21 octobre 2025
Pourquoi 500.000 armes illégales sont-elles en circulation en Haïti malgré l’embargo décrété par l’ONU ?
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Pourquoi 500.000 armes illégales sont-elles en circulation en Haïti malgré l’embargo décrété par l’ONU ?

Par Daniel Dickinson

On estime que jusqu’à 500.000 armes illégales, allant des armes de poing aux fusils semi-automatiques de guerre, sont entre les mains de gangs en Haïti, alors même que ce pays des Caraïbes est soumis à un embargo sur les armes décrété par l’ONU depuis trois ans. 

Haïti est confronté à une grave crise sécuritaire : des gangs rivaux se disputent le contrôle de la capitale, Port-au-Prince, et des zones environnantes, tout en terrorisant les habitants par des extorsions, des violences sexuelles, des enlèvements et des meurtres.

Face à ces violences, les États membres de l’ONU avaient convenu d’imposer un embargo sur les armes à Haïti en 2022.

Vendredi, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité une résolution qui reconduit pour un an le régime de sanctions en Haïti, y compris l’embargo sur les armes, l’interdiction de voyager et le gel des avoirs. Il a aussi ajouté deux personnes à la liste des sanctions prévues par la résolution de 2022. 

Malgré les efforts de la communauté internationale, qu’est-ce qui a mal tourné ? ONU info répond à cinq questions pour mieux comprendre la situation en Haïti.

Combien y a-t-il d’armes en Haïti ?

Haïti ne fabrique pas d’armes à feu ni de munitions, mais selon les derniers chiffres publiés par le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies, on estime qu’il y a entre 270.000 et 500.000 armes illégales en circulation.

Elles ne sont pas seulement entre les mains des nombreux gangs meurtriers, mais aussi courantes parmi le nombre croissant de groupes d’autodéfense qui tentent de protéger les personnes et les biens dans les quartiers troublés de Port-au-Prince.

L’impact d’un tel nombre d’armes dans une zone métropolitaine d’environ 2,6 millions d’habitants est dévastateur. Rien qu’en 2024, plus de 5.600 personnes ont été tuées dans le cadre d’activités liées aux gangs, selon l’ONU.

Les violations et abus des droits humains documentés par l’ONU comprennent des massacres, des enlèvements contre rançon, des viols et des exploitations sexuelles, la destruction de biens et des restrictions sévères à l’accès aux services essentiels, en particulier aux soins de santé et à l’éducation.

Des milliers de personnes ont été tuées en Haïti à cause des guerres de gangs.

© UNOCHA/Giles Clarke

Des milliers de personnes ont été tuées en Haïti à cause des guerres de gangs.

Quelles armes à feu sont en circulation ?

Il est difficile d’estimer avec précision le nombre d’armes à feu illégales entre les mains des gangs et des groupes d’autodéfense, mais certains indices montrent que des armes plus sophistiquées et plus meurtrières sont utilisées.

Les autorités haïtiennes ont peu de succès dans leurs efforts pour mettre fin au trafic d’armes. Cependant, une cargaison d’armes achetées à Miami aux États-Unis, et interceptée en République dominicaine en février 2025 comprenait un fusil semi-automatique lourd Barret M82, des fusils de précision, une mitraillette Uzi et plus de 36.000 cartouches.

Un homme est soigné pour de graves brûlures à l'hôpital après que des gangs ont attaqué et provoqué un incendie dans la station-service où il travaillait.

© UNOCHA/Giles Clarke

Un homme est soigné pour de graves brûlures à l’hôpital après que des gangs ont attaqué et provoqué un incendie dans la station-service où il travaillait.

Que dit l’embargo ?

L’embargo sur les armes, ainsi que les interdictions de voyager et le gel des avoirs visant certaines personnes ont été autorisés par le Conseil de sécurité de l’ONU en octobre 2022.

Ciblant spécifiquement les gangs et les individus jugés responsables de menacer la paix et la sécurité en Haïti, l’embargo appelle les États membres de l’ONU à interdire l’approvisionnement, la vente ou le transfert d’armes de tous types. Il interdit aussi l’assistance technique, la formation et le soutien financier liés aux activités militaires, et reconnaît que la situation en Haïti constitue une menace pour la paix régionale.

Des armes et des munitions saisies sont exposées par les autorités américaines.

© CPB/HSI

Des armes et des munitions saisies sont exposées par les autorités américaines.

Comment l’embargo est-il contourné ?

L’embargo est contourné principalement par des itinéraires de trafic depuis les États-Unis, principalement depuis Miami, mais également depuis New York via la République dominicaine, souvent en raison de la faiblesse des contrôles douaniers et de la corruption.

Certaines cargaisons réussissent cependant à être interceptées par les autorités américaines avant d’atteindre Haïti.

Il existe également des preuves d’expéditions d’armes depuis le Venezuela et d’autres pays d’Amérique du Sud. Les armes sont souvent dissimulées dans des cargaisons mixtes ou déclarées comme des marchandises humanitaires ou commerciales afin d’échapper aux contrôles.

Il y a aussi des inquiétudes croissantes que des fusils d’assaut initialement enregistrés auprès de sociétés de sécurité privées opérant en Haïti finissent entre les mains de membres de gangs.

Des gens fuient le quartier de Solino à Port-au-Prince en raison d'attaques par des gangs en mai 2024.

© UNICEF/Ralph Tedy Erol

Des gens fuient le quartier de Solino à Port-au-Prince en raison d’attaques par des gangs en mai 2024.

Que faut-il faire pour garantir le respect de l’embargo et comment l’ONU apporte-t-elle son aide ?

L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), qui s’occupe des questions de trafics, déclare que pour garantir le respect de l’embargo, il faut adopter « une approche globale et coordonnée aux niveaux national, régional et international ».

« La lutte contre la corruption et les flux financiers illicites reste également essentielle pour assurer le respect de l’embargo », affirme l’agence onusienne.

Cela signifie qu’il faut doter les autorités douanières, portuaires et frontalières haïtiennes des capacités techniques nécessaires pour détecter, intercepter et enquêter sur les transports d’armes illicites.

À l’heure actuelle, il n’existe pas un seul scanner grand format dans tout Haïti qui permette d’identifier efficacement le contenu d’un conteneur ou d’un camion.

Étant donné que la plupart des armes entrent en Haïti par voie maritime, il est essentiel d’améliorer la sécurité maritime et portuaire – y compris les inspections – ainsi que de travailler plus efficacement avec les autorités chargées de l’application de la loi dans les pays d’origine.

De plus, l’octroi de ressources supplémentaires le long de la frontière poreuse avec la République dominicaine, qui partage l’île d’Hispaniola avec Haïti, contribuerait à mettre fin au trafic illicite par des points de passage non officiels.

L’ONU contribue à la coordination entre Haïti et d’autres pays de la région afin de garantir le respect de l’embargo, et fournit une assistance technique pour renforcer le traçage des armes, les contrôles douaniers et les enquêtes financières.

« La lutte contre la corruption et les flux financiers illicites demeure également essentielle au respect de l’embargo », souligne l’ONUDC.

Étant donné qu’Haïti ne fabrique ni armes ni munitions, la seule interruption de l’approvisionnement en balles mettrait fin à la capacité des gangs à s’affronter et à terroriser les communautés.

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