Jean-Jacques Dessalines a marqué l’histoire universelle comme le plus grand général de l’histoire des Noirs, en réalisant ce que d’autres ont tenté sans succès à maintes reprises. Il est non seulement le fondateur de la nation haïtienne, mais aussi le libérateur symbolique des peuples d’Amérique latine, à travers sa doctrine militaire et son idéal d’émancipation totale.
Selon la théorie hégélienne de l’histoire, l’humanité avance à travers une dialectique de la liberté : chaque époque voit naître des hommes qui brisent les chaînes du passé pour permettre à la conscience humaine de progresser. Dessalines, par son génie militaire et sa vision souverainiste, incarne cette étape de la dialectique : le passage de l’esclave à l’homme libre, l’affirmation de l’humanité noire face à un monde esclavagiste.
Mais comme le rappelle Karl Marx, « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes ». L’indépendance politique de 1804 n’a pas aboli le système économique colonial ; elle n’a fait que le déplacer. L’Haïtien est devenu libre juridiquement, mais économiquement dépendant. C’est ce système économique – celui de l’exploitation, du monopole et de la dépendance – qui a assassiné le Père de la Nation, et qui continue encore aujourd’hui de maintenir Haïti dans un état de soumission.
L’histoire, disait Fernand Braudel, n’est pas une simple suite d’événements, mais une structure longue, un mouvement lent qui façonne les civilisations. Si Dessalines a accompli la révolution politique, il appartient à notre génération d’accomplir la révolution économique et sociale : celle qui brisera les structures coloniales persistantes et donnera à Haïti son autonomie véritable.
L’histoire, ajoutait Marc Bloch, « n’est pas la science du passé, mais celle des hommes dans le temps ». Elle ne se récite pas comme un catéchisme, elle s’étudie comme une voie de transformation. Elle est une religion civique, un dogme de progrès. L’histoire d’un peuple est à la fois sa mémoire et sa boussole ; elle doit inspirer, corriger et motiver.
Nous ne pouvons pas changer le passé, mais nous avons le devoir de transformer l’avenir. Et pour cela, nous devons poursuivre l’idéal de Dessalines.
S’il nous a donné l’indépendance politique, le plus grand défi de notre génération demeure l’indépendance économique.
Haïti ne pourra jamais décoller sans une véritable révolution économique et sociale, car la politique sans l’économie est une illusion, une parole sans chair.
La révolution dessalinienne doit renaître non plus dans les champs de bataille, mais dans l’agriculture, l’industrie, l’éducation et la technologie : les nouveaux fronts de notre émancipation nationale.
Alceus Dilson, Communicologue, Juriste
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