Analyse – Port-au-Prince, 6 novembre 2025
L’Administration Générale des Douanes (AGD) a choisi sa bataille : celle de la moralité. En interdisant l’importation de sextoys et d’objets jugés contraires aux bonnes mœurs, elle se drape d’un voile de vertu institutionnelle. Or la question demeure : où s’arrête la morale et où commence la complicité ? La douane s’élève-t-elle avec la même fermeté contre les cargaisons d’armes et de munitions qui franchissent chaque semaine les frontières ?
Les communiqués officiels s’attardent sur les « faux pénis », mais taisent les armes semi-automatiques dissimulées dans les conteneurs de vivres ou d’appareils électroménagers. Dans un pays où le trafic d’armes a fait de Port-au-Prince un champ de tir, le zèle moral semble soudainement sélectif. Les mœurs qu’on prétend défendre paraissent moins offensées par la mort d’enfants que par la présence d’un objet intime.
Cette sévérité pudibonde tranche avec l’indulgence dont bénéficient les pilleurs de caisses publiques, les percepteurs d’ombre et les receveurs fantômes. Voler l’État, détourner le bien commun, c’est pourtant une atteinte directe à la morale sociale — celle que la Bible range parmi les péchés contre la justice : « Tu ne voleras point ». Les institutions, elles, semblent y voir un acte administratif corrigible, rarement condamnable.
L’AGD invoque la moralité, mais son autorité morale se mesure moins à ses discours qu’à sa capacité de s’opposer aux réseaux qui alimentent l’insécurité. Tant que la frontière demeurera poreuse aux armes et hermétique à la transparence, les interdits de façade n’auront qu’une valeur décorative.
La vraie pudeur, dans un État appauvri et corrompu, serait celle de ne pas se dérober à la honte collective : celle d’un pays qui traque les objets du plaisir mais ferme les yeux sur le commerce de la mort.
cba

