à Gonaïves. Trois adolescents — Jean-Robert Cius (elève du CIC), Mackenson Michel et Daniel Israël — tombèrent sous les tirs d’unités répressives lors d’un mouvement étudiant. Leur mort s’imposa immédiatement comme un symbole national, celui d’une jeunesse qui refusait la résignation. Les « Twa Flè Lespwa » devinrent l’un des marqueurs de la mobilisation populaire qui s’intensifiera jusqu’aux événements de février 1986.
Ces deux dates complètent un même cycle d’étouffement et de résistance. La répression contre la presse en 1980 démontre la stratégie du pouvoir visant à contrôler le discours public ; l’assassinat des lycéens en 1985 met en lumière la peur d’un régime face à la mobilisation de la jeunesse. Ensemble, ces épisodes traduisent la logique autoritaire d’un système qui ne reculait devant aucune mesure pour se maintenir.
La mémoire collective associe ces deux 28 novembre à une montée en tension qui transforma la société haïtienne. Journalistes bannis, intellectuels réduits au silence, familles endeuillées, diaspora mobilisée : autant de strates d’un même traumatisme. Les témoignages des survivants rappellent la portée humaine de ces événements, au-delà des bilans officiels et des récits institutionnels.
Aujourd’hui encore, ces deux anniversaires alimentent les débats sur la liberté, la responsabilité publique et l’exigence de justice. Chaque commémoration réveille un fil historique où se croisent la défense de la liberté d’expression, l’engagement citoyen et la résistance contre la violence d’État. Le 28 novembre demeure ainsi un miroir tendu à la nation, rappelant les continuités et les fractures qui jalonnent le parcours du pays vers un ordre démocratique.

