23 octobre 2025
Edito | Haiti-Observateur – Élections en 2026 : Confusion partout, les électeurs haïtiens maintenus dans l’ignorance
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Edito | Haiti-Observateur – Élections en 2026 : Confusion partout, les électeurs haïtiens maintenus dans l’ignorance

Editorial du 23 octobre 2026 de Haïti-Observateur

Qu’on le veuille ou non, entre ceux qui gouvernent présentement Haïti et les vrais dirigeants, représentés par la communauté internationale, sous la baguette de Washington, se trame une conspiration — encore une autre — contre la souveraineté d’Haïti. Ainsi se caractérise la confusion délibérément entretenue sur la tenue des élections annoncées pour novembre 2025, alors que rien n’autorise à croire que le peuple haïtien sera convoqué aux urnes, à la date fixée par le Conseil électoral provisoire (CEP). D’un côté comme de l’autre, la supercherie abonde au sujet des élections. À ce rythme, seuls les dirigeants haïtiens et leurs patrons internationaux savent ce qu’ils tireront de leur chapeau, par rapport au prochain scrutin.

En effet, bien que, tant du côté du gouvernement dirigé par le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé que du Conseil présidentiel intérimaire (CPT) ou du CEP, se multiplient les activités, mais surtout s’effectuent les dépenses à coups de millions, à cette fin, rien ne laisse croire que celles-ci mèneront à un appel des citoyens aux urnes. D’aucuns accusent le pouvoir de « tourner en rond », à dessein, afin de faire durer le plaisir de jouir des avantages procurés par leurs fonctions. D’autres pensent que les acteurs s’engagent plutôt à percevoir leurs gros salaires inscrits dans les budgets de financement des activités liées à la tenue des élections, plutôt qu’à prendre des mesures concrètes exigées par l’organisation de vraies élections, transparentes, sincères et démocratiques.

Selon toute vraisemblance, les pays qui jugent du destin du CPT sont disposés à tolérer cette structure jusqu’au 7 février 2026, date de la fin du mandat de la présidence tournante, satisfaits que les actions et décisions prises sous l’administration de cette dernière confortent leurs politiques et diplomaties, les raisons à la base de la création de l’Exécutif multicéphale. Pourtant, la contradiction éclate entre l’objectif visé par la gent du pouvoir en Haïti et les attentes de la communauté internationale.

Bien que celle-ci ait placé la nécessité des élections au centre de la feuille de route imposée au CPT, elle ne s’exprime pas de manière rationnelle sur la date du scrutin. D’ailleurs, alors que, selon le protocole établi par les pays tuteurs, le mandat de l’Exécutif tournant prend fin le 7 février 2026, le Conseil électoral, qui s’est ravisé par rapport à la tenue du scrutin en novembre 2025, se trouve confronté à un nouveau revirement.

Déjà, il se répète, dans les milieux gouvernementaux, qu’il pourrait être envisagé l’organisation du scrutin au mois de novembre de l’année prochaine. Cela crée la confusion, car mettant l’équipe au pouvoir aux antipodes des espérances de l’international, dont Washington passe pour chef de file, dans l’expression des décisions par rapport à Haïti.

En effet, en marge de la 80e Assemblée générale des Nations Unies, le mois dernier, à New York, dans le cadre d’une conférence de presse, le Chargé d’Affaires des États-Unis en Haïti s’est prononcé, de manière catégorique, sur la vie du CPT. Faisant office de porte-parole du Département d’État, Henry T. Wooster a déclaré que Laurent Saint-Cyr et ses coconseillers présidentiels n’ont pas un mandat à vie. Autant dire qu’arrivé le 7 février 2026, date à laquelle prend fin leur pouvoir, il n’y aura aucune prolongation : il leur sera montrée la porte.

Dans la mesure où le CPT ne dispose pas de l’autorité de prolonger sa vie et qu’il n’a d’autre choix que de se soumettre au diktat des entités qui l’avaient investi des pouvoirs présidentiels, et se retirer, la queue entre les pattes, attendant qu’une instance judiciaire décide de son sort, pour les nombreuses dérives qui entachent sa gestion.

Car, à la lumière des mauvais sorts qu’ont connus Pierre Réginald Boulos et Dimitri Vorbe, en sus d’autres membres de l’élite politique, du milieu des affaires ou même de l’univers des gangs armés frappés de sanctions par les États-Unis, le Canada ou encore l’ONU, tout sera possible en ce qui concerne le leadership multicéphale.

Surtout que ces dernières expériences démontrent que, nonobstant leur silence sur les dénonciations des crimes commis par les hommes du pouvoir en Haïti, particulièrement dans la presse haïtienne, la communauté internationale était à l’écoute. Il y a fort à parier que la justice américaine ne restera pas indifférente aux différentes formes d’abus de pouvoir, tels que corruption, détournements de fonds publics, demandes de pots-de-vin, ventes de postes dans l’administration publique et relations avec les gangs, commis par le CPT.

Il est vrai que les élections restent un passage obligé pour remettre la démocratie sur les rails, en Haïti. Mais cela ne peut se faire avant que ne soient rétablies la paix et la sécurité. Car avec les brigades des gangs armés en contrôle et dont les activités criminelles s’étendent à plus de 85 % à la capitale, où se trouvent 65 % des électeurs inscrits, et dans l’Artibonite, où habitent 15 % des votants potentiels, personne ne peut donner l’assurance que les gangs armés laisseront se dérouler les scrutins dans la paix et la sérénité.

À ces données s’ajoutent celles du Centre et du Plateau Central, devenus également des cibles récurrentes des gangs, surtout de « Viv Ansanm » et de « 400 Mawozo », mettant aussi en péril la participation d’autres citoyens à des élections. Au bout du compte, rien n’autorise à croire que même 15 % des électeurs pourraient remplir leur devoir civique dans un scrutin déroulé sous l’empire des gangs armés.

Voilà, dans un tel cas, des élections « bouyi vide », « de pacotille », diraient d’autres, qui seraient inacceptables dans tout pays évoluant sous l’égide de la démocratie.

Après plusieurs interventions dans lesquelles il plaide en faveur de la neutralisation des criminels armés, mais aussi un audit sur plus de 800 000 doublons constatés dans la liste construite par l’Office national d’identité (ONI), aussi bien que sur la nécessité de préparer une « liste spéciale des déplacés internes », qui sont restées ignorées, l’ingénieur Alex Saint Gardien Jecrois, expert des élections respecté, est revenu à la charge.

Aussi, dans une dernière lettre ouverte adressée au Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, pose-t-il la question suivante : « Comment envisager la tenue d’élections crédibles et inclusives dans une situation aussi invivable ? Plus d’un million cinq cent mille (1 500 000) personnes sont aujourd’hui déplacées à travers la région métropolitaine, qui regroupe environ quatre millions (4 000 000) d’électeurs inscrits, représentant 65 % du corps électoral national. L’Artibonite compte près de 15 %, tandis que les 20 % restants sont dispersés dans huit départements où l’instabilité et l’insécurité entravent gravement toute préparation électorale. »

Plus loin, dans le même document, il réitère des arguments qu’il a répétés déjà à plusieurs reprises, mais qui ont été tout bonnement ignorés. Il relance, en ces termes, ses préoccupations : « À ces difficultés s’ajoute un grave problème d’authenticité des données électorales. Environ huit cent mille (800 000) cartes nationales d’identification seraient actuellement dupliquées dans le système de l’Office national d’identification (ONI). Un audit avait été envisagé à cet effet, et une firme étrangère, Satori Consulting Firm, basée à New York, avait été contractualisée et payée par le gouvernement de l’ancien Premier ministre Ariel Henry pour en assurer la vérification. Cependant, cet audit n’a jamais été exécuté depuis l’année 2023, laissant planer de lourds doutes sur la fiabilité du registre électoral. »

Dans la même correspondance, Alex Saint Gardien Jecrois exhorte le Conseil électoral (CEP) à effectuer une « réinscription spéciale » des déplacés internes, dont la grande majorité se trouve dans l’Ouest, mais aussi plus de 500 000 émigrés en provinces, notamment à Léogâne, Petit-Goâve et aux Cayes, dans le Grand Sud. Il a ajouté l’installation de « centres de vote de proximité » pour faciliter les électeurs dans l’exercice de leur obligation citoyenne, y compris « (…) la mise en place d’un système électoral électronique sécurisé, fondé sur la technologie blockchain, s’impose pour protéger l’intégrité, la transparence et la traçabilité du processus électoral. »

Et l’expert des élections termine sa lettre à Alix Didier Fils-Aimé par ces phrases : « Monsieur le Premier ministre, assurer des élections libres, sûres et crédibles exige non seulement la bonne volonté du Gouvernement, mais aussi une approche pragmatique, fondée sur la transparence des institutions et la fiabilité du système d’identification nationale. C’est à cette condition que la démocratie pourra véritablement renaître en Haïti. »

On se souvient, d’heureuse mémoire, comment s’étaient déroulées les élections tenues en Haïti, dont les différentes étapes étaient franchies dans l’ordre et la transparence. Avec le CPT et le gouvernement d’Alix Didier Fils-Aimé, on ne voit pas un CEP véritablement au travail. La confusion règne de manière absolue !

Mais l’unique chose certaine : le budget des élections est dépensé à coup sûr ! Alors les mises en garde contre ce scrutin, qui sera programmé dans le sens d’intérêts autres que ceux du peuple haïtien, sont de mise. Il faut donc barrer la route à cette consultation populaire, dont le résultat sera la catastrophe prévue.

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